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Il n'y a pas de doute que la révision de la Constitution est parfois
nécessaire pour permettre au pays et à la nation de s'accrocher aux grands
changements qui surviennent à l'intérieur et de s'adapter à l'évolution du
monde.
C'est d'ailleurs à cette fin que toute Constitution, à travers le monde, comporte les mécanismes de sa propre révision. Mais de là à en faire un caprice ou une habitude en soi, il y a toute une différence. Il y a bien des choses plus faciles à manier et plus simples d'accès, qui peuvent ? et qui doivent ? être changées chez nous avant de passer à la Constitution. Il y a des priorités beaucoup plus pressantes aussi. Depuis l'indépendance, le peuple a vu passer plusieurs Constitutions. Il n'en a pas vraiment senti la différence. Et si jamais il faisait une liaison entre l'évolution de son quotidien et ces changements de Constitution qui ont jalonné les cinquante années passées, alors il devrait indiscutablement tirer une conclusion dramatique. Il constaterait, en gros, que tous ces changements de Constitution ont été inutiles, ou presque, du moment que, et à part celle qui a mis fin au règne du parti unique et introduit le multipartisme, aucune Constitution n'a apporté de réels améliorations dans sa vie de tous les jours. La Constitution de 1989 a été celle qui a le plus marqué le changement de la société algérienne car, et en plus du multipartisme, elle avait aboli les «limitations à la jouissance des droits de l'homme» et elle a promu les libertés fondamentales. LE PAYS A-T-IL VRAIMENT BESOIN DE REVOIR SA CONSTITUTION ? Le pays a-t-il vraiment besoin de revoir sa Constitution ? C'est une question qui mérite d'être posée. Si l'on n'a pas su gérer le pays depuis cinquante ans, ce n'est certainement pas à cause de la Constitution. Oh, oui, bien sûr que la Constitution n'est pas parfaite, bien sûr qu'elle traine quelques imperfections par-ci et quelques insuffisances par-là, mais tel est le cas pour toutes les Constitutions du monde. Est-ce pour cela que l'on doit la refaire à chaque coucher de soleil pour la décapiter à l'aube comme faisait le roi Chahriâr avec ses épouses avant de se laisser séduire par les contes de Shahrazade. Cela ne sert absolument à rien. La preuve, depuis le temps que nous changeons de Constitution nous ne sommes toujours pas arrivés à améliorer notre situation. Nous n'avons pu ni changer ni rendre meilleures nos méthodes de gestion. La dégradation du pays est toujours visible, la détérioration de nos repères est sans cesse croissante, notre sous-développement est toujours en marche et notre malaise est de plus en plus étouffant. Même les détournements de fonds, la corruption et les dilapidations de deniers publics se font de plus en plus envahissants... Alors, à quoi bon changer de Constitution encore une fois ? Ce qu'il nous faut changer c'est d'abord et surtout la manière de gérer et, bien sûr, pour y arriver, il est nécessaire de changer de mécanisme dans la fourniture de l'Etat en hommes. On devrait en finir, une fois pour toutes, avec ce clientélisme qui renferme le pouvoir dans le même puits sombre et infect. Sortons donc de ce puits qui nous est imposé ! Allons chercher nos responsables loin du clientélisme et loin de toutes ces habitudes répugnantes. Choisissons les avec la logique et le bon sens. Sur la base de leur compétence, au regard de leurs mérite et de leur honnêteté. Pourquoi nous tuer à vouloir trouver de la chaleur dans la glace ? Pour nous tuer à chercher la vie dans les cadavres décomposés ? Pourquoi tant d'entêtement à vouloir trouver les belles lettres chez ceux qui ne savent ni lire ni écrire. Cette fascination ridicule pour un passé lointain et ce vouloir s'accrocher à un présent insensé et évanescent nous ont fait perdre cinquante ans et quelques mois. Et si nous continuons avec la même méthode et la même manière, nous en serons toujours à nous chercher une identité, une baguette et, par-dessus tout, de gros mensonges pour aider à passer la vie d'une nation. IL Y A AUTRES CHOSES AUSSI Depuis qu'il n'y a plus de prophètes sur terre, les miracles ont cessé de fonctionner tant pour les individus que pour les peuples. Il n'y a plus de baraka qui tienne et il ne pleut jamais de l'or ou de l'uranium enrichi sur la tête de ceux qui s'engouffrent dans le sommeil. L'histoire raconte que la réussite des nations qui ont pu retrousser les manches pour se hisser, à bras le corps, vers les cimes du respect et le soleil de l'humanité n'a pu être possible qu'à partir du moment où elles ont cessé de perdre leur temps à faire et à défaire leurs constitutions. Et plutôt que de faire traîner leurs pays dans les longues discussions inutiles, ennuyeuses et infructueuses, ces nations-là ont préféré travailler. Travailler, c'est le mot d'ordre des nations qui refusent de rester à la traine. C'est aussi le leitmotiv de tous ceux qui ont pu, un jour, se réjouir d'avoir pu accomplir quelque chose dans leur vie pour eux-mêmes, pour les leurs ou pour leur pays. Travailler, c'est ne jamais donner ses mines d'or à des escrocs pour les vider et s'enfuir. Travailler, c'est ne jamais ouvrir les vannes de pétrole à des voyous qui s'en nourrissent jusqu'à la lie et s'enfuient avec la bénédiction silencieuse de ceux qui devraient les arrêter. Travailler c'est ne jamais se faire avoir par des voleurs et des traitres, travailler c'est aussi refuser d'exécuter l'ordre de ceux qui vous pressent de verser l'argent des entreprises publiques dans les caisses de Khalifa Bank pour qu'il disparaisse le lendemain? Tout cela parce que travailler c'est certes suer mais c'est aussi, et