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Défaite et capitulation de l'Allemagne nazie
Les évènements de la Seconde Guerre se sont précipités durant l'été 1945. L'étau des troupes alliées soviétiques et anglo-américaines s'était resserré autour de l'Allemagne nazie le 25 avril. Ce qui accula Hitler au suicide le 30 avril dans son bunker de Berlin en compagnie de son dernier carré de fidèles. Cet acte de désespoir a définitivement sonné le glas aux espoirs d'une Allemagne victorieuse. Le successeur du Führer, l'amiral Dönitz, sollicita l'arrêt des combats auprès des puissances conquérantes. Il envoya le général Alfred Jodl pour signer, dans la nuit du 6 au 7 mai à 2h41' du matin, la capitulation sans condition de l'Allemagne vaincue. Quelques mois plus tard, ce même Général (Jodl) sera condamné à mort par le Tribunal de Nuremberg pour avoir exécuté otages et prisonniers durant la guerre. Le chef d'état-major du général Eisenhower, commandant suprême des Alliés, ainsi que le général soviétique Ivan Sousloparov ont paraphé l'acte de capitulation au nom des vainqueurs. La cessation des combats était, alors, fixée pour le lendemain mardi en 8 du mois de mai. Les chefs d'États et de gouvernements des troupes alliées, dont le général de Gaulle, annoncent simultanément sur les radios la fin officielle d'une guerre des plus meurtrières. Elle a coûté la vie à plus de 50 millions de personnes. Pourtant, à l'autre bout du monde, le Japon continue désespérément sa guerre jusqu'à ce que deux bombes atomiques lancées par les Etats-Unis sur Hiroshima et Nagasaki respectivement les 6 et 9 août le rappellaient à l'évidence. Il fut obligé de capituler, à son tour, quatre mois après l'Allemagne. Le monde a, enfin, recouvré la paix. Victoire n'est pas gloire En ce jour du mardi 8 mai 1945, les Alliés fêtaient, dans la joie et l'allégresse, leur victoire sur les forces de l'Axe. Cela signifiait, en clair, la fin des hostilités. L'Algérie n'était pas de la partie. Au contraire, elle était confrontée, ce même jour d'armistice, à un épisode sanglant supplémentaire de son Histoire. Ce jour, célébré dans la liesse dans une France libérée du nazisme, était un jour de deuil pour l'Algérie colonisée. La fin du nazisme ne signifiait aucunement la fin du colonialisme. Un télégramme daté du 11 mai 1945 du Général de Gaulle, alors Chef du Gouvernement français provisoire, ordonnait l'intervention de l'armée sous le commandement du général Duval, surnommé le boucher de Sétif, pour écraser l'insurrection. Ce dernier a mené une répression des plus barbares contre une population indigène désarmée, faisant fi de toutes les valeurs morales et humaines. Le Constantinois était plongé dans un horrible bain de sang. La répression menée conjointement par l'armée et la milice, était d'une rare violence : exécutions sommaires, massacres de civils, bombardements de mechtas. Autrement formulé, cette barbarie ne pouvait être qualifiée autrement qu'un crime crapuleux contre l'humanité à Sétif, Guelma, Kherrata. 45 000 Algériens ont péri sous le regard indifférent des puissances pour sauver le régime colonial. Les trois corps de l'armée coloniale sont entrés en action : infanterie, marine, aviation contre un peuple qui avait pour seule arme sa poitrine nue et sa foi en Dieu et en son pays. Redoublant de férocité, le système colonial pensait frapper fort pour prévenir toute tentative de soulèvement à venir. Son intention meurtrière était de massacrer le maximum d'indigènes pour garantir la stabilité de son système. Ce fut une faute historique grave commise par le pouvoir en place de l'époque. Au contraire, elle (répression) allait servir d'accélérateur pour la Guerre de Libération Nationale. Désormais, rien ne sera plus comme avant 10 000 manifestants se sont donné rendez-vous dans les rues de Sétif dès 8 heures scandant l'hymne patriotique « Min Djibalina » (Du haut de nos montagnes). Des banderoles étaient déployées portant des slogans: «Libérez Messali Hadj», « Nous voulons être vos égaux », « À bas le colonialisme », « Vive l'Algérie libre et indépendante.» De même, ils avaient reçu l'ordre d'exhiber le drapeau algérien pour la première fois. C'était un jeune scout musulman de 26 ans (né le 08 janvier 1919), Bouzid Saâl qui le déploya. Il fut immédiatement abattu par un