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Je m'appelle
Islem Meghiref, j'ai 21 ans, et je vais vous raconter mon festival de Cannes vu
d'Alger.
Le Festival touche à sa fin. Mais pas Alger. Les multiples aventures de cette ville ne connaissent pas de fin, elles se succèdent avec orgueil sur un tapis de poussière. Dans les cafés, sur les plages, dans la rue, l'odyssée Algérienne s'écoule dans l'insouciance et l'ennuie. La misère est moins pénible au soleil disait l'autre, je confirme, en effet le soleil et la mer ne coûtent rien. L'absence du cinéma Algérien cette année à Cannes fait écho à l'histoire d'un pays. C'est l'histoire d'illusions perdues, celles de plusieurs hommes et femmes qui essayent chaque jour de raviver une flamme éteinte. «Mon âme à moi est un feu qui souffre s'il ne flambe pas» s'écriait jadis un célèbre écrivain. Ces artistes Algériens lui ressemblent un peu en voulant créer cette flambée. Constamment ballotés sur un océan déchainé, ils sont les «Ulysses» des temps modernes et Poséidon cette force obscure qui d'un coup de trident les empêche de parler. Le rôle de l'artiste dans une société est de rétablir la vérité de son contexte le plus fidèlement possible pour la faire avancer vers un idéal plus sain. Si un cinéaste s'intéresserait à l'Algérie actuelle, son principal défi sera de trouver de quoi parler sans tomber dans le consensuel. Le temps où l'on trouvait des têtes décapitées à même les rues n'est plus, la tragédie de l'Algérie actuelle est tout autre. Elle est celle de l'ennui. Des jeunes désœuvrés qui tiennent les murs, aux cafés qui ne désemplissent pas, en passant par les rues constamment encombrées de voitures, l'oisiveté et l'ennui en Algérie sont souverains, au même titre que le soleil et la mer. Toutefois, lorsque j'observe depuis ma fenêtre la confusion qui règne dans la ville, je suis tout à la fois découragé et profondément ému par le courage de ce peuple voué à nager dans cet océan solaire. Il ne connaît ni grande-guerre ni grande dépression, il n'a ni de véritable place ni de but à atteindre. Un film réalisé en Algérie devra à la fois refléter la vacuité d'une vie extérieure faite de poussière, de cailloux et de chaleurs et rendre compte fidèlement de l'âme Algérienne, exaltée, chaleureuse, passionnée. Du jeune qui se lève pour laisser une vielle femme s'asseoir dans un bus, à la rixe violente qui éclate à la sortie d'un bar sordide, en passant par ces couples qui sillonnent les grands boulevards, au salut fraternel d'un inconnu, l'émoi en Algérie est incessant, continue, maladif. Il serait malaisé de penser que l'Algérie évolue selon un modèle socioculturelle défini, elle évolue en suivant des envies, des désirs et des pulsions. Profondément dionysiaque, depuis toujours elle a préféré l'émotion à la réflexion. Toutes les bonnes choses ont une fin. Après quelques jours passés en votre compagnie, je rends ma plume. Depuis Alger, suivre le festival de Cannes à travers mon écran fût une aventure aussi exaltante que profondément ennuyante, un peu à l'image de ma ville en somme. |
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