|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
Présenté hors compétition, le
documentaire de Yolande Zuberman, «La Belle de Gaza» est
juste impossible à défendre à l'heure où l'enclave palestinienne est sous les
bombes d'une armée d'occupation qui, avec la complicité passive ou active des
puissances mondiales, assume sa haine contre les arabes.
Il y a un sérieux problème avec le film La Belle de Gaza, et cela n'a rien à voir ni avec sa réalisatrice, Yolande Zuberman, ni avec le film lui-même d'ailleurs. Le problème c'est sa programmation dans le plus grand Festival de cinéma alors que le drame palestinien continue avec son lot de morts civils et de destructions massives. Pas la faute à Yolande Zuberman dont la filmographie ne souffre d'aucune ambiguïté. Spécialiste de la nuit et des barrières qui tombent entre communautés en conflit, Yolande Zuberman a réalisé son premier film clandestinement en Afrique du Sud, en 1987, donc, avant la fin de l'apartheid, pour dénoncer à partir d'exemples concrets l'absurdité des classifications raciales alors en vigueur. Dans le très réussi et inquiétant «Would You Have Sex With an Arab», sorti en 2012, elle fait la tournée des boîtes de nuit de Tel-Aviv pour poser une seule question : «Vous feriez l'amour avec un arabe ?». Les réponses, qu'on devine aisément, disent mieux que n'importe quel discours cet apartheid que personne ne dénonce au nom de la loi du plus fort. Cinq ans après ce documentaire exceptionnel, la réalisatrice pour dresser le portrait d'un homme violé dans sa communauté hassidique de Bnei Brak, M, comme Menahem, le nom du personnage détruit par la loi du silence C'est justement dans ce documentaire, au détour d'une phrase qu'est né le film La Belle de Gaza et c'est peut-être la faute de Selim Nassib, le compagnon de la réalisatrice Yolande Zuberman. Résumons l'affaire, à un moment, le jeune homme volé par les religieux, lâche par dépit qu'il est abandonné par sa communauté et sa famille et «même mes amis trans' arabes ne veulent plus me voir». Pour illustrer cette confession, la réalisatrice demande alors à son compagnon-assistant de prendre quelques images des prostituées trans. Rappelons que Selim Nassib, juif libanais d'extrême gauche et pro-palestinien a eu son heure de gloire en tant que journaliste du quotidien français Libération en étant leur correspondant pendant la guerre du Liban. Proche de Yasser Arafat, il est avec le leader de l'OLP quand en août 1982, plus de 10.000 combattants palestiniens, évacuent Beyrouth par la mer, avec à leur tête le leader de l'Organisation de libération de la Palestine et après trois mois d'un terrible siège de l'armée israélienne. C'est lui qui affirme à sa compagne, que parmi les transsexuels qu'il a pu approcher et filmer à sa demande, «il y en a une qui dit qu'elle est venue de Gaza à pieds» (70 kilomètres jusqu'à Tel-Aviv). Quelques années plus tard, Yolande Zuberman, revient chercher cette belle de Gaza; mais existe-t-elle vraiment ? C'est la trame du documentaire qui va à la rencontre des transsexuelles arabes, qu'elles soient chrétiennes ou musulmanes, citadines ou bédouines. Hors contexte de la terrible guerre menée contre leur peuple sans défense, on aurait eu sans doute beaucoup d'empathie pour elles/ils ? Probablement que La Belle de Gaza aurait pu nous toucher et nous émouvoir, mais projeter aujourd'hui ce film, avec ce titre, et dérouler le tapis rouge à ses protagonistes dans une ambiance de fête est d'une indécence sans précédent. |
|