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Discussions à Ouagadougou, veillée d'armes à Kidal : Les Touaregs du Mali entre guerre et paix

par Salem Ferdi

L'émissaire de Bamako et la délégation conjointe du MNLA et du Haut conseil pour l'unité de l'Azawad (HCUA) devaient être reçus, hier, séparément par le président burkinabè Blaise Compaoré, médiateur dans la crise malienne pour l'Afrique de l'Ouest.

Un prélude à des «pourparlers directs» qui ont été préparés, deux jours plutôt, par une attaque de l'armée malienne contre les éléments du Mouvement national de Libération de l'Azawad (MNLA) dans la localité d'Anefis, à une centaine de kilomètres au sud de Kidal. Une sorte de message meurtrier de l'armée malienne pour afficher sa détermination à prendre sa revanche avec Kidal, dernier réduit des rebelles Touaregs, comme cible. Il semblerait que la France, qui est maître du jeu au Mali, ait signifié à l'armée malienne de ne pas aller trop loin en direction de Kidal. On semble s'installer dans une sorte de modus vivendi militaire en attendant de voir ce que les négociations de Ouagadougou vont donner. L'armée française a envoyé sur place, à Anefis, un « « détachement de liaison » et un « détachement de protection », soit au total une centaine d'hommes. Ces hommes ont pris position à côté du contingent malien dans ce qui semble être une volonté de geler les opérations armées. Le MNLA a affirmé par la voix de son vice-président Mahamadou Djéri Maïga, que ses combattants se sont déployés dans les « périphéries » et se préparent « à une contre-offensive? On a quitté la ville pour éviter que l'armée malienne massacre les populations de notre territoire ». Le bilan des affrontements d'Anefis sont très différents selon les deux protagonistes. 30 rebelles tués et deux soldats blessés, selon l'armée malienne, alors que le MNLA ne reconnaît qu'un mort et deux blessés dans ses rangs. « L'armée malienne a perdu six véhicules que nous avons explosés avec de nombreux hommes à l'intérieur, il y a plusieurs morts de leur côté », a affirmé Mahamadou Djéri Maïga. Ce sont donc des discussions qui s'engagent dans un climat de tension avec d'un côté l'ancien ministre Tiébilé Dramé, conseiller spécial du président par intérim Dioncounda Traoré et pour les Touaregs, Mahamadou Djéri Maïga, et Mohamed Aharib du HCUA. L'objectif affiché est de permettre la tenue de l'élection présidentielle prévue pour le 28 juillet prochain sur l'ensemble du territoire y compris à Kidal.

LES TOUAREGS NE DEPOSERONT PAS LES ARMES

Le blocage est que les Touaregs ne veulent pas de la présence de l'armée malienne à Kidal. Ils ont également rejeté l'appel de la France à déposer les armes. Dans un communiqué publié après l'attaque contre Anefis, le MNLA ne se considère plus engagé par le cessez-le-feu et se réserve le droit de répondre aux attaques de l'armée malienne. Il critique également l'appel de la France au dépôt des armes. « Le MNLA et le HCUA informent l'ensemble des parties engagées dans la crise multidimensionnelle que traverse le Mali et l'Azawad, que ni le MNLA, ni le HCUA ne déposeront les armes avant le règlement définitif du statut de l'Azawad et se réservent le droit de riposter aux agressions de l'armée malienne et de ses milices ». Les Touaregs se disent cependant disposés aux « négociations politiques dans l'objectif de trouver une solution négociée qui soit pérenne, juste et équitable ». Le MNLA entend garder ses armes jusqu'au « règlement définitif du statut de l'Azawad » et estime avoir fait une concession lourde en renonçant à l'indépendance. Du coté de Bamako, on ne semble pas prêt à accepter l'option d'une autonomie. L'avancée de l'armée malienne sur Anefis est une manière de signifier que l'option de la guerre est déjà là.

CRIMES ET EXACTIONS

Le représentant spécial au Mali du secrétaire général de l'ONU, Bert Koenders, a déclaré fonder «un grand espoir» sur les discussions prévues à Ouagadougou. «Avec toutes les complexités du pays, les Nations unies ont (voté) une résolution claire: on va résoudre les problèmes d'une manière pacifique». L'optimisme du représentant de l'ONU est cependant de nature à être refroidi par les rapports d'Amnesty International et Human Rights Watch (HRW) qui ont dénoncé vendredi dans deux rapports distincts les crimes et exactions commis par l'armée et les groupes armés au Mali depuis janvier. «Le bilan des forces de sécurité maliennes en matière de droits de l'homme est simplement terrible», a accusé Amnesty, évoquant notamment des cas de torture. Les soldats maliens qui sont arrivés dans le sillage des troupes françaises ont fait usage de leurs fusils sur des civils désarmés.

Amnesty International a dénoncé des exécutions qui n'ont pas épargné des vieillards, touaregs ou arabes. HRW a accusé le MNLA d'avoir arrêté dans la région de Kidal «une centaine de personnes, dont la plupart étaient des hommes à la peau plus sombre appartenant à des groupes ethniques non touareg».