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La
comédienne Adila Bendimerad
et son mari le réalisateur Damien Ounouri sont à
Cannes pour défendre leur prochain film qui traite des derniers jours
mouvementés de la dernière princesse d'Alger face au terrible Baba Arroudj. Projet retenu par le Festival de Cannes dans le
cadre de sa Cinéfondation. L'interview du couple
glamour a été faite dans le sympathique cadre du très vide stand Algérie, seul
endroit calme de la Croisette. Mais la nuit venue quand il fallait dérusher l'interview, une fête de tonnerre de Dieu et un
scoop monumental sont venus chambouler l'emploi du temps de l'envoyé spécial du
Quotidien d'Oran à Cannes.
De toute évidence c'était la plus belle des soirées de Cannes que cette fête du film Le Monde est à toi de Romain Gavras, le fils de Costa G. Entre deux sets de dj à la mode, le groupe PNL nous a gratifiés d'un mini-concert stupéfiant de psychédélisme extatique. L'abus de cherbette de luxe n'expliquait pas à lui seul l'étrange et délicieuse sensation d'être au plus près des étoiles. C'était la plus belle des soirées et tout le monde parlait en arabe, ou plus exactement tout le monde parlait sa langue d'origine mais en arabe, ou truffé de mots arabiques à connotation islamo-gauchiste. Le Monde est à toi est une réjouissante comédie d'action, snatchienne et tarantinesque au diable, avec une hystérique et magnifique Isabelle Adjani en mère-rebeu braqueuse et un casting cinq étoiles comme la main de Fatma. On reviendra sur ce film et sur les performances d'un certain Karim Leklou, véritable révélation de ce Cannes 2018. Mais pour l'heure Philippe Katherine, Tahar Rahim, Vincent Cassel, Oulaya Amamra causent en wesh wesh et officialisent la grosse tendance de cette édition. Si le cinéma français ne s'est jamais autant bien porté, c'est grâce à des films comme «Le Monde est à toi», «Shéhérazade» de Jean-Bernard Martin et le très culotté «A genoux les gars» d'Antoine Desrosières avec les géniales Inès Chanti et Souad Arsane. Bref va falloir trouver le temps de le faire ce grand article/ grand angle sur les Arabes à la rescousse du cinéma français. Mais pour l'heure on danse et dans l'euphorie de la fête on a déjà oublié la grosse humiliation du jour (à Cannes on se fait humilier au moins 5 fois par jour). Oui on a déjà oublié et surtout pardonné à Sofia Boutella d'avoir refusé notre demande d'interview à l'occasion de la projection en avant-première mondiale de Fahrenheit 451, la superproduction américaine HBO réalisée par Ramin Bahrami où la fille de Safy partage la vedette avec Michael B. Jordan. Cette nouvelle adaptation du roman de Ray Bradbury publié en 1953 raconte l'histoire d'un pompier qui, dans un futur dystopique où les livres sont systématiquement brûlés, décide de contre-attaquer et d'en conserver un secrètement. D'où la question innocente («Et s'il fallait sauver un seul roman algérien, lequel choisir ?»), qui allait provoquer la foudre de tonnerre de Dieu berbère et faire tomber sur la plage Magnum le scoop de l'année. Et s'il fallait sauver un seul roman algérien ? La réponse est terrifiante: «L'âne mort» de Chawki Amari (Editions Barzach). Pourquoi? Attention gros scoop? Parce qu'on vient d'apprendre là et à l'instant que le grand réalisateur Abdelatif Kechiche, palme d'or avec La Vie d'Adèle, a décidé d'adapter le roman magnifique du non moins sensationnel Chawki A à l'écran. L'écrivain anti-Otan en emporte le vent des Aurès, le Kabyle radical qui rend inoffensifs les bouseux du MAK, lui le chef de file du MIA (Mouvement pour l'Indépendance réelle de l'Algérie) va encore frapper et plus que les cherbattes ingurgitées dans des coupes, c'est cette nouvelle qui nous terrassa pour de bon. La musique battait son plein et personne n'entendait la dispute entre Sofia Djama, venue à Cannes pour trouver de quoi financer son prochain film Excédent de voyages, et l'envoyé spécial du Quotidien d'Oran à Cannes. Dispute à propos de qui aime le plus Chawki Amari. Le génial Chawki. L'archi-sexy Amari. A partir de là les larmes coulaient autant que le champagne : - C'est moi qui l'ai connu avant toi - Non, c'est moi que je l'aime depuis ma naissance et plus que toi. C'était la plus grosse fête de Cannes on n'allait quand même pas s'entre-déchirer devant tous les grands représentants du cinéma mondial, on s'est donc rabibochés avec la réalisatrice des Bienheureux sur une promesse dénuée de toute arrière-pensée: «Je sais, je sais, il est rancunier, mais on a encore quelques semaines pour se réconcilier avec cette mule kabyle, tout n'est pas perdu». Le jour se levait et on n'avait toujours pas couché sur papier l'interview de Damien Ounouri et Adila Bendimerad enregistrée l'après-midi même, c'est à dire il y a déjà des siècles. On a envoyé toutes sortes de messages à Chawki Amari, par facebook, mail, sms, face-time. Des messages d'amour, bien entendu, ça allait du plus mensonger («C'est moi qui ai parlé de toi au Tunisien») au plus putassier («Je n'ai jamais aimé pour de vrai KD, Chawki chéri, tu le sais bien que c'est toi le plus magnifique»). Pas de réponses. Il ne restait plus qu'à insulter par fax ses deux snobs éditeurs d'Alger qui bien entendu et comme toujours se sont bien gardés de nous mettre au courant de leurs transactions diaboliques. Pas de papier demain, on va aux urgences pour cause de jaunisse foudroyante. |
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