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Modèle de gouvernance d'une économie de la connaissance

par Dr Tewfik Hadj Slimane

L'économie de la connaissance est une économie de rupture. Cette option, ayant les faveurs du président de la République, pourra devenir le levier d'émergence vers un développement durable et rationnel de haute valeur ajoutée, inscrite dans la durée. Pour aboutir, l'économie de la connaissance nécessite une vision, des objectifs, des défis, des moyens et des outils.

La vision permettra, face aux enjeux actuels et futurs, un ancrage solide de l'Algérie dans l'économie mondiale. Les objectifs sont définis par la mise en place de nos sécurités stratégiques, alimentaire, sanitaire, énergique et technologique. Les défis se résument à un seul : à terme hisser l'Algérie à la première place économique d'Afrique. Les moyens sont identifiés par la mise en place d'un écosystème adéquat et les outils par la genèse permanente, grâce à cet écosystème, d'entreprises innovantes de haute valeur ajoutée.

Cette contribution est dans la continuité de 3 autres abordant le sujet de l'économie de la connaissance, parues dans les colonnes de ce même journal. La première, date du 27 mai 2021, la seconde du 10 juin 2021 et la troisième le 24 juin 2021.

La première parution décrivait un modèle d'écosystème pour la mise en place et l'expansion de l'économie fondée sur la connaissance. La seconde exposait la spécificité de l'accompagnement et du financement des entreprises innovantes (start-up, spin-off, spin-out...). La troisième, aborda la gouvernance de l'écosystème et des entreprises innovantes opérationnelles. Cette quatrième contribution, développe et précise la précédente. Elle éclairera sur l'architecture efficiente d'une gouvernance de l'Economie de la Connaissance.

Comme décrit dans la première contribution, le modèle exposé, était dénommé «RIVAL», acronyme de Recherche, Innovation, Valorisation. Ce modèle intégré, repose sur la mise en place d'un écosystème constitué de 3 pôles de recherches innovantes de très haut niveau, dédiés exclusivement à la valorisation scientifique : un agropôle, un biopôle, et un technopôle. Leur synergie en fera les moteurs et garants de nos sécurités stratégiques fondamentales: alimentaire, sanitaire, énergétique et technologique.

Ces pôles sont conçus pour réunir et fédérer sur leur site, un ensemble de structures dédiées, dans un environnement relationnel, destinées à rapprocher et fertiliser la recherche scientifique et opérateurs économiques, les pouvoirs publics et les fonds d'investissements. Un tel ensemble contribuera durablement à la croissance, au développement et à la modernité.

Cet «écosystème tripolaire» sera le centre de gravité de germination permanente d'entreprises innovantes, start-up, spin-off, spin-out, ... de très haute valeur ajoutée.

Avant d'être opérationnelle, une entreprise innovante doit bénéficier, de toutes les attentions et d'un cluster d'accompagnement personnalisé de haut niveau. Les étapes s'étalant de l'éclosion primitive de l'innovation à sa maturation, sont des périodes de morphogénèse, périlleuses et très délicates. Les erreurs de parcours peuvent être fatales, et génèrent une importante mortalité des entreprises innovantes.

Par ailleurs, les structures de financements dédiées aux entreprises innovantes, spécialisées, d'envergure internationale, investiront un triptyque incontournable, à savoir leur «capital financier»', leur «capital expérience» et leur «capital réseau». Une fois abouties, certaines de ces Entreprises Innovantes pourront s'exporter.

Au départ, les innovations, issues de l'étape de la recherche fondamentale, ont des contours peu précis. Leur développement en produit ou service innovant demande via la recherche appliquée, une modélisation conforme aux besoins exprimés ou non encore exprimés.

Une fois la modélisation probatoire du produit ayant atteint les objectifs déterminés, elle sera valorisée dans l'écosystème décrit. Elle sera traduite en nouveaux produits, procédés et services exploitables et commercialisables. Cet aboutissement est le résultat de la succession d'étapes codifiées entamées par une innovation et aboutissant à une entreprise opérationnelle performante.

Le lieu de germination initial de nombreux projets innovants demeure l'université. L'enseignement supérieur a pour objectif la diffusion des connaissances, des résultats de la recherche et le développement de la culture. Il a pour mission, la formation initiale et continue, l'information scientifique et technique, la diffusion de la culture et la formation de formateurs. Il permet de développer des réflexions critiques, des apprentissages en profondeur, des perspectives à long terme, bref, un lieu de formation des élites intellectuelles capables de prospecter, de penser l'avenir de nos sociétés.