surtout, avoir l'envie ardente de défendre son travail, son effort et le fruit de toute peine. Lorsqu'on travaille, on est occupé par l'avenir et les générations à venir. On est sans cesse en train de préparer le lendemain du pays au lieu de passer la vie à creuser son hier et à vouloir s'accrocher à l'air. Non, ce n'est pas une nouvelle constitution qui nous aidera à résorber notre stupéfiant déficit en logements. Ce n'est pas cela non plus qui nous permettra d'améliorer le fonctionnement de nos hôpitaux et le produit de nos universités. Ce n'est pas une révision de la Constitution qui nous fera chercher une adéquation entre ce que nous formons à l'école et ce dont nous avons besoin sur le marché de travail. Tout cela, on peut le faire quelle que soit la Constitution, pour peu qu'on ait un peu de compétence, de conscience et de volonté de bien faire les choses. Malheureusement, les compétences, nous les avons jetées dehors. Et nous ne cachons pas notre réjouissance. Dernièrement, un de nos ambassadeurs qui voulait épater son audience disait qu'il pouvait parler la tête haute car les algériens dans le pays hôte n'étaient pas venu balayer les rues ou bâtir des murs. «Les algériens venus ici, insistait-ils, sont tous des cadres». Ce n'est pourtant pas un sujet de fierté, loin s'en faut, que d'avoir ses cadres jetés dehors ! La conscience, nous lui avons mis un oreiller sur la bouche et nous lui avons laissé les bras libres pour qu'elle exerce sa nouvelle fonction : Applaudir. Toujours applaudir et sans cesse applaudir. Au moindre mot, au moindre geste la conscience applaudit. Pour un oui, pour un non et souvent pour beaucoup moins elle se met à courir dans les rues, à klaxonner et à applaudir. La conscience, nous l'avons aussi engloutie sous des salaires insultants et nous lui demandons de juste lever le bras ou d'être absente lors des débats importants. Quant à la volonté de bien faire les choses, eh bien, nous la tournons sans cesse en ridicule sur la place publique ! Ceux qui veulent faire les choses correctement, conformément aux lois et aux valeurs sont la risée du pays. Ils sont les moins aisés et les plus frappés par la misère qui commence à sévir malgré l'extrême richesse du pays. Finalement, on peut avoir toutes les Constitutions du monde si l'on veut. Les plus belles, les plus grandes et les plus détaillées, on ne changera rien tant que le comportement économique et social de l'algérien demeure le même. Il y a beaucoup à faire à la base depuis que l'école s'est mise à détruire systématiquement chez l'écolier le raisonnement et la logique. Il y a beaucoup à faire aussi depuis que les mauvaises valeurs se sont mises à chasser les bonnes sur les ruelles de notre république. La Constitution n'est pas tout. Non, elle n'est pas tout, finalement. NOUS EN SOMMES TOUJOURS A... Réviser la Constitution ne servira certainement pas à nous ôter cette fâcheuse manie que de nous mesurer toujours à nous-mêmes. Depuis l'indépendance, nous mesurons notre progrès en comparons notre aujourd'hui à notre hier. Et nous évaluons nos réalisations en calculons la différence entre ce que nous avions et ce que nous avons. La belle affaire !!! Le discours qui nous a toujours été servi depuis l'indépendance est celui qui met en avant le nombre d'hôpitaux, de kilomètres de routes, d'universités, de logements, de lycées? construits en tant d'années, généralement un mandat. Or, il est tout à fait normal que l'on ait construit quelque chose quand même, on ne peut pas ne rien faire. Mais lorsqu'on n'a pour modèle que soi-même, on ne progresse réellement jamais. Ce qu'il faut nous dire c'est plutôt ce que nous avons réalisé par rapport à nos moyens, par rapport aux autres pays qui sont à notre niveau et surtout, par rapport aux besoins réels du peuple. Et là on constate le décalage. On évalue la pagaille. Est-ce que réviser ou même changer de Constitution nous aiderait à résoudre ces problèmes ? Sincèrement, non ! De ce fait, il est clair que nos problèmes quotidiens n'ont rien à avoir avec la Constitution dont la révision en cours est, peut-être, nécessaire mais elle n'est ni urgente ni vitale pour le quotidien du peuple. Lorsqu'on voit le nombre de changements auxquels nous avons soumis notre Constitution, on a l'impression que nous cherchons une mise à jour quotidienne de notre société aux évolutions de son environnement. En réalité, nous en sommes toujours loin. Nous continuons toujours, c'est-à-dire cinquante ans après l'indépendance, à faire de longue files devant les guichets de Sonelgaz pour payer des factures anormalement salées, tandis qu'ailleurs, les gens paient ces factures par internet ou au premier distributeur de billets. Nous en sommes toujours à faire de longues files devant les guichets de la poste pour retirer notre salaire alors que, ailleurs, cela ne demande pas plus de cinq minutes. Juste le temps de s'arrêter au premier coin de rue, à la première station-service et de retirer du distributeur de billet ce dont on a besoin. Nous en sommes toujours à tenir des heures dans la file pour retirer un extrait de naissance dans une mairie le plus souvent bondée alors que, ailleurs, les gens retient cela de chez eux, de leur imprimante, sans même se déplacer ! Le gouvernement électronique est une réalité qui est déjà ancienne chez certain. A quand sera notre tour ? après la mort peut-être ? Cinquante ans que nous sommes indépendants et le mépris dont est victime l'Algérien a fait qu'il ne bénéficie d'aucune facilité, à la différence de tous les citoyen des autres pays du monde. Est-ce de la faute de la Constitution aussi ? Non. |
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