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Une nation qui se
respecte doit d'abord respecter la Constitution qui régit les citoyens. Une
Constitution, aussi partiale et inéquitable soit-elle, il existe toujours des
arrangements consensuels entre les lignes de ses articles. Il suffit d'une
lecture intelligente, de gymnastique de combinaisons parmi les tournures
fournies dans ses codes et, bien sûr, ce qui est essentiel, le sérieux et la
bonne volonté de l'intention générale. Oeuvrer dans
le vide constitutionnel est une démarche qui peut compliquer la crise au lieu
de la résoudre. Perdre les repères légaux est un risque qui induit facilement à
un état d'anarchie. Les glissements vers l'avilissement de la situation sont
bien probables, par rapport à la diversité des courants politiques, à la
mosaïque de la composante ethnique avec ses différences culturelles et
sociales, ou aux réflexes régionalistes inclus profondément dans les mœurs
morales algériennes.
Pour autant, la crise que traverse l'Algérie actuellement ne peut pas être considérée comme un péril constitutionnel, le problème est plutôt politique. C'est donc par la voie politique qu'il faut axer les réflexions qui puissent aboutir à une fin favorable. Il est encore plus judicieux de s'appuyer sur les ordonnances de la Constitution pour orienter le dialogue politique vers des raccourcis positifs. Puiser des décisions opportunes à partir des décrets juridiques est une procédure idéale, une source centrale de fusionnement de toutes les opinions. Basculer de texte en texte, en se référant aux articles 7 et 8, ceux qui offrent au peuple le pouvoir suprême de la décision, conduit certainement à la sortie de ce labyrinthe intellectuel. La flexibilité linguistique des mots permet davantage de sens implicites, louables pour développer une conclusion à ce blocage politique. La conformité aux directives du code constitutionnel n'est pas une règle absolue, la transgression de certains chapitres est souhaitable, puisque la noblesse de la fin justifie l'usage de tous les moyens. Le plus important est le respect de l'ambition populaire collective. Entreprendre des initiatives pour retourner au calme doit reposer sur l'aspiration du peuple qui manifeste ses revendications dans la rue depuis plusieurs semaines. Ainsi, le peuple réclame encore pendant ce dixième vendredi de la mobilisation populaire, sans se lasser, le divorce avec les dirigeants en place. Il exige de surcroît qu'ils répondent devant la justice de leurs méfaits qui ont accablé le pays. Nombreuses personnalités politiques et hommes d'affaires sont régulièrement entendus par les juges d'instruction des parquets civils et militaires. Certains cas flagrants sont remis en détention en attendant la suite de leurs procès. D'autres attendent leurs tours pour rendre compte de leur incompétence, de leurs biens soupçonneux, de leurs dépassements professionnels ou de leurs délits financiers. Le peuple a libéré la justice, un secteur qui a pour longtemps souffert des injonctions verticales imposées par la politique. Les arrestations parmi les hauts responsables de l'Etat sont des signes précurseurs qui indiquent une certaine autonomie de la gestion de ce domaine, du moins ça n'est qu'un début. Le syndicat des avocats ainsi que le club des magistrats ont fini par rejoindre le mouvement des manifestants. Ils adhèrent au message du peuple et soutiennent ses réclamations légitimes. Et dire qu'un jour, la justice a manifesté pour l'octroi de plus de justice dans toutes les villes d'Algérie. Le peuple a aussi bouleversé les centres du pouvoir dans le pays. La présidence est désormais détrônée du sommet, c'est l'armée qui détient le gouvernail du navire de la nation. Malgré l'assurance de l'état-major de l'ANP du respect des revendications populaires, le peuple sent toujours du doute quant à la loyauté du corps militaire. Il estime un soupçon d'impunité envers les vrais responsables de la déchéance. Il observe les interventions réparatrices de l'armée comme des règlements de compte entre des clans ou des individus, ce qui est loin du souci majeur de la population qui est le changement total du système. Toutefois, le peuple souhaite bâtir une nouvelle république civile et pas militaire. L'armée reste donc un compagnon dans cette perspective, et non un adversaire pour partager le pouvoir. Néanmoins, trouver une issue à la dépression politique algérienne n'est pas envisageable sous la tutelle du gouvernement présent. Le pourrissement de la situation a atteint son paroxysme dans tous les domaines, impossible donc de se reconstruire à la base d'un système déliquescent rongé de torts et de disgrâce. Revenir sur le déroulement du problème rappelle forcément que le gouvernement est la seule cause de l'aggravation du cas. L'annulation des élections présidentielles est une infraction à la loi de la république et un enfreint à la marche naturelle du processus démocratique. Le forcing exercé pour le maintien du régime en suivant les consignes de la Constitution devient une violation à la volonté populaire. Or, la dynamique populaire refuse tout compromis avec les dirigeants. Le peuple demande que la période de transition soit menée par un directoire présidentiel collégial composé d'éléments propres et intègres choisis par le peuple lui-même. La désignation d'une commission chargée de la préparation et l'application de nouvelles élections présidentielles sera une démarche automatique par la suite. La beauté de la révolte populaire algérienne réside dans son caractère naturel. Elle est spontanée, massive, franche et surtout sans représentativité politique. Mais, c'est bien l'absence de porte-parole sincère qui fait gravement défaut à son originalité. Un dialogue prend forme un peu partout à travers des regroupements de citoyens, sur les plateaux de télévision et dans les réseaux sociaux. Le linge sale continue, cependant, de se laver dans la rue jusqu'à la purification de la république et la récupération de la liberté spoliée jadis au lendemain de l'indépendance. |
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