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«Depuis que les
Algériens ont verrouillé la frontière, ma voiture n'a pas bougé», lance,
dépité, un habitant vivant de la contrebande dans l'Oriental, région du
nord-est du Maroc où la population souffre du récent tour de vis d'Alger contre
ce trafic. «Ma voiture transportait jusqu'à une tonne de gazole, deux-trois
fois par jour. Aujourd'hui, elle ne sert plus à rien», explique à l'AFP ce
trentenaire, en sirotant un thé, face au poste-frontière de Zoudj-Beghal.
La frontière terrestre entre le Maroc et l'Algérie est officiellement fermée, depuis 1994. Mais elle n'est pas étanche: des personnes la traversent, quotidiennement et la contrebande de carburant et de marchandises y était courante. Mais, en juin, Alger a pris des mesures drastiques et lancé des contrôles massifs à ses frontières. Le gouvernement a souligné que 600.000 voitures roulaient dans les pays voisins avec du carburant de contrebande, un trafic représentant un manque à gagner d'un milliard d'euros pour l'Etat algérien. En Algérie, un litre d'essence vaut 23 dinars (0,23 euro) et celui du gazole 13,40 dinars (0,13 euro). Au Maroc, dépourvu à ce jour d'hydrocarbure, le litre d'essence coûte plus d'un euro. La décision algérienne a eu des répercussions sur l'Oriental, région marocaine voisine, de plus de 2 millions d'habitants. D'autant que plus de 18.000 personnes vivaient, avant juin, du trafic de carburant, d'après Hassan Ammari, de l'Association marocaine des droits humains (AMDH). «Que vont-ils faire maintenant?», enchaîne-t-il. Depuis son accession au trône, en 1999, Mohammed VI s'est efforcé de désenclaver l'Oriental, où de nombreux projets ont été inaugurés. Une autoroute relie, à présent, en 6 heures Rabat à Oujda. Mais, de par son éloignement géographique de l'axe atlantique Tanger-Rabat-Casablanca, sa vie économique est restée, en partie, dépendante des activités frontalières. Première conséquence de la décision d'Alger, les prix du carburant de contrebande ont flambé. De 90 dirhams (8 euros) avant juin, le bidon de 30 litres de gazole est passé à 250 dirhams (22 euros). Aussitôt, les 4.000 grands taxis de l'Oriental ont augmenté leur tarif de 20%. Malgré cela, le compte n'y est pas, clame Fathi Miri, un représentant de la profession. «Nous en avons marre de cette situation. Un jour nous allons enlever les roues de nos voitures et tout bloquer», dit-il. Face aux contrôles renforcés ainsi qu'aux fossés creusés par les autorités algériennes, selon les contrebandiers, les ânes sont devenus le seul moyen de franchir la frontière depuis juin. Chargés de bidons, ils sont des centaines à traverser, quotidiennement, dès le coucher du soleil, champs d'oliviers et chemins escarpés pour assurer l'approvisionnement en carburant. La nouvelle donne a poussé certains à passer du transport de carburant à celui des personnes. «Je fais rentrer les Marocains en Algérie et les Algériens au Maroc», dit l'un d'eux. «Je perçois 300 dirhams (28 euros) pour chaque ?client' transporté. Mais avec l'hiver, il n'y aura plus personne», s'inquiète-t-il. Enfin, pour assurer l'approvisionnement de la région en carburant, le gouvernement marocain a pris des mesures, mais il part de loin : Oujda, ville de 600.000 habitants, ne compte à ce jour que 13 stations essence. La région reçoit environ 700 tonnes de carburant par jour, afin de compenser partiellement les 300.000 tonnes qui venaient d'Algérie, affirme Mohamed Benkaddor, président de l'Association de protection des consommateurs de l'Oriental (APCO). Joint par l'AFP, le député islamiste d'Oujda, Abdelaziz Aftati, plaide pour une réouverture officielle des frontières. «La coopération entre nos deux pays est une nécessité, malgré les divergences», assure-t-il, alors que le coût de la désunion des pays du Maghreb est estimé à plusieurs points de croissance par an. Au début du mois, Alger s'est de son côté félicité de ses récentes mesures prises contre la contrebande, estimant qu'elles commençaient «à porter leurs fruits». |
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