policier. Le premier martyr était tombé. Ce crime crapuleux allait mettre «le feu aux poudres.» La liste des victimes sera longue, trop longue. Les émeutes se sont poursuivies pendant plusieurs jours. C'était le début d'un véritable massacre, voire un génocide qui ne disait pas son nom. Selon les sources algériennes, il y avait 45 000 morts. D'autres sources révèlent d'autres chiffres. « Pour les autorités coloniales : 1165 victimes ; un rapport du service secret américains sur place annonce 17 000 morts. Pour les historiens, comme Charles-Robert Agéron : 8 000 ; Charles André Julien : 15 000 morts contre 103 victimes européennes. Quant à l'Administrateur chargé de la région de Sétif, il avance le chiffre de 2 500 morts.» Ce qui montre bien que les colons s'étaient préparés à étouffer l'insurrection dans l'œuf. Les responsables locaux distribuaient toutes les armes disponibles aux miliciens qui se sont livrés à une réelle chasse aux émeutiers. Durant cette période, l'Est algérien a connu le déchaînement d'une véritable folie meurtrière. Les corps étaient tellement nombreux qu'on n'arrivait même plus à les enterrer tous. On les jetait partout : dans les puits, dans les gorges de Kherrata, en Kabylie. Certains miliciens ont même utilisé des fours à chaux pour faire disparaître des cadavres. Cet épisode sanglant allait servir de levain au nationalisme algérien qui ne s'était pas rétracté d'un iota. Au contraire, il est passé à la vitesse supérieure. Qui l'aurait mieux exprimé que Kateb Yacine : «A Sétif se cimenta mon nationalisme. J'avais 16 ans.» Au début, les Algériens avaient manifesté pacifiquement pour ne pas provoquer les autorités coloniales. C'était juste pour les rappeler à honorer leur promesse faite aux Algériens après avoir participé à libérer la France des Nazis. La réponse fut ce qu'elle fut historiquement. En dépit de ce massacre, les Algériens n'avaient rien perdu de leur fibre nationaliste. Ils sont restés stoïquement Algériens jusqu'au bout des cheveux en ce que le système colonial n'avait, à leur yeux, aucune légitimité. Il a «analphabétisé» la société indigène, l'a pressurée d'impôts jusqu'à la réduire à la misère. Il a spolié les indigènes de tout ce qu'ils possédaient comme biens matériels, voire même immatériels (culture, us, traditions sociales?). Le système colonial était fondé sur une exploitation sauvage de l'Homme par l'Homme ; en l'occurrence de l'indigène par le colon. Autrement dit, c'était un «apartheid» à peine voilé mais, en tout cas, fortement discriminatoire. Il se basait manifestement sur les appartenances raciale et confessionnelle. Le code de l'indigénat faisait le reste. 90% de la population «indigène» étaient privés de leur droits civiques, voire humains des plus inaliénables. Si les émeutes avaient baissé de tension à Sétif, d'autres avaient éclaté dans différentes régions montagneuse de la petite Kabylie, Des fermes européennes isolées et des maisons forestières ont été attaquées et leurs occupants tués. Le mouvement s'était étendu très vite de Guelma à Bel-Abbès. Par prévention, le pouvoir colonial a consigné toutes les compagnies de tirailleurs musulmans en formation et ordre était donné de mettre, sous clés, toutes les armes. LE 8 MAI 1945, PREMONITION POUR LE 1ER NOVEMBRE 1954 La Deuxième Guerre Mondiale n'a pas été, pour autant, stérile. D'une part, elle a fait tomber le masque sur vrai visage d'un colonialisme inhumain. Celui-ci a fait preuve d'une répression dépassant tout entendement. Les Algériens ne pouvaient supporter outre mesure. D'autre part, elle a démontré que l'armée française n'était pas invincible. La défaite rapide des Français face à l'Allemagne nazie a apporté l'eau au moulin du nationalisme algérien. Le sang de ces derniers versé pour libérer la France devait avoir pour récompense l'égalité en droits et devoirs avec les colons et le respect de l'identité et de la culture algériennes. Ce ne fut pas le cas. A contrario, brimades et vexations étaient le lot quotidien des indigènes. Ils avaient, alors, tout compris : « il n'y a d'autres solutions que les mitraillettes » (Farhet Abbas) mais ?algériennes, cette fois. La Guerre de Libération Nationale était en gestation. Elle se préparait doucement, douloureusement mais ? sûrement. Cette Guerre avait permis aussi de réveiller les