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Le changement, en dernière minute, de l'ordre du jour du Sommet européen
qui se tient à Bruxelles, pour être consacré à la lutte contre l'évasion
fiscale, exprime-t-il une vraie volonté d'en finir avec les paradis fiscaux ?
Difficile d'y croire quand on sait les divergences entre les pays membres de
l'UE.
Prévu pour l'examen du dossier énergétique de l'Union, le Sommet européen, de ces mercredi et jeudi, sera consacré, en priorité, à la lutte contre l'évasion fiscale et la «loi» des paradis fiscaux, en Europe et dans le reste du monde. Selon des sources européennes, chaque année, plus de 100 milliards d'euros échappent aux administrations fiscales européennes. Le moyen d'y parvenir est simple en apparence : rendre obligatoire la levée du secret bancaire et l'échange d'informations entre les Etats, sur l'épargne des citoyens installés dans un autre pays européen que celui de leur nationalité. A vrai dire, cette proposition n'en n'est pas une, puisque elle existe déjà dans la réglementation européenne, depuis l'année 2003 (10 ans), mais rencontre l'opposition partielle ou totale de certains Etats tels le Luxembourg, l'Autriche (le secret bancaire est inscrit dans sa Constitution), la Suisse (non membre de l'UE). S'ajoute à cela, les pays où zones qui échappent à tout contrôle, tels les Iles Caïman, Saint-Marin, Jersey, etc. D'emblée, beaucoup d'observateurs politiques estiment que la lutte contre l'évasion fiscale ne peut être efficace, sans la collaboration du reste du monde. D'ailleurs, cette volonté de vouloir stopper l'évasion fiscale a été, maintes fois, déclarée lors de précédents Sommets européens et réunions des pays du «G 7» ; «G 20» et entre les USA et l'Europe, sans que cela n'aboutisse à de vrais résultats. Sur ce, rappelons que les USA disposent, déjà, d'une législation leur permettant de poursuivre leurs concitoyens disposant de comptes bancaires à l'étranger, en Europe y compris en Suisse. La question est de savoir pourquoi l'Europe peine à mettre en pratique le contrôle fiscal, dans sa propre famille. C'est que les réglementations en la matière différent, grandement, d'un pays à l'autre, allant jusqu'à instaurer une concurrence, sans scrupules, entre les pays de l'Union. Pour des raisons de marché, de crédits et de coût du travail, la législation diffère d'un pays à l'autre. Cependant, la crise économique et sociale qui frappe l'Europe la pousse à «nettoyer» la lourdeur et la complexité de ses législations en matière financière (fiscalité, marché bancaire, coopération judiciaire, etc.) Ainsi, la lutte contre les paradis fiscaux, le blanchiment d'argent sale, la corruption? est tributaire de réformes dans beaucoup de secteurs communs : finances, justice, coopération policière, lois bancaires? Le défi est lourd et exige un consensus européen, voire une unanimité des Etats membres. En clair, pour endiguer la fuite des capitaux, au contrôle de l'Etat, il faut une harmonisation des législations des pays membres de l'UE. Ce n'est pas aussi évident, puisque une harmonisation générale, en matières financières, ne peut se faire sans une harmonisation du marché du travail et de la fiscalité. Autant dire un pas de plus vers une Europe fédérale. Cette option souhaitée par l'Allemagne n'arrange pas l'autre pays «moteur» de l'UE, c'est-à-dire la France, alors même que c'est ce dernier pays qui a, selon, des sources européennes, changé l'ordre du jour de ce Sommet pour le consacrer à la lutte contre l'évasion fiscale. Du coup, certains analystes y voient, dans ce changement d'ordre du jour, une manœuvre du président français, François Hollande, pour parer aux scandales qui touchent sa famille politique (affaire Cahuzac, ministre fraudeur du fisc, implication d'élus socialistes dans des affaires de détournement et d'abus de bien sociaux ?). Toujours est-il qu'il faut reconnaître au président français d'avoir mis en application, depuis le 1er janvier dernier, une directive européenne sur «la coopération administrative améliorée dans la fiscalité directe» (au moment de l'enquête sur la fraude de son ministre du Budget, Jérôme Cahuzac). Qu'importe, peut-être que le cas français réussira-t-il à hâter la mise en application des lois sur l'échange automatique d'informations sur tous les détenteurs de comptes bancaires dans l'Union, prévu en 2015. Quant aux informations concernant les comptes domiciliés dans les paradis fiscaux, l'UE ne prévoit leur examen qu'en 2017. Alors, le Sommet qui se tient à Bruxelles n'est-il qu'une énième annonce sans lendemain immédiat ? |
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