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Les vieux films
s'affichent en grand à Cannes et le passé du 7ème art est célébré partout.
Vague vintage ou chronique d'une mort avancée ?
Au fil des ans, la sélection des vieux films restaurés, «Cannes Classics», devient aussi alléchante et courue que les autres. Souvenirs, souvenirs ? Non, plutôt tendance, tendance... Il y a désormais un nouveau marché, celui des films classiques restaurés. Mais ne boudons pas notre plaisir, Cannes opère un choix toujours judicieux. Revoir aujourd'hui «Adieu Bonaparte» de Youssef Chahine (Egypte 1984) a effectivement du sens. Revoir le passé avec les yeux du présent et l'appréhension du futur, c'est à cet exercice de style souvent éprouvant et rarement inintéressant que vont se livrer les spectateurs de «Cannes Classics». Bien sûr, il faut être au moins un vieil habitué du Palais du Festival pour préférer voir au dernier étage des vieilles toiles restaurées plutôt que toutes les dernières nouveautés alignées par les autres sélections. Et pourtant, outre «Adieu Bonaparte» il y a d'autres films qui méritent que l'on joue le rôle du vieux dandy désabusé, quitte à passer juste pour un vieux rat de cinémathèque. Comment résister par exemple à la tentation de redécouvrir en VO et en copie restaurée, «One-Eyed Jacks» (La Vengeance aux deux visages), le seul film réalisé par Marlon Brando (USA 1961) avec Brando et Karl Malden ! Ou «Solyaris» (Solaris) de Andreï Tarkovski (URSS 1972). Ou encore, dans un autre genre «Terrore nello spazio» (La Planète des vampires) de Mario Bava ( Italie/Espagne, 1965). Sans oublier «Dragées au poivre» réalisé par le meilleur de nos amis, Jacques Baratier (France 1963). Restauré dans le plus grand des secret pour soigner l'effet d'annonce, le film culte de Mohamed Zinet, «Tahya ya Didou» (Alger 1971) qu'on croyait perdu à jamais devait être proposé à Cannes dans le cadre de cette sélection. C'est du moins ce que laissait entendre il y a quelques semaines la personne en charge de la restauration des vieux films algériens. Si tel fut le cas et si Cannes Classics a refusé le film de Zinet, on tiendrait enfin le seul reproche valable qu'on puisse faire à cette sélection du Festival. Le septième art a enfin un passé, une mémoire, une respectabilité, ça se fête et à Cannes les cérémonies se font dans le faste de la nostalgie magnifiée. Sous leurs apparats vintage, chic, les deux affiches de ce 69ème Festival s'inscrivent une démarche complètement passéiste. Commençons par l'affiche de la sélection officielle. Depuis quelques années déjà, le Festival de Cannes a pris pour habitude de jouer avec les visages des icônes du passé pour illustrer son amour du cinéma. Marilyn Monroe, James Dean, le couple Paul Newman/Joanne Woodward, Marcello Mastroianni en 2014, Ingrid Bergman l'année dernière. Cette année, il y a bien une star dans l'affiche mais on ne la reconnaît pas tout de suite, car on la voit de loin et de dos. Si on finit par deviner qu'il s'agit de Michel Piccoli gravissant les marches qui mènent au toit de la somptueuse villa dessinée par Curzio Malaparte, c'est parce qu'on a reconnu le lieu immortalisé dans «Le Mépris», un classique de Jean-Luc Godard réalisé en 1963. Noyée dans une douce lumière dorée, l'affiche colle aussi bien au décors de la ville de Cannes qu'à l'atmosphère de son Festival de cinéma et de cinéphiles. «Un choix symbolique, tant ce film sur le tournage d'un film, considéré par beaucoup comme l'un des plus beaux jamais réalisés en cinémascope (le tandem Piccoli / Bardot aux côtés de Fritz Lang, la photographie de Raoul Coutard, la musique de Georges Delerue?), a marqué l'histoire du cinéma et de la cinéphilie», note le communiqué du Festival de Cannes. Précisant au cas où ça nous aurait échappé : «À l'image d'une montée de marches en forme d'ascension vers l'horizon infini d'un écran de projection». L'affiche de la Quinzaine des Réalisateurs, de son côté, met en scène des petits bouts d'une vieille affiche de cinéma : un homme et une femme, des temps anciens, une image abîmée qui devient mystérieuse. On a tous été confrontés un jour ou l'autre à cet étrange spectacle de petits bouts de pub ou d'affiche qu'on regarde comme des vestiges du passé. L'explication du Délégué général de la Quinzaine des Réalisateurs, Édouard Waintrop : «Il était une fois une rencontre, une femme, un homme?Leur souvenir s'est presque effacé. Il reste une image... déchirée, à moitié gommée. Le cinéma n'est pas éternel mais survit parfois à l'oubli. Et il est possible de restaurer une image. Qu'y aura-t-il alors entre ces deux personnages, sortis peut-être d'une comédie anglaise ou italienne, ou d'un film d'Éric Rohmer ?». # Alaâ Mentag. |
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