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77e Festival de Cannes - Sofiane Zermani : «Mon soutien à la cause palestinienne m'a fait perdre deux films et m'en a fait gagner 15»

par De Cannes : Tewfik Hakem

Le rappeur à succès très populaire sur les réseaux sociaux s'investit de plus en plus dans sa carrière parallèle de comédien et n'exclut plus désormais de quitter la France pour s'installer en Algérie».

L'envoyé spécial du Quotidien d'Oran à Cannes a accepté d'animer au débotté la master classe de l'acteur et rappeur Sofiane Zermani, organisée par le pavillon algérien. D'une pierre, deux coups. Pour «Algérie is back à Cannes», et pour le journal, mais sans être rémunéré par la délégation officielle algérienne, pour des raisons déontologiques évidentes.

LE QUOTIDIEN D'ORAN : En réécoutant les mixe-tapes et disques qui vous ont rendu célèbre en France et en tant que rappeur nommé Fianso, on devine aisément quelles sont vos références cinématographiques. Je pense particulièrement à l'album «Affranchis» qui s'est écoulé à plus de 100.000 exemplaires en moins de 3 mois après sa sortie, une référence directe au film de Martin Scorsese. Quel est le premier film qui vous a bouleversé dans votre jeunesse, ou qui est à l'origine de votre intérêt pour le cinéma ?

SOFIANE ZERMANI : Vous attendez sans doute que je vous dise Scarface, comme le font à peu près tous les rappeurs ? Et bien non, pour moi, c'est Le Cercle des poètes disparus, de Peter Weir avec Robin Williams dans le rôle du professeur qui noue des rapports humains avec ses élèves, j'étais collégien quand j'ai vu le film à la télévision.

Q.O.: La dernière que vous êtes allé au cinéma en payant votre place, c'était pour quel film ?

S. Z.: «La Dernière Reine» de Damien Ounouri et Adila Bendimerad.

Q.O.: Avez-vous eu accès au cinéma algérien durant votre enfance et adolescence ?

S. Z.: Oui, mais principalement pour ne pas dire exclusivement les comédies de Mahmoud Zemmouri, «Les Folles années du Twist» est un de mes films préférés, on regardait en famille, et en VHS. J'ai découvert les autres cinémas algériens que très récemment. Je kiffe par exemple «Soula» de Salah Issâd.

Q.O.: Vos succès en tant que rappeur ont fait de vous un des artistes français les plus suivi sur les RS. Vos prises de positions en faveur des Palestiniens, et contre les puissances mondiales complices de l'Etat colonial d'Israël qui continue à larguer des bombes sur Ghaza peuvent-elles mettre en danger votre carrière de comédien en France ? La crainte d'être «blacklisté» pour reprendre le titre de votre mix-tape sortie en 2011 et qui a fait de vous un des plus populaires rappeurs de France.

S. Z.: Ok, on y va, c'est le grand sujet du moment. D'abord, il faut rappeler que mon soutien à la cause palestinienne ne date pas d'octobre 2023, mes textes sont là pour en témoigner. Ensuite, il faut dire clairement que ce que l'on est en train de vivre avec cette nouvelle tragédie en Palestine occupée est tout simplement le plus grand scandale du 21e siècle. Tout le monde sait qu'une force d'occupation détruit Ghaza et tue des milliers de civils en toute impunité. Tout le monde ! Ce sentiment d'impuissance ressenti partout dans le monde est en train de nous rendre fous. Que je mette ma soi-disant célébrité au service de la cause, c'est la moindre des choses, à quoi ça sert d'avoir des centaines de milliers de Followers si ce n'est pas pour exprimer ce que des centaines de millions de gens ressentent tous les jours en regardant les informations. Ensuite, je n'ai pas voulu laisser Lyna Khoudri seule dans sa dénonciation des crimes commis contre les Palestiniens, et nous sommes maintenant nombreux à le dire, Camélia Jordana, Leïla Bekhti...

Q.O.: Nombreux ? Il y a des silences assourdissants qui expriment la crainte d'être blacklisté.

