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«Dégradé», premier long métrage des frères
ghazaouis Arab et Tarzan Nasser, projeté dans le cadre de La Semaine de la
Critique déçoit. Avec «L'Esprit de l'escalier», autre premier film présenté
hors compétition, Elad Keidan l'Israélien ne fait pas mieux.
Sur le papier, c'était plus que tentant. Une ballade bluesy avec des morceaux de spleen genre «Sue perdue à Manhattan» d'Amos Kollek sauf que là l'histoire se passe dans la très métissée ville de Haïfa et la proposition du film projeté en hors compétition était de partager 24 heures dans la vie de deux personnages urbains. Le moins que l'on puisse dire c'est que le film israélien «L'Esprit de l'escalier» d'Elad Keidan ne tient pas ses promesses. Au début on prend un certain plaisir à déambuler dans la belle ville orientale, on sourit à une ou deux blagues, dont celle du juif qui demande à un ami arabe si ce n'est pas une bonne affaire d'ouvrir un Musée de la Nakba, mais au bout de 20 minutes de chassé-croisé et de méli-mélo intimistes on n'en peut plus de ces sensibleries socialo-métaphysiques au pied du Mont Carmel. L'autre film très attendu, «Dégradé» des deux frères jumeaux ghazaouis Tarzan et Arab Nasser, est tout aussi décevant. Le postulat de base avait pourtant de quoi susciter l'envie d'y foncer avec la ferveur d'un djihadiste puceau. Le point de départ du film de fiction est un fait divers réel, des mafieux de Ghaza enlèvent le lion du Zoo pour faire les caïds dans la ville. Pour les anéantir, la police de Hamas qui ne fait pas dans la dentelle va utiliser les armes lourdes. De cette guerre inter-palestinienne on ne verra rien, le film se propose de nous enfermer dans un salon de coiffure pour dames malheureusement situé dans le quartier où se déroule l'opération des forces spéciales. Femmes palestiniennes (et une Russe mariée à un Palestinien) bloquées dans un petit salon en pleine chaleur sur fond sonore d'échanges de tirs nourris. L'allégorie de l'enfermement aussi grosse soit-elle aurait peut-être fonctionné si les deux frères réalisateurs n'avaient pas eu la mauvaise idée d'imposer aux femmes du salon des caractères stéréotypés (la voilée, la droguée, la vieille, la jeune, la divorcée, la jeune mariée...). Echanges de tirs dehors, échanges de banalités dedans, on a mal aux oreilles et une ou deux blagues ne suffisent pas à faire des frères jumeaux palestiniens des enfants de Pedro Almodovar ni même de Nadine Lebaki, hélas «Dégradé» n'est qu'un sous «Caramel»... Et Hiam Abbes n'a jamais semblé aussi larguée que dans ce film qui aurait dû être court plutôt que long métrage. Si on veut du spectacle vaut mieux rencontrer les deux jumeaux ghazaouis que d'aller voir leur film. Ils ont un drôle de look les frères Nasser, c'est rien de la dire. Comment dit-on en arabe weird? Barbes de hipsters fournies, jungle de cheveux qui leur tombent jusqu'aux postérieurs moulés dans des jeans de rockers sur le retour, du khôl dans les yeux comme s'ils faisaient partie de la branche gay du Daesh et pour aggraver leur cas du vernis à ongle black, comme on ne le fait plus depuis que le gothique est passé de mode, sans compter les grosses bagues Mad Max et les chemises ouvertes sur les torses velus. On sait que les deux frères ont 27 ans, on brûle de leur demander si Demis Roussos a rencontré une ou deux fois leur mère il y a genre 28 ans, mais cela ne se fait pas. On respecte la mémoire des morts ici. LE QUOTIDIEN D'ORAN: Qu'est-ce que vous écoutez comme musique ? Du rock-métal, du hard-rock, Klaus Nomi ou Alice Cooper ? Arab et Tarzan Nasser: Pas du tout. On écoute et on danse que sur du raï. Notre ami qui nous a aidés à produire ce film est un Palestinien né en Algérie, on écoute le raï depuis toujours. LE QUOTIDIEN D'ORAN: Vous arrivez à vous balader sans trop de problèmes avec le look que vous avez dans les rues de Ghaza ? Arab et Tarzan Nasser: Ce n'est pas évident tous les jours, car il faut répondre à chaque fois aux remarques déplacées, ne jamais laisser croire qu'on est faibles, ne pas se laisser faire. Mais dans les quartiers où l'on nous connaît en tant qu'artistes, ça va. De toute manière on habite en partie à Amman en Jordanie parce que ce n'est pas avec le Hamas qu'on aurait pu tourner un film comme «Dégradé». LE QUOTIDIEN D'ORAN: Vous arrivez à vous balader comme ça dans les rues de Amman ? Arab et Tarzan Nasser: Ça dépend, quand on nous prend pour des étrangers on est traités comme des princes, on ne fait pas la queue, on est bien servi, les gens nous sourient. Ceux qui savent qu'on est Palestiniens réagissent comme les Ghazaouis et on applique la même attitude de défense vis-à-vis d'eux. LE QUOTIDIEN D'ORAN: Comment êtes-vous arrivés au cinéma ? Arab et Tarzan Nasser: Nous sommes nés l'année où la dernière salle de cinéma de tout Ghaza a été fermée. Mais dans notre famille on était les pionniers en matière de matériel hifi. On a tout eu avant tout le monde, le lecteur vidéo, la première antenne parabolique, les premiers à avoir internet. On a grandi avec les images. En plus, il y avait le centre culturel russe où l'on pouvait voir de bons films. Et un chef-d'œuvre, «Le Miroir» de Tarkovski nous a sidérés! On était des étudiants aux Beaux-Arts quand on bidouillait nos premières vidéos et nos courts-métrages, c'est Rashid Mashraoui qui nous a poussés et aidés à aller plus loin dans le cinéma. LE QUOTIDIEN D'ORAN: Pourquoi Arab et Tarzan plutôt que vos vrais prénoms ? Arab et Tarzan Nasser: C'est notre grand-mère qui nous appelait ainsi et elle est morte en emportant le secret avec elle. |
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