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Chaque jour notre envoyé
spécial part d'un film présenté en sélection officielle pour imaginer son
équivalent en algérien et en Algérie. Chronique d'un film vu et d'un autre
imaginé. Aujourd'hui «Barbara El Firanssiya» (1/5).
Pourquoi s'arrêter précisément sur Barbara de Mathieu Amalric qui a fait l'ouverture d'Un Certain Regard? Pourquoi ce film retient notre attention plus que bien d'autres vus dans les sélections diverses, dont certains sont d'un point de vue strictement artistique autrement plus réussis ? On aurait pu s'attarder, par exemple, sur Loveless du russe Andreï Zviaguintsev. A partir de la fugue d'un enfant d'un couple saint-pétersbourgeois déchiré, le réalisateur esquisse le portrait d'un pays qui bascule d'un système communiste à un libéralisme débridé ; filmant d'une manière subtile toute la violence de l'individualisme et des résurgences de l'intégrisme religieux dans la poutinesque Russie d'aujourd'hui . On aurait pu aussi mettre en valeur le flamboyant mélo de Todd Haynes, «Wonderstuck», qui rend hommage à la ville de New York en entrecroisant avec brio deux récits et deux temporalités différentes ( le NY de la fin des années 20 et celui des années 70), à travers deux fugues d'enfants là aussi. Oui, pourquoi avoir vu autant de beaux films en si peu de temps, celui qui continue à nous émouvoir est un film consacré à la chanteuse Barbara ? Cela tient-il seulement au (bon) dispositif mis en place par Mathieu Amalric le réalisateur ? Au lieu d'un biopic classique il met en scène un réalisateur en train de tourner -ou plutôt d'essayer de tourner- un film sur Barbara. Un film dans le film donc et c'est naturellement Mathieu Amalric le réalisateur du film qui joue le réalisateur dans le film. Dans le rôle de l'actrice jouant Barbara, Jeanne Balibar qui n'a jamais été aussi bonne. Toute la dynamique du film est d'amalgamer l'actrice et le personnage qu'elle joue. Mais le trouble est plus profond que le simple constat de la ressemblance frappante entre Jeanne Balibar et l'interprète de «L'Aigle noir». Il est ailleurs, il vient de loin (min Ba3id) et il vient de près. Il se trouve qu'un troisième personnage s'invite dans ce dispositif: Warda al Djazaïria ! Est-ce dû à la trame du film dont le sujet est -comme on peut le deviner- ce que l'on projette de nous-mêmes dans notre admiration des icônes qui nous accompagnent, ou est-ce juste un effet secondaire des lendemains de fêtes? Pourquoi la défunte diva arabe hante-t-elle tout le film jusqu'à phagocyter Barbara et Jeanne Balibar ? Y-a-t-il oui ou non une ressemblance frappante entre Warda et Barbara? A moins qu'il faille parler d'une ressemblance entre Warda et Jeanne Balibar ? Si on a tant aimé ce film de Mathieu Amalric c'est parce qu'il nous proposait un autre film en surimpression, un film algérien, imaginaire celui-ci. Un biopic intelligent sur notre Warda internationale. Barbara/ Warda, Warda/ Barbara? L'une et l'autre portent dans leurs voix les grandes déchirures du siècle dernier (la Shoah pour Barbara, les crimes des guerres d'indépendances pour Warda). Autre question, qui pourrait faire un film algérien pour de bon, pour de vrai sur Warda ? Qui ? Sans doute pas l'ancienne garde de faux cinéastes mais vrais soldats de la propagande officielle qui a massacré sans scrupule les mémoires de Abane Ramdane, d'Ahmed Zabana, et autres héros de la Révolution algérienne dans ce qu'on n'ose même pas appeler des films. Et sans doute pas les tristes amateurs qui ont raté d'une manière presque aussi scandaleuse le film sur Hasni. Ni les premiers ni les seconds, mais qui alors ? |
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