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Sans se croiser sur la
Croisette, la star hollywoodienne, Adam Driver, qui tient le rôle principal
dans le très décevant Megapolis de Francis Ford
Coppola, et Adam Bessa, le jeune comédien
franco-tunisien à l'affiche d'un premier et très réussi film français sur le
drame syrien, Les Fantômes, auront marqué, chacun à sa manière, le début de la
77e édition du Festival de Cannes.
- C'est quoi ton sujet du jour ô envoyé spécial du Quotidien d'Oran à Cannes ? - Je vais bien sûr vous parler du dernier film de Francis Ford Coppola, le très attendu et finalement très décevant Megapolis et d'un autre film que personne n'attendait et que j'ai beaucoup aimé, Les Fantômes, premier long-métrage d'un certain Jonathan Millet qui a fait l'ouverture de la Semaine de la Critique, et qui a dû coûter à peu près 100 fois moins cher que la superproduction du parrain du New Hollywood, revient sur le drame syrien d'une manière originale - Quel rapport entre les deux films ? - Aucun à priori - Cherche, tu n'es pas payé pour rien ! - Le premier, Megapolis est interprété par une star mondiale, Adam Driver, le second, Les Fantômes, par un jeune comédien franco-tunisien qui monte, Adam Bessa. Je peux tenter de faire un lien entre les deux Adam, et titrer Les Deux Adam, en référence à la soi-disant revue mythique Les Deux écrans. - Franchement, mis à part Nabil Djedouani, personne ne se souvient de cette revue de la très ancienne Algérie, tu ne pourrais pas plutôt nous trouver un titre en anglais, comme «Algeria is Back», le slogan du pavillon algérien à Cannes ? C'est très tendance, très New Algeria. - Yes of course, we Cannes, je peux tout à fait, que pensez-vous de «Two Adam» ? Simple et efficace, comme le Two Lovers de James Gray. - Justement, ça fait un peu LGBTQ+ ou -, on va essayer d'éviter ça - Et «All about Adam», en référence au chef d'œuvre de Joseph L. Mankiewicz All About Eve, ça claque non ? -Ah, oui, parce que tu crois que ça va parler aux lecteurs du Quotidien d'Oran ? Non, essaye d'être plus perspicace, et que fais-tu de tes soirées ? -Je ne vais plus fêtes, c'est la crise, le champagne qui coulait à flot les autres années est désormais servi au compte-gouttes, c'est le moins que l'on puisse dire, une petite coupette en guise de bienvenue et ensuite les gens se bourrent à la bière, au vin et autres alcools que notre religion a bien eu raison de bannir, en ce qui me concerne, je me contente des jus de pomme... - Voilà, ça c'est bien, excellente accroche, raconte-nous ta conduite exemplaire, tes jus d'Adam, ça nous va, ça parle à tout le monde. - Go, c'est parti ! Après avoir ingurgité deux litres de jus de pommes à la Fête de la Quinzaine des Cinéastes, l'envoyé spécial du Quotidien d'Oran à Cannes est rentré se coucher tôt pour être en forme à la première projection du film Megapolis. Levé à l'aube, le vétéran des critiques algériens a traversé sous une pluie fine mais insistante la rue d'Antibes pour être au rendez-vous des bus affrétés qui devaient conduire les journalistes importants dans un quartier excentré de la ville, car Coppola voulait absolument que son film soit vu dans une salle Imax. -Va droit au but, dis-nous pourquoi ce film ne t'a pas plu -Ah, je croyais que c'était important de préciser au passage que Le Quotidien d'Oran faisait partie des rares médias importants conviés à cette première réservée à la presse qui compte, j'ai même dû signer des papiers pour respecter l'embargo jusqu'à la protection officielle du film. - A propos de décharge, on n'a toujours pas reçu la lettre où tu t'engageais à ne pas cracher sur les bonnes initiatives menées par le ministère de la Culture qui a décidé d'envoyer une trentaine de personnes à Cannes pour bien montrer au monde que l'Algérie est de retour Bon et ce film de Coppola, Megamachin, c'est quoi le problème ? - C'est franchement une méga-déception. Etrangement d'ailleurs tous les arguments promotionnels de cette grosse production qui nous ont pourtant tenus en haleine pendant des semaines se sont retournés les uns après les autres contre le film. Une œuvre testamentaire d'un des derniers géants du New Hollywood, contraint de vendre ses vignobles et ses biens immobiliers pour réaliser, à plus de 100 millions de $, «un projet très personnel qu'il traîne depuis 40 ans» ? Megapolis s'avère effectivement, et malgré son déluge d'effets spéciaux, une fable très datée, aussi bien sur le fond (qui ose encore aujourd'hui dresser le parallèle entre la décadence de l'antique Rome