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La petite Sara a cinq ans. Elle n’arrête pas de demander à sa maman pourquoi elle est tout le temps malade et pourquoi elle doit toujours se rendre au centre anticancer (CAC) «Emir Abdelkader» pour se soigner ?
A cet âge, les enfants ne pensent qu’à jouer. Mais dans le cas de Sara, déjà épuisée par sa maladie, un cancer rénal décelé depuis un an, jouer n’est plus un moment de plaisir mais de souffrance. Le visage pâle, de grands yeux cachés sous une casquette rose, un regard figé et mé lancolique, Sara était, ce mercredi, au CAC pour une chimiothérapie. Après une intervention chirurgicale et les séances de radiothérapie et chimiothérapie, elle a rechuté. Le mal s’est propagé, atteignant, cette fois-ci, le foie. Sa mère était angoissée. Tenant sa fille sur ses genoux, elle redoute le pire maintenant. D’une voix triste, elle nous dit: «Je ne sais plus quoi faire. Je ne mange plus. Je ne vis plus. La vie de toute ma famille a été bouleversée depuis que Sara est malade. Après cette rechute, je me sens affaiblie. Mais je dois rester forte pour supporter cette douleur. Cette force, je la tiens en ayant la foi en Dieu». Cette maman n’est pas la seule à vivre cette rude épreuve. Elles sont plusieurs qui se battent quotidiennement contre la maladie de leurs enfants. Ces malades, nourrissons, enfants et adultes qui se rendent au CAC pour se soigner, savent que leur vie ne tient qu’à un fil. Atteints du cancer, ils savent que chaque minute qui passe est un gain car ils sont encore en vie. A force de se croiser chaque fois qu’ils viennent pour des séances de chimiothérapie, ces patients constituent désormais une même famille. Chacun connaît l’autre, sa maladie, son entourage, les séances de soins. Chaque fois qu’un malade décède, c’est toute la famille qui porte le deuil. C’est la même question qui revient: qui sera le suivant ? Une situation que les parents des malades ne peuvent plus supporter. Leur vie est devenue un compte à rebours permanent. Devant la souffrance de leurs enfants et toutes les déformations que le corps subit suite au cancer, parfois la mort devient un soulagement. Ils sont nombreux ces pères et mères de familles qui ont vu leurs enfants, ayant atteint 8 ou 10 ans, décéder, alors que la maladie s’était déclarée chez eux à l’âge de 2 ou 4 ans. Leur colère, ce sont les médecins traitants et le personnel médical qui y font face car parfois des parents, en ce moment de désespoir, reprochent aux médecins d’avoir entretenu l’espoir pour leurs enfants malades au début pour qu’ils meurent quelques années plus tard. Docteur Boumeddane Ammaria, chef de service d’oncologie pédiatrique au CAC d’Oran, nous raconte que le père d’un enfant, atteint du cancer à l’âge de 9 mois et mort à l’âge de 8 ans suite à des rechutes, a été tellement peiné de perdre son enfant six ans après qu’il a dit au médecin, «pourquoi l’avoir soigné alors que ces jours étaient comptés. S’il était mort à 9 mois, j’aurais supporté ce drame. Mais maintenant que je l’ai vu grandir. Sa voix raisonne dans mes oreilles. Ses paroles me reviennent à tout instant, je vivrai triste toute ma vie». «J’AI LA MALADIE DU SANG» Pour cette spécialiste, si le personnel médical déploie tous les efforts pour prendre en charge ces petits patients, il est impuissant pour consoler une maman qui vient de perdre son enfant ou soulager la douleur d’un père qui apprend que son enfant vient de rechuter. «Si pour nous les médecins, c’est un exploit de voir un malade résister à la maladie plusieurs années, pour les parents, cette prolongation n’est qu’une souffrance», nous dira Dr Boumeddane. Au service d’oncologie pédiatrique, nous avons rencontré des enfants venus de tout l’ouest du pays pour se soigner. D’Aïn Sefra, de Tiaret, de Mascara, de Tlemcen, ils étaient hospitalisés le temps de faire une chimiothérapie ou un contrôle sur l’évolution de la maladie. Chaâbane, âgé de 11 ans, atteint d’une leucémie, vient d’Aïn Sefra pour une séance de chimiothérapie. Dynamique malgré sa maladie, il nous parle sans complexe de la raison de sa présence au CAC. «J’ai la maladie du sang», nous dira-t-il. «Je suis ici pour me soigner». Le crâne rasé, il ne semble pas avoir développé un complexe après avoir perdu tous ses cheveux. Ce n’est pas le cas des adolescentes, nous révèle le chef de service d’oncologie pédiatrique, qui, elles, supportent très mal le fait de perdre toute leur chevelure après les cures de chimiothérapie. Le petit Chaâbane ainsi que ses camarades de chambre sont venus des autres wilayas. Si eux semblaient bien supporter leur maladie en toute innocence, leurs mamans avaient du mal à s’adapter avec cette nouvelle vie se résumant à faire des allers-retours au CAC. Les frais du transport et la navette commencent à les épuiser. «Je suis obligée d’abandonner ma famille pour ramener mon fils jusqu’à Oran. C’est dur pour nous ce déplacement et parfois pour plusieurs jours». Sur la prise en charge de leurs enfants au CAC, elles étaient