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Les relations Presse-Justice commençaient à se calmer. Mais, ne
voilà-t-il pas que certains, surtout des hommes politiques ou des managers de
haut rang, se mettent à attiser les flammes pour, tout simplement, détourner
l'attention, en demandant, lorsque leur nom est «cité», ou risquait d'être cité
quelque part dans une «affaire» plus ou moins scabreuse (dont la corruption),
aux journalistes de ne pas s'en mêler et de «laisser la justice suivre son
cours normal» ou, alors, ils se mettent à monter du doigt la presse, presque
traitée d'incompétente et d'incapable, et qui, d'après eux, se rend coupable
d'ingérence et de diffamation.
Sachant pertinemment que les relations presse-justice ont été, de tout temps et en tous lieux, assez fragiles. Voilà donc le nœud de la problématique : Comment protéger la (bonne) relation Justice- Journalisme, une relation naturellement «à problèmes» répétitifs, tout particulièrement en ce qui concerne le traitement du phénomène de la Corruption (Phénomène dites-vous ? Bien plutôt une activité presque formalisé, tellement le mal s'est généralisé? et s'est même banalisé). Il n'y a de meilleure approche méthodologique pour arriver à illustrer la problématique (une problématique nationale, cela s'entend!) que celle de citer quelques exemples. Avant 1988, on peut dire que «TOUT ETAIT SOUS CONTRÔLE» : Les journalistes, la Communication institutionnelle, la Justice...et la Corruption (on parlait alors, avant le milieu des années 80, d'Etat corrupteur plus que d'Etat corrompu). Comme le dit Miloud Brahimi (Liberté, 8 mars 2010), les campagnes contre la corruption, par exemple, étaient d'une «lisibilité parfaite».Il en donne d'ailleurs les explications (Forum de Liberté, lundi 29 avril 2013). Les scandales étaient assez vite étouffés, laissant, bien sûr, la place à la rumeur...mais la rumeur n'a jamais empêché quiconque de corrompre ou d'être corrompu. L'exemple le plus significatif est, d'ailleurs, devenu un cas d'école et, il est, à mon avis, celui qui a fait brutalement basculer le pays dans une spirale infernale tant les effets furent néfastes, pour ne pas dire catastrophiques : Par les conditions de sa production, Par les conditions de son exploitation par les politiciens, entre autres. Le FIS (parti dissous), dans le cadre de ses campagnes électorales, locales puis législatives, l'a largement exploité en rappelant que «les gens au pouvoir,depuis 62, étaient TOUS POURRIS»...et, un tel slogan reste encore inscrit dans l'imaginaire social (Note : il y a même des cités résidentielles, à Alger et dans d'autres villes, qui sont appelées par la «vox populi» : «Cité des 26 milliards»). A partir de 88, les choses allaient se gâter... C'est-à-dire apparaître au grand jour. Pourquoi ? Plusieurs changements extraordinaires eurent lieu dans le champ de l'expression : a) Ouverture du champ politique (ouvert depuis le 18 août 1989, date d'agrément du PSD, du PAGS, du RCD, du PNSD, du FIS?). A fin mars 90, il y avait 21 partis politiques agréés, dont le FLN. b) A partir d'Octobre 1988, la presse PUBLIQUE s'était ouverte aux autres «sons de cloche» et ce sous la pression du Mouvement des Journalistes algériens (MJA), entre autres. Les rédactions s'étaient plus ou moins libérées. REVENONS A NOTRE EXEMPLE Il eut lieu avec des journalistes de la presse publique qui en avaient, comme on dit, «gros sur le cœur» et qui voulaient, avec leurs publics, «rattraper le temps perdu». Donc, le 20 Mars 1990, un acteur principal : Abdelhamid Brahimi (ex-Premier ministre englouti par la tempête d'Octobre, ex-Ministre du Plan et de l'Aménagement du Territoire, Président, à partir de 1981, de la toute puissante Commission des grands équilibres par laquelle transitaient les opérations financières à l'étranger, ex-représentant de Sonatrach aux Etats-Unis d'Amérique, ex-Wali de Constantine, ex-Officier de l'Aln, ouf !? C'est tout dire sur la «crédibilité» des informations divulguées). Un observateur social : Une journaliste du quotidien du soir El Massa, alors jeune journaliste, et actuelle directrice de publication d'un quotidien arabophone de qualité, était présente lors d'une de ses conférences tenue à l'Institut des sciences économiques du Caroubier (Alger). Et, pour répondre à l'attente d'un public de plus en plus friand de «révélations», notre reporter n'a saisi que ce qui lui a paru essentiel, et qui sera publié dans l'édition