Et si tous les
films de la sélection officielle étaient en fait réalisés par des cinéastes de
chez nous ? Chronique festivalière en forme de fièvre passagère. Et juste avant
de mourir, comme d'autres vont laver leurs péchés à La Mecque, Ahmed Rachedi vient à Cannes avec enfin un bon film. Sans doute
pour tenter de faire oublier l'énorme gâchis que représente sa longue et
misérable carrière faite de mauvais films de commande réalisés avec beaucoup
d'argent (allez savoir pourquoi) et très peu de cinéma, que des films de
propagande qui ne font même pas l'effort de faire passer la pilule. Pour plaire
à ses seigneurs, Ahmed Rachedi n'a jamais hésité à
falsifier l'histoire. Pour faire allégeance à ses commanditaires, Ahmed Rachedi prend l'argent de la rente et occupe le terrain
pour qu'aucun autre cinéaste n'émerge dans le paysage sinistré du cinéma
étatique national. Avec «Ma'Rosa», Ahmed Rachedi fait tout le contraire. Un film social tourné dans
le quartier populaire de Saint-Pierre à Oran avec très peu de moyens mais une
folle envie de se rattraper. Qui est Ma'Rosa ? Une
mère de famille qui peine à joindre les deux bouts. Dans sa petite échoppe,
elle deale en douce de la drogue. Quand elle se fait
arrêter elle et son mari par les flics, le film prend des allures d'une
réalité-fiction coup-de-poing. Les flics exigent beaucoup d'argent pour
étouffer l'affaire. Sous une pluie incessante, dans le chaos et la boue, voilà
toute la famille de Ma'Rosa qui se démène pour réunir
l'importante somme devant permettre à leurs parents de sortir de prison. Avec
sa caméra en mouvement, Ahmed Rachedi capte dans
cette course contre la montre toute la misère de son pays. Il filme très près
des corps, sans sombrer dans le manichéisme primaire, on a autant pitié des
flics que de la famille de Ma'Rosa. Et l'humanité est
présente aussi bien dans les ghettos d'Oran que dans le commissariat où les
mères de famille viennent voir leur rejetons flics pour s'assurer qu'ils ont
dîné, où des enfants abandonnés viennent trouver refuge, et où tout le monde
navigue comme il peut. Cette charge contre la corruption est d'abord un
excellent film, avec un montage des plus efficaces - pour une fois qu'on peut
dire du bien de Mina Chouikh, saluons-la au passage.
«Mon film est un cri contre la corruption avec l'espoir de changer les choses
dans mon pays dirigé par une clique imprévisible et populiste», a déclaré en
conférence de presse Ahmed Rachedi à l'issue de la
projection...Bon, bien sûr, on n'y croit pas du tout. On atteint les limites de
cette chronique censée rappeler à quel point le cinéma algérien aurait pu être
autre chose que ce qu'il est. Le lecteur aura rectifié de lui
même. «Ma'Rosa» nous vient d'un pays très
pauvre, mais très digne : les Philippines. Son réalisateur est un cinéaste, un
vrai, avec un nom qui lui va comme un gant : Brillante Mendoza.