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La réinvention du gouvernement en Algérie : Gouvernance publique et éthique (1ère Partie)

par Kamel Garoui*

«Quand on suit quelqu'un qu'on croit malhonnête, on compromet notre intégrité. Non seulement on perd confiance en le leader, mais on perd aussi tout respect pour nous-mêmes» J. H. Kouzse & B. Z. Posner.

On a tendance à mettre la mauvaise passe que traverse actuellement, notre pays, exclusivement sur le dos de la chute du prix du pétrole, à partir de 2014. C'est vrai et c'est faux, dans le même temps. La chute du prix du pétrole constitue la petite partie visible de l'iceberg. Dans la grande partie immergée se cache la mauvaise gouvernance publique, qui, elle-même, est générée et entretenue surtout par, d'une part les comportements et les pratiques non éthiques parmi les responsables, dans les organisations publiques, et d'autre part le manque de vision globale de long terme (management et planification stratégique) quant à la conduite de projets et la prise de décisions.

La présente contribution traite de la question de l'éthique et de la gouvernance, dans le secteur public (au niveau des institutions et des entreprises), du point de vue du consentement. Le management joue un rôle vital dans le façonnement du futur de toute organisation, compte tenu qu'un emploi optimum des ressources dépend de l'efficacité de celui-ci. Le succès du management dépend de la clarté de la vision, du plan d'action, et plus important de l'exécution du plan d'action ? et c'est là que l'éthique et les vertus interviennent. En Algérie, les politiques et les stratégies sont souvent excellentes, mais c'est l'implémentation ou la mise en œuvre qui fait, souvent, défaut en raison, principalement, de déficiences chroniques en matière d'éthique, parmi les responsables et les employés.

La contribution fait la différence entre les mécanismes de consentement légal et ceux de consentement éthique, au sein des organisations. Il démontre que les mécanismes légaux sont inefficaces parce que ne disposant pas de puissance pour instaurer la confiance. L'éthique peut être définie comme étant «la promotion et l'adhésion à des principes acceptés comme étant vrais, et gouvernant une profession ». C'est un support intangible mais très puissant pour le consentement. Cependant, l'instauration de pratiques éthiques efficaces requiert la participation de tous - employés et responsables - à tous les niveaux de l'organisation.

Je dispense un cours sur le même thème au profit des étudiants en MBA, à l'EFTG /Alger. Les jeunes étudiants, sans expérience professionnelle, souvent, ne saisissent pas l'importance d'un tel cours, tant ils n'ont jamais été mêlés au milieu des affaires. Par contre, les étudiants ayant déjà travaillé, au niveau des organisations publiques ou privées, sont plus sensibles et réactifs au cours. Ça s'explique par le fait que les cadres des organisations, à différents niveaux, d'une part, reçoivent des ordres ou des instructions de la part de leurs responsables hiérarchiques directs et indirects, et d'autre part, subissent des pressions organisationnelles, les poussant à faire des choses perçues comme étant sordides, non éthiques ou même illégales.

La gouvernance publique prend de nos jours, de plus en plus, d'importance en raison de son importance pour la santé des organisations, en particulier, et de la société en général. La réalité de la gouvernance ? tant au niveau national, qu'international ? démontre qu'aucun agent ou entité n'est immunisé contre les mauvais comportements et les pratiques frauduleuses ou sordides.

Mécanismes légaux et éthiques de bonne gouvernance

Les mécanismes de consentement légal

Le problème avec les mécanismes de consentement légal est que beaucoup d'abus, ayant choqué, les publics ne sont pas illégaux, au point de vue de la loi - ex. relaxation des inculpés du procès Sonatrach 1, en Algérie, poursuite de François Fillon à la course à l'Elysée, en dépit de son implication dans l'emploi fictif de membres de sa famille. En effet, les lois régulant les organisations publiques sont ambiguës, les hommes de loi éprouvent des difficultés à saisir les concepts financiers et de gestion, les accusés n'éprouvent pas de difficultés pour se soustraire à leurs responsabilités, les lois ne s'appliquent, avec toute la rigueur, qu'aux cas flagrant et extrêmes de violation, etc.

En dépit de leur nécessité, comme composant de la gouvernance publique, les mécanismes de consentement légal ont prouvé leur inefficacité. Il leur manque la force morale pour instaurer la confiance dans les institutions et les entreprises.

Les mécanismes de consentement éthique

Les leviers propres aux mécanismes de consentement légal sont infiniment moins efficaces que des orientations fondées sur des valeurs et des aspirations éthiques. Ce qui compte le plus c'est l'adéquation entre les politiques / discours et les actions / actes, un traitement juste des employés, ainsi que des discussions ou communications ouvertes et franches sur l'éthique. En réponse aux récents scandales ? en Algérie et ailleurs - les responsables commencent à comprendre que la confiance, l'intégrité et la justice ont beaucoup d'importance, notamment aux yeux des employés. Ainsi, les leaders intègres et consciencieux doivent mettre l'intérêt de leurs parties prenantes (médias, public ou communauté, institutions financières, employés, fournisseurs, gouvernement, etc.) et de leurs employés, avant les leurs. Des études menées aux USA et en Chine démontrent, sans équivoque, que les questions d'éthique occupent le haut du podium quant il s'agit de la bonne santé des Nations, des institutions et des entreprises.