consciences velléitaires des pays colonisés pour lutter en faveur de leurs indépendances. Si la France a dû s'affranchir de l'occupation allemande de quelques années, pourquoi l'Algérie se résignait-elle à subir les affres d'un colonialisme séculaire ? La défaite française à Diên Biên Phu (Viêt Nam) en 1954 a renforcé la détermination des indépendantistes algériens à enclencher leur Guerre de Libération. Preuve supplémentaire pour les Algériens que l'armée coloniale n'était pas invincible. Cependant, perdre l'Algérie affecterait la France dans son rang de «grande puissance.» Quant aux Algériens, la lutte armée exprimait leur profonde désillusion due aux promesses françaises non tenues. Son déclenchement, un 1er Novembre 1954, a conduit le pays à la victoire finale. Le 5 juillet 1962 fut proclamée l'Indépendance nationale fêtée dans la même liesse que celle du 8 mai 1945 en Europe. ET «L'ÉTAT» DE L'ALGERIE EN ? 2013 ? La somnolence politique de l'Algérie, en matière de développement, accuse un retard difficile à rattraper. Le pays ne cesse de s'enfoncer en raison de l'immoralité des politiques, des scandales financiers à répétition qui n'ont pas cessé de ternir son image déjà froissée. Les affaires de Khalifa, des Bédjaoui, Sonatrch 1, Sonatrach 2, les malversations de l'ex ministre de l'énergie, les fraudes électorales?. Et la liste est encore longue, trop longue. L'Algérie se trouve, aujourd'hui, dans une impasse existentielle. En cinquante ans de pouvoir, les gouvernants ont moins appris à gérer les affaires du pays qu'à gérer leurs propres affaires par des enrichissements illicites. La voie a été «officiellement inaugurée» au lendemain de l'Indépendance avec le détournement de «la Caisse de solidarité» (Soundouk Ettadhamoune). Nos mères et grand-mères ont offert à l'État algérien naissant les quelques bijoux rescapés de la prédation coloniale. Ils sont tombés dans d'autres mains plus prédatrices. Nationales, celles-là. Des politiques véreux l'(Caisse) ont effrontément détournée pour se payer « des châteaux en Espagne » alors que le sang de nos glorieux martyrs n'avait pas encore séché dans les montagnes. Le coup d'envoi aux concussions et malversations ayant été solennellement donné, des milliards de dollars ont été dilapidés depuis par nos «saigneurs.» Et ? ça n'en finit pas. Leurs comptes se sont copieusement renfloués de prédations confortés, en cela, par leur immunité politique, c?est-à-dire l'impunité. Ce qui explique les raisons que cette oligarchie maffieuse reste rivée à SON pouvoir depuis l'Indépendance. Et elle n'est pas prête à le quitter. Elle est en train de conduire le pays vers l'insoluble, sinon vers l'incertain. Rien n'est plus dangereux pour le pays que ses montreurs d'ânes lorsqu'ils deviennent nababs. Après cinquante ans l'Indépendance, sont oubliés par nos dirigeants les Zabana, les Ben M'hidi, les Amirouche ? qui se sont sacrifiés sur l'autel du pays pour que vive le peuple libre et l'Algérie indépendante. De même qu'ils ont pu estomper de la mémoire nationale la culture des Ben Badis et des Ibn Khaldoun. Ont-ils peur de leur savoir et de leur expérience ? Ils ont empêché une Algérie philomathique et savante. Ils refusent une société organisée. Notre École, sinistrée intellectuellement, est en passe d'enseigner l'ignorance parce que nos dirigeants craignent la force de l'intelligence citoyenne. D'où la pratique d'une politique délibérée de maintenir, voire de promouvoir la médiocrité à tous les niveaux afin de rendre le peuple facilement gouvernable, taillable et corvéable à leur merci. La société, qui était verticale le 8 Mai 1945 et le 1er Novembre 1954, se trouve, aujourd'hui, horizontale. La corruption a atteint, en 2013, des proportions insoutenables pour avoir atteint dangereusement le sommet de l'État. Le pays est réellement en danger. Nos seigneurs se sont frayé leur chemin vers le pouvoir mais refusent d'ouvrir la voie au développement économique, social, culturel, démocratique. Comme dit le sage adage : « Les morts fondent la patrie, les vivants la perdent. » Sans foi ni loi, l'égo individuel de ces roturiers prime le pays, la nation, la société. Il y a tout lieu de croire que?la colonisation a changé de main. * Docteur ès Lettres Université de Chlef |
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