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Ce roman avec pour toile de fond la seconde guerre mondiale nous plonge dans les profondeurs de l’univers des femmes, en un passé récent. Zahra Farah nous livre avec pudeur un pan de l’histoire de trois générations de femmes avec les relations conflictuelles que cela implique.
Le récit se déroule dans cette ville conformiste de l’est de l’Algérie agrippée à flanc de rocher et où les traditions sont profondément enracinées. Des femmes luttent contre l’adversité, chacune à sa manière. Mouni, le personnage principal, est élevée ou plutôt « dressée » par Zouïna, une mère dure, intransigeante et sans pitié dont la mission est de faire d’elle une parfaite épouse, « rôle essentiel d’une fille de famille qui se respecte.. » et ceci, bien entendu à coups d’interdits, de tortures aussi bien physiques que morales. Au nom des convenances Mouni, dès sa tendre enfance va subir toutes sortes d’épreuves et sera soumise à un conditionnement drastique jusqu’à la totale abnégation. Afin d’arriver à la perfection, rien ne lui sera épargné. L’œuvre de Zouïna étant terminée, Mouni se métamorphose en une belle jeune fille accomplie, parfaite sous tous les plans et à qui l’on va s’empresser de trouver mari ; Hocine, un militaire de carrière déniché par la joviale tante Baya semble être le parti idéal qui lui permettra (selon son entourage) de vivre « à l’abri du besoin » … et la froide adolescente sera la première à se féliciter de cette union qui va permettre son affranchissement de l’étouffante tyrannie maternelle. Elle va pourtant très vite constater qu’elle n’a en réalité troqué qu’un tyran contre un autre : Zahra son acariâtre belle-mère, ayant « délégation» pour gouverner le foyer … Mouni va mettre au monde un garçon Salim et, Hocine, venu en permission à cette occasion, repart vers son régiment fier et comblé par cette naissance qui perpétue son nom. La seconde naissance sera une fillette, enfant mal accueillie parce que de sexe féminin, Fella viendra au monde en pleine période de guerre -c’est la deuxième guerre mondiale- en l’absence de son procréateur occupé à combattre sous la bannière tricolore, dans une guerre qui ne le concerne pas mais dont les séquelles seront lourdes de conséquences ... Salim, alors âgé de quatre ans, lorsqu’on le forcera à embrasser le nourrisson émettra: « elle ne sent pas bon. Je ne l’aime pas !!! » à la jubilation de Zahra qui désormais s’engage dans une inimitié déclarée à l’égard de « sa stupide bru inapte à donner un mâle »… Cette naissance précipitera la disgrâce de Mouni. Finalement rendu à la vie civile, Hocine se réfugie dans l’alcool pour échapper aux démons des souvenirs de combats qui le hantent et le plongent dans d’effroyables accès de fureur. Un soir, au paroxysme de son égarement, il plaque son arme contre la tempe de son épouse. Par miracle Mouni échappera à la mort. Cette nuit-là sa fille dans les bras, Mouni fuit le domicile conjugal. Rejetée par sa mère qui refusera de l’accueillir parce qu’elle a porté atteinte à l’honneur de la famille et qui dira : «En un instant, elle réduit à néant tous nos efforts et croit être reçue par nous les bras ouverts. Une femme avec deux orphelins à nourrir dont une fille en plus ! Non je ne l’hébergerai pas une seule nuit sous ce toit.». Chassée par sa famille pour n’avoir pas respecté l’ordre établi, elle trouvera asile avec ses enfants chez la généreuse tante Baya. Dès lors, Fella sera rendue responsable de l’infortune de sa mère qui ne cessera de le lui reprocher, tout en la comparant à son frère, Salim l’érudit, paré de toutes les qualités et au-dessus de toute critique. De sa première enfance, Fella gardera le souvenir de ses périples à travers sa ville natale qu’elle découvre par les interstices de la mléya, voile noir de sa mère, où cette dernière la dissimule de peur d’une rencontre inopinée avec Hocine qui a juré d’enlever les enfants. Ce sera grâce à Baya que la fillette fera une incursion à l’école où elle découvrira un monde tellement différent du sien. Devenue objet d’opprobre de son entourage, dans sa ville austère du Rocher, où nul comportement déviant n’est toléré et de plus, sévèrement condamné. Mouni décide d’aller vivre son élargissement et son exil dans une ville de l’ouest du pays, Oran, là où personne ne connaît son histoire… Un déchirement pour Fella qui s’en va, la mort dans l’âme, ravalant ses larmes dans le train qui la mène vers l’inconnu, (car son éducation ne permet pas la faiblesse) laissant derrière elle sur le flanc du Rocher les seules personnes qui lui témoignaient de l’affection, ses amis d’enfance : Simon, Sarah, Berthe et Lotfi le Taciturne ainsi que sa chère tante Baya. Le roman se termine sur les quais de la belle gare d’Oran où Fella ouvre de grands yeux étonnés en découvrant que les femmes ne portent pas de voilette pour masquer leur visage et la légèreté de leur haïk octroyait de la grâce à leur démarche. L’adieu au Rocher de Zahra Farah, 194 pages, paru aux Editions Média-Plus. Psychologue de formation, Zahra Farah voit le jour à Constantine dans une famille modeste. Elle entamera sa scolarité dans sa ville natale et poursuivra ses études à Oran au Lycée El Hayat. Elle embrasse la fonction d’enseignante qui la conduit à entreprendre des études en psychologie d’abord à l’université d’Alger, puis à celle d’Oran. Elle se consacre au milieu scolaire, espace où elle se sent le plus utile. |
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