nombreuses à exprimer leur satisfaction des soins prodigués au centre. Pour certaines, c’est la pénurie des médicaments, il y a deux mois, qui avait posé problème. Même durant cette période difficile, les parents des malades arrivaient à se procurer ces produits après un parcours du combattant et le répartir entre eux. Un acte de solidarité qui a sauvé des vies. Certaines mamans qui font les gardes-malades pour leurs enfants ont relevé le problème d’hygiène qui se pose. Mais pour d’autres mères, le problème d’hygiène se pose parce que les chambres des malades sont partagées avec leurs parents «et difficile dans ces conditions de faire respecter par tout le monde les règles d’hygiène». UNE ATTENTE LONGUE… Au service d’oncologie pour adultes, c’est une autre ambiance qui règne. Les malades sont réservés. Ils parlent peu et sont pressés de quitter ces lieux qui leur rappellent leur maladie. Certains viennent au CAC angoissés, d’autres très affaiblis et d’autres sur les nerfs. L’attente à ce que leur tour vienne pour la chimiothérapie semble très longue pour certains patients. Un malade, la trentaine environ, vient de sortir de sa séance de cure. Il porte un bandage qui lui cache le nez et l’œil droit. Le teint pâle, il descend les escaliers avec sa mère qui le tient par le bras. Ce jeune qui a un cancer nasal depuis le mois de février a été orienté vers le CAC pour une radiothérapie et une chimiothérapie. «Maintenant hamdoullah», dira-t-il, «j’ai été bien pris en charge au niveau de ce centre. Nous sommes passés par une période difficile, il y a quelques mois, avec la rupture des stocks de médicaments mais actuellement, ces médicaments sont disponibles». Une autre femme, la cinquantaine environ, assise sur le banc, semblait très perturbée. Elle est venue pour une chimiothérapie sans ordonnance du médecin traitant ou autre document médical. Nouvelle au centre, elle semblait très angoissée et ne supportait pas cette attente dans la salle remplie des proches de malades. Elle s’adresse sur un ton de colère à l’agent de sécurité pour qu’il accélère son admission. Mais la dame ne détenant aucun document, il ne pouvait la faire rentrer. Son mari s’impatiente à son tour et crie à l’agent devant la porte. Le climat devient tendu. Pour régler le problème, l’agent fait appel au médecin. Le médecin fera patienter la malade en lui assurant qu’elle sera prise en charge. En attendant son tour, elle nous exprime son insatisfaction des soins dans ce service. «Il n’y a pas de médicaments, on est obligé de faire les analyses à l’extérieur et les rendez-vous sont très éloignés». Un avis que certains malades partagent mais pas d’autres. DE GROS EFFORTS MAIS DES INSUFFISANCES Pour le chef de service d’oncologie des adultes, M. Bousaba, «de gros efforts sont déployés pour assurer aux malades les soins nécessaires. Il ne faut pas oublier que nous sommes le seul pays où les soins sont gratuits bien que les malades ne semblent pas valoriser la chose». Pour le chef de service, «les cas de cancer augmentent et nous demandons, en tant que spécialistes, toujours plus pour l’amélioration de la prise en charge pour le bien des malades». Pour sa part, le directeur du CAC, M. Abed, nous explique que «nous savons qu’il y a des insuffisances mais nous faisons de notre mieux pour que chaque malade rentre au centre sans avoir besoin d’une intervention et ait droit aux soins nécessaires». Le CAC, d’une capacité de 137 lits, couvre toute la région. «Pour la radiothérapie, le centre ne peut traiter que 100 malades par jour», nous explique le directeur. La prise en charge d’un malade en oncologie est estimée à 2,5 milliards de centimes, de la détection à la chirurgie en passant par la chimiothérapie et la radiothérapie. Selon M. Abed, le CAC est appelé à s’agrandir avec la réalisation d’un pavillon pédiatrique qui sera construit en 2012. Le ministère de la Santé vient de donner son aval en dégageant une enveloppe de 150 millions. Il est prévu également la réalisation d’un pavillon oncologie d’une capacité de 60 lits en 2013. Une enveloppe de 30 millions de dinars a été réservée pour ce projet. Le CAC a aussi bénéficié d’une somme de 80 millions de dinars pour la réhabilitation du service pédiatrique. Une opération lancée durant l’année en cours. Concernant l’acquisition d’équipements d’imagerie médicale, le centre sera doté d’un scanner diagnostic en plus du scanner médical existant et de trois curitromes pour la curiethérapie et de deux salles d’opération. Le directeur du centre a tenu, d’autre part, à poser le problème de don du sang au niveau du CAC étant donné que les donneurs ne viennent que pour aider leurs proches. Bien que le centre de transfusion sanguine existe au niveau du CAC, l’afflux des donneurs est très timide. Selon le même responsable, le CTS du CAC dispose de tous les équipements et matériel pour les transfusions sanguines. Les donneurs bénévoles qui se présentent seront bien pris en charge. |
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