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76ème Festival de Cannes: Les filles d'Olfa de la Tunisienne Kaouther Ben Hania marque un tournant majeur dans le cinéma tunisien

par Notre Envoyé Spécial À Cannes : Tewfik Hakem

Autour de l'histoire vraie d'Olfa, une mère qui a élevé seule ses quatre filles- et dont les deux aînées sont allées rejoindre en Libye les émirs de l'organisation terroriste Etat Islamique, la Tunisienne Kaouther Ben Hania réalise un film émouvant aux frontières du documentaire et de la fiction.

Ainsi donc, pour la première fois depuis plus d'un demi-siècle, un film tunisien est en compétition officielle à Cannes. Les Farid Boughedir, Nouri Bouzid et autres Nacer Khemir peuvent aller se reposer en paix, la conscience tranquille, car une nouvelle génération a repris le flambeau. Avec à leur tête une femme de caractère, Kaouther Ben Hania, 45 ans aujourd'hui, originaire de Sidi Bouzid, autrement dit le berceau de la révolution et des «printemps arabes».

Si dans son cinquième long-métrage, Les Filles d'Olfa, on n'est guère étonné d'entendre une mère de famille de condition très modeste regretter le règne du dictateur Ben-Ali, c'est parce que d'emblée sans que l'on sache pourquoi d'ailleurs on a envie de l'écouter, de la comprendre, et on finira vite par l'aimer Olfa Hamrouni. Le dispositif de la réalisatrice y est pour beaucoup, la sincérité des propos de cette mère n'est rendue possible que par le pacte que la réalisatrice établit avec ses protagonistes et ses spectateurs. Olfa a quatre filles, les deux cadettes sont avec elle, et ce n'est vraiment pas possible de ne pas préciser, ici, qu'elles sont très belles même si ce n'est le propos du film comme on s'en doute. Les deux filles aînées d'Olfa ne sont pas là, on comprendra ensuite pourquoi, du coup la réalisatrice demande à deux comédiennes de jouer leurs rôles, voilà donc Olfa avec deux de ses vraies filles et deux comédiennes qui remplacent les deux aînées absentes. Une autre invitée du monde de la fiction est appelée dans ce dispositif; l'archi-star Hind Sabri, la Tunisienne qui fait les beaux jours et les bas chiffres du box-office égyptien. Comme nous explique la réalisatrice Kaouther Ben Hania, Hind Sabri est là comme renfort narratif pour jouer le rôle de Olfa au cas où ma mère n'arrive pas à tout dire de tout ce qu'elle a subi ; car elle en a bavé Olfa, depuis que ses deux aînées sont allées rejoindre les leaders les plus recherchés de l'état islamique, en Libye, en 2014.

L'affaire qui a eu un retentissement médiatique à l'époque et Olfa avait dénoncé publiquement, sur les chaînes de télévision, l'indifférence des autorités tunisiennes face à la radicalisation de ses filles. Comment revenir sur ce fait divers ? Comment faire de ce fait-divers un film sur la grande désillusion post-printemps arabes ? En documentariste méticuleuse et en cinéaste inspirée, la réalisatrice a trouvé la bonne formule, qui tient à distance aussi bien le mélo que le film à thèse. Je veux comprendre, semble nous dire ce film, tout à la fois, très personnel et généreux. Alors que les médias en cette époque orwelienne qui est la nôtre nous enfument, Kaouther Ben Hania prouve que le cinéma peut nous informer, et c'est fait sans aucune prétention; on rit souvent et on pleure beaucoup dans ce film qui ne cherche ni l'un ni l'autre, sinon de comprendre comment des gens comme Olfa, comme vous et moi, sommes dépassés par cette époque effrayante où rien n'est vraiment à sa place. Une chose est certaine, Kaouther Ben Hania est-elle à la bonne place ?



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