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71ème Festival de Cannes - LES MALHEURS DE SOFIA ET LE CAPHARNAÜM DE NADINE

par De Notre Envoyé Spécial À Cannes : Tewfik Hakem

Deux films arabes dévoilés en fin de festival. «Sofia» de la Marocaine Meriem Benm'barek présenté à Un Certain Regard est une totale réussite. «Capharnaüm» de la Libanaise Nadine Labaki en compétition officielle est redoutable d'efficacité mais pas forcément sympathique. Dernier compte rendu de notre envoyé spécial à Cannes avant le palmarès et la clôture ce soir de la 71ème édition.

Présenté dans la sélection Un Certain Regard, le film marocain Sofia premier long-métrage de la marocaine Mériem Ben'mbarek nous a littéralement scotchés. Pourtant on y allait avec toutes les appréhensions du monde en découvrant le synopsis: soit Sofia, 20 ans, qui vit avec ses parents à Casablanca et qui suite à un déni de grossesse se retrouve dans l'illégalité en accouchant d'un bébé hors mariage. L'hôpital lui laisse 24h pour fournir les papiers du père de l'enfant avant d'alerter les autorités? On imagine le pire, le fameux film à dénonciation, le film à sujet sociétal qui vient du monde arabo-barbaresque, le film étendard réalisé par une femme malmenée chez elle qui vient recueillir les applaudissements des festivals occidentaux. On se rappelle du très plombant film La belle et la meute de la Tunisienne Kaouther Ben Hania, subi l'année dernière à Cannes où on devait suivre une jeune fille victime d'un viol, qui erre de commissariat en hôpital en pleine nuit, pour obtenir justice et «défendre sa dignité».

La force de Sofia est de s'inscrire dans ce cadre pour mieux renverser la table, faire exploser les clichés, retourner magistralement la situation. Le tout sans aucun effet de style, juste avec une froide et magnifique maîtrise de la réalisation. D'une subtilité incroyable, le film de la Marocaine va plus loin que tous les films prétendument féministes, il n'enferme aucun de ses personnages dans une case prédéfinie par la passe de la pensée dominante et offre à son héroïne Sofia une possibilité d'être autre chose de ce qu'on attend d'elle.

On ne dira hélas pas la même chose du film de la Libanaise Nadine Labaki, Capharnaüm, qui a battu tous les records de vente au Marché du film et qui sera sans doute acclamé, primé et fera sans doute carton dans les box-offices. Prenez un gamin de préférence très très beau, faites-le évoluer dans un gourbi et au sein d'une famille nombreuse digne des romans du 19ème siècle, imaginez une situation qui le fera fuir de son quartier pourri pour qu'il puisse errer dans les autres bidonvilles habités par des réfugiés syriens et africains, mettez lui dans les bras un bébé d'une Ethiopienne sans papier, ça donne «Affreux, sales et méchants» mixé avec «Le voleur de bicyclette», on peut y rajouter quelques scènes de tribunal pour faire monter la tension. Résultat, ça marche, il est incontestable que Nadine Labaki filme les quartiers miséreux du Liban comme personne n'a osé le faire et avec une redoutable efficacité dans la veine documentaire. Elle a tout pour faire plier un jury la Nadine Labaki, cochant les bonnes cases au bon moment, au bon endroit. Mais on peut aussi refuser d'accepter cette esthétisation de la misère humaine et trouver horrible l'idée qui suggère que les pauvres gagneraient à ne pas faire d'enfants plutôt que de les livrer à la misère.

Palme d'or ou pas, on quitte Cannes énervé de voir autant de gens ravis du dernier Labaki.



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