Les humeurs de notre envoyé spécial à Cannes entre réalité augmentée et délire-fictions.

Dimanche 20H30. Encore une disparition. La dernière rencontre avec Chafia Boudraa remonte à 2010. À Cannes, justement, et durant la fête du film Hors la loi de Rachid Bouchareb où elle tenait un de ses derniers rôles d'envergure au cinéma. Ensuite c'était elle, la star, qui m'avait envoyé un message de remerciements. Le monde à l'envers ! À bientôt Chafia !

DIMANCHE 21H10. Par soucis de déontologie nous sommes dans l'obligation de signaler ici que Madame la Consul de Nice a fait le nécessaire pour faciliter les démarches administratives concernant le regretté Ahmed Benaïssa. Il semblerait que les autorités bien veillantes nous respectent plutôt mort que vif !

SAMEDI 20H55. Si Cannes est la Mecque du cinéma, est-ce à dire que mourir sur place est la meilleure des choses que l'on puise souhaiter à un comédien qui a voué sa vie au cinéma et au théâtre ? En ce qui nous concerne, entre Mort à Venise et Mort sur le Nil, si on pouvait choisir, on préférerait encore Mourir peut attendre.

SAMEDI 20H55. Dîner de la presse du Festival de Cannes: L'envoyé du Quotidien d'Oran, en tant que dinosaure ruminant, carnivore et méritant, fait partie de la cinquantaine d'invités sélectionnés parmi les 3000 journalistes accrédités. Retrouvailles au Café des Palmes, au 4ème étage du Palais, avec la crème des confrères du monde entier. Sauf les russes, les afghans et les chinois. Le menu : En entrée «Asperges blanches cloutées à la rhubarbe, stacciatella, poutargue d'oeuf bio». Est-ce que le cinéma est encore mort ? Plat : «Volaille rôtie au citron noir, pomme fondante au safran, courgette niçoise, jus de volaille aux coquillages». Est-ce que les plateformes vont encore plus tuer le cinéma ? Dessert :«Le Chokoreto, crémeux chocolat bio Andoa, caramel Yuzu et croquant cacao». Le cinéma n'a-t-il pas marre de mourir tout le temps ? Le café arrive on le boit vite pour éviter de répondre à la question de la voisine de table, une brésilienne qui parle en anglo-saxon : «Et en Algérie, est-ce que les plate-formes ont modifié la production et la diffusion de vos films ?». Algérie/plateforme/production/films : associer ces mots c'est vraiment n'importe quoi. «En Algérie, madame, il n'y a pas de plateforme, pas de production, pas de films, pas d'Algérie, mais nous avons mieux : notre fierté, madame, et une palme d'or presque aussi vieille que vous -et moi. Alors arrêtez avec vos insinuations madame Bossa-Nova Bolsonaro, et puisque visiblement vous n'aimez pas le Chokoreto, est-ce que je peux le finir à votre place ?».

SAMEDI 23H55. La fête de La Semaine de la Critique dans un domaine magnifique. Pelouse de rêve. Palmiers en bonne santé. Très mignons les mini-burgers, mais merci j'ai dîné Festival, boissons au gingembre avec ce que l'on veut dedans. Des tubes des années 2000. Pas l'ombre de l'un des nôtres. La fête sans trouble-fêtes !

DIMANCHE 17H15. Le soleil a disparu nous laissant seuls avec la chaleur moite et pas qu'à moitié.

LUNDI 9H00. À mi-parcours du festival, dans un bar autrefois célèbre et toujours fréquenté par les festivaliers de plus de 55 ans qui ne sont pas encore morts, les mines sont graves et le constat sans appel:Le Festival de Cannes n'est plus ce qu'il était (air connu). Les journalistes qui étaient des «prescripteurs» ne sont plus rien du tout ou presque, remplacés du jour au lendemain par des «influenceurs». Cette 75eme édition du Festival de Cannes marque la bascule vers le tout-numérique. Brut est le co-diffuseur du festival et TikTok en en est son partenaire officiel. Pour avoir les meilleurs plans du Festival, vaut mieux être youtubeur ou instagrameur. Par ailleurs, tout le monde ne jure que par Binance, dont on dit que c'est un acteur mondial majeur de la cryptomonnaie.