du 22 Mars : L'ex-chef du Gouvernement a fait état de commissions de 20% versées à des opérateurs sur les marchés contractés avec l'extérieur. En calculant sur une base de 20 ans d'importations, cela donnait le chiffre effarant de 26 milliards de dollars, soit un peu plus que le niveau de la dette extérieure du pays (environ 24 milliards de dollars). Devant l'esclandre, une mise au point a été faite quelques jours après. Elle précisait que le chiffre a été le fruit d'une gymnastique intellectuelle se basant? sur la déclaration d'un haut responsable? en l'occurrence Mouloud Hamrouche qui, lors de journées d'études parlementaires, avait critiqué les «surcoûts des importations», qu'il évaluait à 20%. «Ce que j'ai dit», devait-il préciser par la suite, dans une interview accordée à l'APS, «n'a rien à voir avec les accusations de détournement et de pots-de-vin». Dans une interview accordée le 21 octobre 1990 au quotidien El Moudjahid, celui par qui le scandale était arrivé donnait plus de précisions sur sa mésaventure intellectuelle, précision qui prouvaient seulement une certaine inconscience ou légèreté des interventions publiques des hommes politiques de l'après-Octobre, soucieux, par ailleurs, de se placer ou de se replacer dans un échiquier bouleversé : «J'ai évoqué, devant les étudiants, les conditions de la relance économique et les mesures à prendre pour lutter contre le chômage, après avoir énoncé les principes économiques et techniques et pour assurer la relance économique. J'ai dit que ces mesures sont nécessaires mais pas suffisantes. Il faut, en outre, restaurer la confiance pour que les citoyens puissent adhérer et soutenir la politique d'austérité engagée. Ceci passe par la lutte contre la corruption. J'ai cité la corruption externe, et pour arriver à 26 milliards, je suis parti d'un calcul de 20% sur une période de 20 ans d'importations. Je peux dire davantage. Non seulement, je maintiens l'estimation des 26 milliards mais, si je tiens compte de toutes les déperditions, outre la corruption et les surcoûts comme par exemple le manque à gagner dû au faible taux d'utilisation de nos usines et le gaspillage, la «facture» dépasserait largement ce chiffre. Peut-on accepter cette fuite sans contrepartie dans le contexte que vit notre pays ? Deuxièmement, j'ai parlé de la constitution de milliardaires, de fortunes dans des délais très courts par les procédés illicites aggravant, par là-même, les inégalités et les tensions sociales. Troisièmement, j'ai parlé des trafics d'influence, de la corruption générée par les pratiques bureaucratiques au plan interne à tous les niveaux et dans tous les secteurs d'activité. Donc, il faut des mesures claires et sérieuses. Pourquoi, d'ailleurs, la presse nationale n'a retenu que la première question appelée l'affaire des 26 milliards et n'a rien dit sur les deux autres questions non moins importantes que j'ai soulevées». Question...toujours d'actualité brûlante ? : Est-ce à l'homme politique ou au décideur quel qu'il soit, de décider ? après avoir fourni ou divulguer plusieurs informations, sans prendre les précautions en usage dans la presse - de la hiérarchie de l'Information à diffuser au public, et, ainsi, se substituer au rédacteur en chef ? Dans un système démocratique où la liberté de la presse (et du journalisme) n'est pas, n'est plus, un vain mot. Ce premier exemple a été suivi, hélas, par bien d'autres, la boîte de Pandore étant désormais bel et bien ouverte. - L'affaire de la BEA, avec un premier procès du 23 février au 19 mars 91, qui avait vu 24 milliards de cts «volatilisés» - L'affaire des attributions illicites des terres agricoles des domaines socialistes (3831 cas) - L'affaire de la Chambre de commerce..... Le tout ponctué de déclarations publiques d'hommes politiques (reprises largement par la presse publique d'autant que la presse privée s'était développée) sur le sujet favori, sur la corruption de ceux qui les ont remplacé ou évincé, chacun voulant se placer, ou se replacer ou tout simplement «solder des comptes» en les réglant sur la place publique par médias interposés. Deux cas assez tonitruants : ceux de Ben Bella et de Belaid Abdesslam. Par la suite, et jusqu'à nos jours, nous avons un gros lot d'exemples de corruption (suite de l'affaire Khalifa, Sonatrach 1, 2 et un autre jour, 3..., Autoroute Est-Ouest?) Et, en matière de relations Justice-Presse, on relève que, globalement, nous avons les mêmes