Dans l'étude menée dans la 1ère puissance économique mondiale, parmi les 20 facteurs recensés et contribuant à l'excellence des organisations, l'honnêteté des responsables occupe la 1re place, avec 88% sur 700%, suivent la vision avec 71%, la compétence avec 66%, les capacités d'inspirer 65%, etc.

Dans l'étude menée dans l'usine du monde, L'interview de 35 managers, parmi les plus réputés, a donné lieu au classement ci-après des traits de caractère des responsables menant au succès des organisations : La sincérité, la poursuite de l'excellence, la responsabilité sociale, l'harmonie, la modération, la spécialisation, et enfin le management scientifique.

La culture des organisations publiques est au centre des récents scandales et transgressions, aux double niveaux international et national. Et la question se pose quant aux possibilités des mécanismes de consentement légal de montrer la voie de la probité pour mitiger les abus. Beaucoup d'efforts sont, de nos jours, consentis pour créer un environnement des affaires, plus éthique, mais souvent ces efforts aboutissent plus à un semblant de probité et d'éthique. Ainsi, est-ce qu'un programme de consentement est juste une «affiche » ou un «papier », ou est-ce qu'il a été conçu et implémenté de manière judicieuse et efficiente ? - par ex. est-ce que l'organisation traite, réellement, ses employés de façon juste et équitable ? Aussi bien dans notre pays, un nouveau modèle d'organisation doit émerger ? modèle dans lequel la culture des institutions et des entreprises met l'accent sur l'intégrité et la confiance.

Chez nous, nombre de responsables parlent, aujourd'hui, de la gouvernance publique, mais ses implications ne sont pas encore tranchées de manière claire. Ce n'est pas une question de processus mais d'état d'esprit et de valeurs parmi toutes les parties prenantes.

Si de nos jours les organisations publiques donnent de l'importance à la formalisation d'un cadre de comportement éthique, c'est que, sûrement, il les aidera à faire face à un environnement des affaires très complexe, conséquence de la globalisation - ouverture des marchés, tombée des barrières douanières et intensification de la compétition.

S'agissant des entreprises économiques, l'une des questions centrales, en gouvernance, est de savoir est-ce que les managers doivent servir les intérêts des actionnaires - des propriétaires ou de tout autre acteur ou entité, ou de ceux de toutes les parties prenantes (médias, public ou communauté, institutions financières, employés, fournisseurs, gouvernement, etc.). Cette interrogation donne lieu à une autre, plus fondamentale, portant sur le rôle et la nature de l'entreprise. Deux principaux modèles en gouvernance d'entreprise sont identifiés : celui de la maximalisation des gains des actionnaires (des propriétaires ou de tout autre acteur ou entité), et celui de la responsabilité sociale.

Exemple de questions d'éthique

Questions d'éthique / importance en % : Création d'une culture d'intégrité / 32%, implémentation d'un code de conduite ou d'éthique / 17%, prévention de la fraude / 9%,, assurer l'objectivité dans les rapports financiers / 6%, résolution des conflits d'intérêt /6%, évaluation du niveau d'adhésion au code de conduite / 6%, différents standards et valeurs dans différentes cultures / 6%, s'attaquer aux fraudes et vols réels et suspectés / 5%, s'attaquer à la corruption / 4%, décider (trancher) sur les objectifs en conflit / 3%, traitement équitable des actionnaires / 3%.

Mécanismes légaux et éthiques, une comparaison

En dépit de certaines convergences, il existe des différences de fond, au point de vue du caractère et du contenu entre les exigences légales et celles éthiques pouvant nous aider à comprendre pourquoi l?approche éthique bénéficie d'une primauté normative, dans le domaine pratique et pourquoi la légalité, elle-même, doit être jugée et mesurée en référence à l'éthique.

Les parties prenantes (médias, public ou communauté, institutions financières, employés, fournisseurs, gouvernement, etc.) considèrent les comportements éthiques comme le facteur le plus important, dans le processus de prise de décision. Bien sûr, la menace des pénalités légales joue un rôle, mais elle n'est pas la principale motivation. C'est la défense de la réputation de l'institution ou de l'entreprise qui constitue la principale motivation.

Alors que la loi est concernée par la conduite, les exigences éthiques sont concernées par les raisons, les motivations et les intentions. Contrairement à la loi, l'éthique est concernée par ce qu'on est, et non pas par ce que l'on fait. De plus, alors que les lois sont limitées au point de vue juridique ? ce qui est légitime dans un pays ou région, peut ne pas l'être dans un autre - les valeurs éthiques sont plus universelles.

L'insistance sur les mécanismes de consentement légal détruit la réflexion éthique ? les personnes auront moins de raisons de se faire leurs propres opinions pour prendre leurs responsabilités quant aux décisions qu'ils prennent.

A suivre

Différences entre mécanismes légaux et éthiques :

Facteurs---------Légal--------- Ethique

Ethos---------Regarde les lois comme des limiteset comme quelque chose à exécuter---------Définie l'éthique comme des principes guidant les choix.

Objectifs---------Prévention des conduites hors la loi.---------Cherchant l'achèvement de conduites responsables.

Méthode---------Insistance sur lois et régulation + pénalités pour imposer ces lois.---------Infuser les pratiques éthiques.

Comportement---------Enracinés dans la théorie de la dissuasion.---------Enracinés dans les valeurs individuelles & communautaires.

*Ancien cadre du ministère de la Défense nationale et de l'ex. ministère de la Prospective et des Statistiques. Actuellement Manager exécutif de ?Intelligence & Prospective', et consultant-formateur en management.



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