S. Z.: Chacun fait ce qu'il veut, si quelqu'un préfère se taire, peut dormir en paix et être capable le lendemain de se regarder dans un miroir avec tout ce qui tombe comme bombes sur Ghaza, ce n'est pas mon problème, mais son problème. À un certain moment, il faut se faire entendre, on est de plus en plus nombreux, si on ne nous aime pas, tant pis, ils ne nous changeront pas pour autant. Mais pour être encore plus précis, oui, mes prises de postions m'ont fait perdre deux rôles au cinéma, même si cela n'a jamais été justifié d'une manière directe. Mais je crois aussi que le fait de ne pas se taire m'a fait ramener d'autres propositions, dont certaines très originales, une bonne quinzaine de projets pour deux films perdus. Comme quoi, dans ce milieu, avoir des principes peut aussi être un atout.

Q.O.: L'ambiance n'est-elle pas plus en plus pesante...

S. Z.: Oui et je n'exclus désormais pas la possibilité de quitter la France, c'est pour cela que je suis en train d'acheter une maison à Alger.

Q.O.: Bientôt, on vous verra dans un film algérien, le réalisateur de Soula, Salah Issâd, prépare son second film; tournage prévu à la fin de l'année où vous aurez le premier rôle.

S. Z.: Oui, je reviens du Festival de Annaba où j'ai reçu un prix qui m'a touché, je connais maintenant presque tous les comédiens algériens qui m'ont accepté comme un des leurs et ça me touche, on partage des mêmes envies, que l'on soit nés ici ou là-bas, on a une même culture, on a des affinités en commun, cela passe par la bouffe ou l'humour. On n'a pas les mêmes vécus, je ne dirai jamais qu'être né ici ou là-bas c'est kif-kif, ça ne l'est pas, mais il y a des affinités entre nous qui sont en train, du moins me semble-t-il, de prendre le dessus sur nos différences. Bon, c'est vrai que je dois encore perfectionner mon arabe, mon kabyle ça va plus ou moins. Mais avec mes copains comédiens d'Alger, j'apprends à parler bien l'algérien. Je suis particulièrement content que Salah Issad me propose de jouer dans ce film, mais ce n'est que le début ! (Et, se retournant vers le comédien Dali Bensalah présent parmi le public). Dali, l'heure de la vengeance vient bientôt sonner !!! (rire de Dali Bensalah).

Q.O.: De quelle vengeance parlez-vous ?

S. Z.: C'est mon poto Dali, j'adore ce qu'il fait, takbayllit lui aussi ! Mais qu'est-ce que j'aurai adoré être Barberousse au cinéma, et même si Dali Bensalah a très bien joué le rôle dans le film de Damien Ounouri et Adila Bendimerad, franchement c'était un rôle pour moi. Mais ce n'est pas fini Dali, l'heure de la vengeance avance... Adila et Damien m'offrent un beau rôle dans leur prochain long-métrage, un personnage légendaire, moi aussi, mais je ne peux pas en dire plus...

Q.O.: Vous êtes à l'origine du succès phénoménal de Soolking, comment s'est passé votre collaboration ?

S. Z.: Les raisons du succès de Soolking sont : 1- son talent, 2- sa capacité de travailler sans relâche, 3- son sérieux. Si je l'ai produit, si je l'ai invité dans mes émissions sur Skyrock et en featuring dans mes albums ce sont pour ces raisons d'abord. Ensuite, c'est vrai il s'est passé quelque chose de très fort avec Soolking qui venait d'Alger. Dans nos cités françaises, nous, enfants de l'immigration, on a tellement fantasmé l'Algérie que parfois on a voulu être plus Algériens que les Algériens d'Algérie. Une manière de revendiquer cette culture que nos parents ont mise de côté pour que nous puissions être, pensaient-ils naïvement, mieux intégrés à la société française. Mais quand on allait en Algérie, on nous faisait bien sentir qu'on était d'abord Français, et des fois ça pouvait être violent. Avec Soolking, il y a eu tout de suite une approche fraternelle qui mettait de côté nos différences pour mettre en valeur et en avant nos affinités communes. Ce n'est pas rien.



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