L'enseignement supérieur doit inscrire dans son parcours des objectifs de croissance continue des connaissances. Des réformes profondes, ainsi qu'une certaine autonomie managériale seraient très profitables. Nul besoin de le mentionner, le monde évolue vite. Une vision globale des changements actuels ou potentiels de l'environnement des connaissances, oblige au développement des stratégies d'anticipation, pour assurer sa réussite et permettre à l'enseignement supérieur de résister au temps.

Des mises à jour et des nouvelles données scientifiques ou autres se rajoutent continuellement aux principes fondamentaux et aux connaissances de base, façonnés et éclairés au fil du temps.

L'évolution et la dynamique des connaissances scientifiques atteint des niveaux exceptionnels. En 1950, il fallait environ 50 ans pour doubler le volume les données scientifiques de recherche; en 1980, avec l'accélération des nouvelles données, il ne fallait plus qu'environ 7 ans, et en 2010 les volumes de données doublent en 3,5 ans. En 2020, ces données doublent tous les 90 jours ...

Cette évolution et progression des connaissances est un défi majeur pour la communauté scientifique et universitaire. Cette situation de dynamique permanente des connaissances, implique que l'accès à l'information devient de plus en plus complexe et multidimensionnel. L'accès à des connaissances appropriées et pertinentes, pour appuyer le raisonnement et la prise de décisions, exige que la base de connaissances utilisée soit efficace, facile à utiliser. Une base documentaire de connaissances de haute qualité est plus qu'incontournable. Ce type de support d'aide à la décision est un besoin crucial.

A lui seul l'enseignement supérieur est une très lourde tâche, exigeant beaucoup d'efforts, d'attention et de réactivité. De la qualité et la pertinence de sa prise en charge par l'exécutif, dépendent le niveau des connaissances et l'avenir de la nation.

C'est le pilier principal sur lequel repose en particulier l'économie de la connaissance. D'où la nécessité de lui consacrer une institution exécutive exclusive : un ministère dédié exclusivement à l'enseignement supérieur. Ainsi, allégé des départements de la recherche, ce ministère pourra se concentrer sur l'optimisation et le management du capital des connaissances transmises. L'enjeu est d'autant plus important, que dans le nouveau contexte post-Covid, la concurrence mondiale est rude, avec une croissance des connaissances vertigineuse. Il est certain que ce seront les meilleurs systèmes d'enseignement supérieur (les plus efficaces, réactifs et attractifs), qui continueront d'attirer les meilleurs. Cette concurrence accrue risque de creuser les inégalités, entre pays, entre établissements, réduisant l'accès collectif à la connaissance. L'unique objectif de l'enseignement supérieur serait de hisser nos établissements vers les standards et podiums internationaux et par conséquent former d'excellents diplômés.

Par la suite, nombre de ces diplômés alimenteront la recherche et toutes ses variantes. La recherche, en général, se définit comme un ensemble de travaux entrepris de façon systématique en vue d'accroître la somme des connaissances pour d'éventuelles nouvelles applications. La recherche soutient la diffusion de ses résultats au service de la société.

La recherche est multidirectionnelle. Dans un besoin de simplification, nous citerons les deux axes principaux, la recherche fondamentale et la recherche appliquée.

La recherche fondamentale est un processus dynamique rationnel, permettant d'examiner des phénomènes, des problèmes à résoudre et d'obtenir des réponses précises à partir d'investigations de phénomènes physiques et naturels en vue d'organiser des théories interprétatives, sans application immédiate. La collecte de données est faite pour générer des nouveaux concepts généraux.

La recherche appliquée discerne les applications possibles d'une recherche fondamentale, et trouve des solutions nouvelles permettant d'atteindre un objectif déterminé à l'avance. Le résultat consiste en un modèle probatoire de produit, d'opération ou de méthode.

Des choix pertinents issus de cette recherche appliquée peuvent s'avérer innovants. En maitrisant notre environnement, on peut aisément avoir une vision globale des changements actuels ou potentiels, permettant de positionner les recherches à l'avant-garde de l'innovation.

L'innovation répond par le transfert de technologie aux politiques publiques, aux défis sociétaux, aux besoins sociaux, économiques et de développement durable. L'innovation est ainsi un ensemble de démarches scientifiques, technologiques, organisationnelles, financières qui aboutissent à des produits ou des procédés technologiquement nouveaux ou améliorés. Elle apporte une solution créative, plus efficience que les précédentes, à un problème partagé par un grand nombre d'individus.

