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Des couacs et des altercations
en cascade pour finir ce festival où tout s'est passé exactement comme notre
envoyé spécial ne l'avait pas du tout prévu.
Un signe ? Non, trois ! 1- La déception, profonde, extraordinaire et monumentale avec le dernier Coppola «Megapolis». 2- L'ennui avec «Oh Canada» de Paul Schrader, autre enfant du New Hollywood, avec un Richard Gere, déjà très vieux (à la fin de sa vie, les confessions d'un célèbre documentariste qui avoue qu'il n'était pas du tout le héros qu'on croyait). 3- La cata Karim Aïnouz, petit film «Motel Destino» et grande déception. Tous les metteurs en scène qui ont accompagné ta vie d'envoyé spécial reviennent pour dire qu'ils n'ont plus rien à dire, plus rien à faire ici. Capito ? Un signe ? Non, trois ! 1- Lyna Khoudri au firmament, c'est bien la fille de ton collègue, le journaliste à la retraite Rabah Khoudri ? Et l'actrice qui monte, qui monte, Sonia Faïdi, c'est bien la fille de tes amis de lycée l'architecte Halim Faïdi et la pharmacienne Souad F. ? Et le dessinateur Gyps que tu as croisé un soir de Croisette, en croyant d'abord que c'était un retraité perdu dans la masse des festivaliers, il t'a dit quoi ? Qu'il était là que pour suivre sa fille Léna Situations, la number One des influenceuses. La génération d'après est déjà bien installée, que celle d'avant aille maintenant se reposer ! Alors que t'avais péniblement obtenu un petit créneau au Stand Algeria is back, soit vendredi après la prière, pour annoncer officiellement -et cette fois-ci pour de bon- ta mise à la retraite trop longtemps repoussée, grande fut ta surprise en arrivant devant un pavillon déjà vidé et fermé, avec néanmoins un mot gentil à ton attention : «Si tu peux, reviens une dernière fois l'année prochaine, juste pour les 50 ans de la Palme verte Hamina, ensuite, tu pourras rejoindre Azzedine Mabrouki au paradis des oubliés». Très touchant. Au dîner de la presse, installé table 1, face à la présidente du festival Iris Knobloch, pour partager avec la crème de la presse internationale third-âge un menu concocté par le chef doublement étoilé Bruno Oger, te voilà agressé par un confrère du Tadjikistan. «Encore tu vas donner le menu, en quoi ça intéresse le lecteur ? ». De quoi rajouter des coliques à tes coquelicots. On s'en fout de ton «lvelouté à l'amande douce concombre verveine» (en amuse-bouche), du «Méli-Mélo d'Asperges, perles d'anchois, vinaigrette gingembre, purée d'avocat au basilic» (entrée), de «la Dorade royale rôtie vierge aux condiments de Provence» (plat), et des «Gavottes cacao, pot de crème chocolat pur caraïbes, confit de framboise» (dessert), sans compter les breuvages et le café final accompagné d'une madeleine au miel. Heureusement qu'ensuite, il y a eu une réconciliation avec le Tadjik chez «Omar, la braise»- Shawarma avec frites grasses à volonté- réconciliation sur le mode «la cuisine gastronomique française est peut-être délicieuse, mais les portions sont microscopiques». Si tu dis que pour la palme, tu optes pour «Bird», drame social britannique d'Andréa Arnold, plutôt que pour la comédie transgenre «Emilia Perez» du français Jacques Audiard, que crois-tu qu'il va se passer ? Tu peux toujours parier sur Demi Moore pour le prix d'interprétation féminine et parier pareillement sur l'acteur qui joue le rôle de Donald Trump jeune dans «The Apprentice» du réalisateur dano-iranien Ali Abbasi pour le prix d'interprétation masculine, les lecteurs retiendront surtout que tu n'arrives plus à retenir les noms des comédiens. Si, il y a 20 ans, c'était plutôt fun et osé de ta part d'avouer que tu étais endormie pendant le merveilleux et gonflant film d'un Alexandre Nikolaïevitch Sokourov ou d'un Nuri Bilge Ceylan, cette année, sauf à assumer le côté pathétique de l'irréversible déchéance, ne mets pas trop en avant que tu es passée à côté d'un des plus beaux films indiens de la décennie, dont tout le monde loue les qualités, «All We Imagine as Light» de Payal Kapadia qui scanne à travers plusieurs personnages féminins le thème de l'amour contrarié ou rendu impossible; quant à préférer un film qui se moque des turpitudes d'un enfant gâté russe en Amérique, «Anora» de Sean Baker, au dernier opus de l'Iranien, exfiltré de dernière minute Mohammad Rasoulof, prouve que la Nouvelle Époque bénie t'échappe, et que, définitivement, tu n'es plus dans le coup. Et puis enfin, ce fait divers qui a fait beaucoup de bruit dans la bulle cannoise algérienne. Une agression verbale (avec plein de gros mots en arabe dedans), suivi d'un dépôt de plainte post #Me.too (en langue française) au Commissariat, et tout le toutime ! Non seulement tu n'es pas la victime, ni (même pas) l'accusée, mais, suprême humiliation, te voilà appelée à jouer l'impossible rôle du sage-réconciliateur. Tous les signes sont là, alors surtout ne dis pas, n'écris plus, ne t'achève pas par un énième et périlleux «à l'année prochaine». |
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