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«Le Jour où Pelé» dernier roman d'Abdelkader Djemai: Pelé à Oran

par Tawfiq Belfadel*

Après «La vie (presque vraie) de l'abbé Lambert» (Seuil 2016), Abdelkader Djemai publie son dernier roman «Le jour où Pelé».

Dans ce roman, l'auteur s'inspire d'un événement majeur de l'histoire algérienne : le 17 juin 1965, le Brésil vient affronter pour un match amical l'équipe algérienne, au Municipal d'Oran. Présidée par Ahmed Ben Bella qui assiste au match, l'Algérie est indépendante depuis trois ans. Encore fissurée par les séquelles de la colonisation, elle regroupe ses lambeaux pour se retrouver, pour suivre la course des pays libres. Ce jour inoubliable, «la nation de foot bénie par les dieux allait affronter la nation qui venait d'entrer dans le concert des pays libres.» (p. 93).

Noureddine est le personnage principal du roman. C'est un adolescent de 17 ans qui a grandi dans un haouch (maison avec plusieurs chambres et une cour, abritant souvent des familles différentes).

L'adolescent et toute la ville attendent impatiemment de voir le roi Pelé et ses coéquipiers. «Vers midi, l'agitation se fit plus grande encore. Noureddine, le cœur toujours battant, vit alors Pelé qui marchait sur le quai, l'air décontracté et le sourire aux lèvres. Le pas souple, il resplendissait dans son costume bleu, sa chemise à la blancheur éclatante, sa belle cravate et sa veste au blason orné de deux étoiles, celles des Coupes du monde déjà remportées» (p. 35).

En attendant le match, le narrateur omniscient ralentit sa narration pour relater les souvenirs d'enfance de Noureddine, ses déambulations dans les divers quartiers oranais, et ses émotions tantôt douces tantôt amères. Çà et là, il efface, pour des instants fugitifs, le personnage principal pour livrer des tranches historiques et des descriptions minutieuses d'Oran, une ville qui était à cette époque la Mecque des révolutionnaires et des artistes.

Le match a eu enfin lieu, avec la défaite de l'équipe nationale. Malgré la déception, Noureddine en garde de joyeux souvenirs. Cependant, quelques jours après, un événement politique vient bouleverser le destin de l'adolescent, de Ben Bella et de toute l'Algérie. Ainsi, en l'espace de quelques jours seulement, Noureddine perd sa naïveté et passe de l'insouciance à l'angoisse, de l'innocence à la prudence. «La joie qu'il avait éprouvée au Municipal cédait peu à peu la place à un mélange d'angoisse et de colère» (p. 131). Alors, le match est un contexte ou un prétexte ?

Abdelkader Djemai peint un thème qui fascine tous les écrivains du monde: l'enfance. Et à travers la fausse naïveté de l'adolescent Noureddine, il sculpte quelques tranches de l'histoire algérienne, des images de sa ville natale (Oran) et des fragments de sa propre vie. Tout comme son personnage, Djemai avait 17 ans en l'an 1965. Serait-il donc caché derrière le petit Noureddine ?

L'auteur met en valeur aussi un lieu prépondérant du patrimoine algérien: le haouch. Le roman lui-même commence par cette dédicace: «Aux femmes du haouch». Il s'attarde dans la description de ce lieu en glorifiant le rôle primordial que les femmes y tenaient; parler du haouch est pour lui rendre hommage aux braves et uniques femmes dont, peut-être, sa mère ferait partie. «Tout ce monde du haouch Benaouda était le sien. Il savait qu'il le porterait toute sa vie en bandoulière» (p. 32).

Ainsi, l'Histoire et Oran sont une source d'inspiration pour Djemai comme le témoignent ses précédents romans. Il sait, en mêlant réalité et fiction, peindre le destin d'un pays à travers la vie d'un personnage. Pour les passionnés des études comparatistes, «Le jour où Pelé» rappelle le recueil de nouvelles «Le Cri de Tarzan» (éd. Barzakh) de Malek Alloula qui revient aussi sur l'enfance dans l'ancien Oran.

En somme, «Le Jour où Pelé» n'est pas un commentaire de match, mais un condensé cohérent de diverses émotions douces-amères : la nostalgie, le bonheur, l'angoisse, l'incertitude?

En conclusion, voici les propres révélations de Djemai sur son roman : «Dans «Le Jour où Pelé», j'ai voulu, à travers les yeux, la sensibilité, et le regard parfois amusé d'un adolescent de 17 ans, raconter une histoire où se mêlent l'enthousiasme, l'innocence, le sport et la politique» (p. 3).

«Le jour où Pelé», Abdelkader Djemai, Le Castor Astral, Coll. Galaxie, 136 p.

L'auteur :

Né en 1948 à Oran, vivant en France depuis les années 1990, Abdelkader Djemaï est un écrivain algérien contemporain de langue française. Son récit Un été de cendres a été récompensé par le prix Tropiques et le prix Découverte Albert Camus. Il est notamment l'auteur de Camus à Oran, de Camping, et Le Nez sur la vitre qui a été récompensé par plus de deux prix. Après Un moment d'oubli, il a signé Zorah sur la terrasse : Matisse à Tanger

*Ecrivain-chroniqueur



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