et celle de l'Amérique capitaliste d'aujourd'hui ?), que sur la forme (mise en scène baroque). De même, l'idée de pouvoir arrêter le temps, comme parvient laborieusement à le faire le héros du film, l'architecte César Catilina (Adam Driver), excitante dans le trailer, finit par devenir une métaphore gênante pour le réalisateur qui n'avait plus tourné de films depuis 2011 : le temps s'est-il arrêté pour Coppola ? Oubliera-t-on vite son Megapolis ou resurgira-t-il dans un autre temps ? - Si tu croises Coppola, ou son comédien Adam Driver, donne-leur le téléphone de Abdelkader Djeriou, il est temps que l'Amérique et le monde entier sachent que le Festival d'Oran est de retour cette année. - Je sais, je sais, l'Algérie de Djaffer Beck is back, mais franchement je ne sais pas si je peux approcher ces deux grands artistes américains. Et puis avec les Américains on ne sait jamais, s'ils découvrent que Djeriou pour son dernier feuilleton ramdanesque a tout pompé sur Prison Break, ils vont exiger des droits d'auteur et sortir leurs grosses artilleries. En revanche, je peux tenter l'autre Adam, qui n'est pas d'origine marocaine, mais tunisienne, ça facilite les choses, et je sais comment le contacter -De quoi parle le film Les Fantômes ? - C'est un thriller simple et efficace, basé sur des faits réels. Quand l'Allemagne a décidé d'accueillir les Syriens qui fuyaient la guerre, il y a eu un rush et même quelques soldats du régime syrien ont profité de cet appel d'air pour déserter le pays en guerre. Dans le film de Jonathan Millet, des Syriens ayant été torturés traquent, entre Berlin et Strasbourg, leurs anciens tortionnaires. Adam Bessa est excellent dans ce film, il est bien parti pour grignoter le pain français de Tahar Rahim dans les prochaines années, on peut parier là-dessus ? - Ce n'est pas un film orienté ? - Non, ce film a l'intelligence de rester dans les codes du thriller, et en plus, à mon humble avis, il arrive mieux que tout autre film à restituer le sentiment d'exil. Le Festival de Béjaïa semble déjà intéressé. - Venant de la part des RCB, ça ne nous étonne pas, d'autres films à traiter ? - La Belle de Gaza de Yolande Zuberman est un documentaire d'une profonde humanité, mais j'avoue que le timing ne joue pas du tout en sa faveur, ce film va à la rencontre des transsexuels palestiniens qui trouvent refuge dans les villes israéliennes, le projeter alors que Gaza est sous les bombes d'un psychopathe soutenu par les puissances mondiales va sans doute déclencher des polémiques sans fin dans la presse arabe. - Et le fait qu'il soit programmé par Cannes, ce n'est pas innocent non plus, tu ne nous ferais pas un article là-dessus ? Et n'oublie surtout pas de couvrir la journée palestinienne organisée par la délégation algérienne. D'ailleurs, as-tu rencontré les talents que l'Algérie a envoyés sur place ? - Oui, j'ai croisé Chawki Amari qui m'a ignoré d'une manière on ne peut plus ostentatoire et la réalisatrice Sofia Djama, autrement plus sympa. - Elle, tu peux l'ignorer à ton tour, avec tout ce que l'Algérie a mis à sa disposition, elle n'arrête pas de cracher dans la chorba, pour qui se prend-elle au juste ? Pour Sofia Coppola ? - Oui, elle est du genre clivante, et peut-être énervante parfois, mais elle a un bon cœur au fond, elle aime les chats, et puis il faut réconcilier tout le monde avec tout le monde, et enfin la Djama a quand même eu le flair de repérer avant tout le monde Lyna Khoudri et Adam Bessa, bien avant qu'ils ne deviennent célèbres, en les faisant tourner dans Les Bienheureux, son premier long-métrage. - Personne mis à part toi ne se souvient de ce film bancal qui vole au secours des derniers francophones d'Algérie, on t'a connu plus perspicace dans tes analyses, oublie la Sofia et profite du fait que le film Ben M'hidi de Bachir Deraïs soit projeté dans le cadre de «Algeria is back» pour nous faire une critique positive et constructive, tout le monde a parlé des mésaventures liées à la production de ce film et personne n'a été capable de pondre une critique digne de ce nom. Ni Sarah Haîder, trop occupée à faire la tournée des résidences d'écriture de France, ni Chawki Amari qui préfère interviewer les gens qui le font tourner dans leurs films. Profite du fait que personne ne veuille de toi, ni au cinéma ni en littérature, pour accomplir la noble mission de défendre le cinéma algérien, le vrai, celui qui ne quémande pas les aides de France, d'Arabie Saoudite et de Navarre, on compte sur toi ? |
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