comportements des uns comme des autres, inchangées depuis la fin des années 80, avec une exception pour la partie procès Khalifa Bank?et ce, à mon avis, grâce à une magistrate qui a su mener la barque. Au fait, que devient-elle ? A un certain moment, cela a même empiré, puisque des correspondants de presse locaux, ont été menacés par des mafieux encouragés par le développement anarchique du commerce informel et on ne sait quelles protections. Un journaliste de Tébessa, Beliardouh, humilié publiquement par les sbires d'un mafieux local, a été, peu à peu, amené au suicide...et un autre, Ghoul Hafnaoui, a «goûté» de la prison. Et, à dire vrai, du temps du parti unique, le travail de journaliste localier était bien moins dangereux, les autorités locales d'alors n'allant jamais aux «extrêmes». CONCLUSION Nous avons donc : DES DECIDEURS (en dehors ou à l'intérieur du système) qui ne savent pas ou ne veulent pas communiquer ou communiquent mal. Lorsqu'ils communiquent, il y a toujours des zones d'ombre dans leurs informations. A l'endroit du journaliste, ils ont souvent un comportement autoritariste voire méprisant? voulant être aussi «rédacteur en chef». Ils ne connaissent pas les mécanismes (actuels qui sont encore plus compliqués) de la presse et d'une rédaction de journal et encore moins la psychologie du (nouveau, celui arrivé après 90) journaliste et du métier. Ils ne facilitent pas l'accès aux (bonnes) sources d'information. MAIS AUSSI, DES JOURNALISTES, souvent jeunes, parfois inexpérimentés, et avec une formation (technique, éthique et déontologique) lacunaire. Des journalistes qui sont pris dans le cercle vicieux du «scoop» et du «sensationnel», résultat logique d'un secteur (pour la seule presse écrite, plus de 110 quotidiens nationaux pour la seule presse écrite) qui connaît une forte concurrence au niveau des ventes avec un marché de 10 à 12 millions de lecteurs, au niveau de la publicité avec un marché de 20 millions d'euros, au niveau des jeux et manœuvres politiques . Des journalistes encore trop généralistes et non spécialisés. Des journalistes qui ne se méfient pas assez des «sources anonymes». Tout cela touchant aussi bien le secteur public que celui privé. ET, AU MILIEU, UNE JUSTICE... qui est bien connue, depuis longtemps, des premiers (les décideurs), et, qui cherche, encore, à connaître les seconds (les journalistes) AINSI QUE DES OPINIONS PUBLIQUES qui (pour reprendre un commentateur) «restent médusées face à un discours officiel sur la corruption qui leur semble édulcoré et de circonstance... les choses leur semblant aller de mal en pis et en dépit du renforcement des mécanismes de contrôle et de lutte.et malgré bien des efforts» QUE FAIRE ? QUE LA JUSTICE ait une vision qui positive (au moment idoine) l'acte d'informer le citoyen. Qu'elle ne «diabolise» pas, ou qu'elle ne tombe pas dans la «diabolisation», du droit d'informer et de la liberté de la presse. Qu'elle ne refuse pas l'accès à l'information au journaliste. QUE LE DECIDEUR sache, une bonne fois pour toutes, que, hors la communication, il n'y point de salut?et que, désormais, avec le développement des technologies nouvelles de la communication, la bonne gouvernance, la gouvernance utile, la gouvernance rentable... est celle qui devance, qui prévient? La communication dite de crise n'est plus valable que pour les seules catastrophes imprévisibles. Et encore ! les Japonais, sont arrivés, par la prévention et la communication à limiter les dégâts et les coûts et à faciliter les retours à la normale. QUE LE JOURNALISTE respecte rigoureusement les commandements de l'éthique et de la déontologie du métier. Qu'il fasse le tri entre les faits et le commentaire, tout particulièrement pour ce qui concerne les décisions de justice. Qu'il se spécialise. Qu'il fasse de l'investigation et de l'enquête préalable en se basant sur des faits avérés (plusieurs fois «recoupés») et sur des preuves concrètes indiscutables. Qu'il ne se départisse jamais de son esprit critique (je ne parle pas de l'esprit de critique), même à l'endroit de ceux qui l'emploient et encore plus à l'encontre de ceux qui veulent le corrompre. Qu'il se méfie des sources anonymes et des «fuites»... même venant de cercles proches de la justice. Ces conditions respectées, point besoin pour lui d'aller jusqu'à prêter serment comme il a été demandé dernièrement. Sa conscience lui suffit. |
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