La création de valeurs articulées autour de la connaissance et de la recherche, dans un écosystème dédié à l'innovation, génèrent inéluctablement de la valeur ajoutée. La valorisation demeure l'aboutissement naturel de cette chaine de valeurs intégrées de la recherche et de toute découverte.

La valorisation est la traduction des connaissances en nouveaux produits, procédés et services exploitables (valeurs d'usage) et commercialisables (valeurs d'échange). L'impact de la valorisation de la recherche ne doit pas être seulement perçu sous un angle financier, mais également sous l'angle des retombées plus globales de la science sur la société.

Le cheminement d'un projet, intégrant l'université, la recherche fondamentale, la recherche appliquée, la recherche innovante et sa valorisation, implique la mise en place d'institutions de gouvernance concordantes, spécifiques et intimement interconnectées à toute cette démarche codifiée. Ainsi, le choix de valorisation de la recherche dans le contexte d'une économie, dite du savoir, implique d'importants remaniements institutionnels.

Dans le monde, les pôles de recherche scientifique dédiés à l'innovation adossés à une même institution universitaire pédagogique, ont montré leurs limites.

La recherche innovante hors des murs de l'université, en est un exemple; c'est une activité largement pratiquée de par le monde, avec une efficacité reconnue aujourd'hui.

Pour la réussite et les obligations de résultats de l'économie de la connaissance en Algérie une séquence d'institutions, gage d'une adaptation en temps réel à toutes les situations et décisions sera décrite ci-dessous. Cette option est la clef d'une grande flexibilité, et d'une réussite obligatoire de ce modèle d'économie de rupture, basé sur une quadrature institutionnelle, interconnectée pour des flux d'échanges intenses, permanents et complémentaires

1. L'enseignement supérieur :

Les structures pédagogiques de l'enseignement supérieur, mises à jour, réformées, plus autonomes dans leur management, auront une mission majeure, UNIQUE, celle de former et d'encadrer d'excellents diplômés. Un ministère exclusif les prendra en charge

2. La recherche scientifique fondamentale et appliquée

Pour une bonne performance et réactivité, des résultats rapides et palpables, ces missions de recherche, elles aussi mises à jour dans leur architecture, bénéficiant d'une autonomie managériale, seront encadrées par une institution dédiée relevant de l'exécutif : par exemple un Secrétariat d'Etat

3. La recherche innovante et sa valorisation

Elle doit nécessairement être à l'abri des interférences conjoncturelles inadéquates et ne doit pas laisser de place à l'improvisation et à des choix ?'cosmétiques''. Pour éviter toute ?'onde de choc'' et toute fragilisation, une institution ne dépendant pas d'un exécutif gouvernemental, serait adéquate pour la gouvernance de cet ?'écosystème tripolaire'' source intarissable d'innovations à très haute valeur ajoutée.

Pour la pérennisation des objectifs, pour une grande réactivité et flexibilité aux besoins nationaux et mondiaux, une institution non dépendante de l'exécutif, dédiée à la Valorisation Scientifique, mettra en place et animera l'écosystème avec ses 3 pôles. Elle sera placée sous l'autorité de la Présidence de la République. Elle accompagnera les entreprises innovantes, vers leur émergence, leur maturation, et les orientera en fin de parcours vers les sites d'implantation dédiés.

4. Les entreprises innovantes opérationnelles

Une fois opérationnelles, les Entreprises Innovantes obéissent à des schémas économiques universels et spécifiques en même temps. Elles seront accompagnées en tant qu'entreprises économiques dans un environnement spécifique, flexible et très réactif.

Une fois implantées et opérationnelles dans leurs site, pour leur croissance capitalistique rapide et pour répondre en temps réel aux besoins exprimés des marchés nationaux et internationaux, elles doivent évoluer sous la tutelle d'une institution dédiée dépendant de l'exécutif, par exemple, un ministère ou un Secrétariat d'Etat aux entreprises innovantes.

Schéma des institutions accompagnant les projets innovants, dans le cadre de l'Economie de la Connaissance.

 En résumé, un modèle de 4 institutions intimement interconnectées, avec un intense flux d'échanges permanents, partageant des missions complémentaires, est incontournable :

- L'Université et toutes les structures pédagogiques, forment et génèrent de nombreux porteurs de projets.

- Les projets seront développés vers un résultat probatoire, par le biais de la recherche fondamentale et appliquée.

- L'écosystème tripolaire «RIVAL» mettra à la disposition des porteurs de projets, l'accompagnement nécessaire à leur valorisation, jusqu'à l'implantation de leur entreprise innovante dans des zones dédiées.

- Les entreprises innovantes opérationnelles seront mises en place dans un espace spécifique qui leur sera dédié.



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