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Le président de la commission des AE du parlement égyptien, Mohamed El Orabi, au «Le Quotidien d'Oran»: «Ne vous attendez pas à des solutions en Syrie, en Irak ou en Libye»

par Propos Recueillis Par Ghania Oukazi

Mohamed El Orabi refuse de croire aux miracles. «Toutes les forces occultes qui ont été créées ne disparaîtront pas du paysage arabe,» affirme-t-il. «Ne vous attendez pas à ce que des solutions soient trouvées en Syrie, en Irak ou en Libye,» lâche-t-il encore. Dans cette interview, il tente d'expliquer sa vision des événements tragiques qui secouent la région.

Le Quotidien d'Oran : Quel rôle la diplomatie parlementaire peut-elle tenir pour redéfinir les liens au sein du monde arabe ?

Mohamed El Orabi : je pense que la diplomatie parlementaire travaille pour celle officielle qui est à charge des ministres des Affaires étrangères ou des chancelleries nationales accréditées à l'étranger. Elle leur balaie le terrain et peut être une carte de rapprochement entre les pays. La diplomatie parlementaire est capable de mettre en place un réseau de confiance qui lui permet d'aider la diplomatie officielle à diminuer des écarts entre les positions ou attitudes des Etats. Elle prépare le terrain pour toute négociation et peut la faire aboutir.

La diplomatie parlementaire a toutes les possibilités de corriger l'image du pays à travers le monde. C'est ce que nous, parlementaires égyptiens faisons après que l'Egypte ait vécu une mauvaise période au temps des frères musulmans. Nous déployons un grand effort à cet effet. Parce qu'elle peut brasser large, la diplomatie parlementaire peut y jouer un rôle plus grand que celui du diplomate officiel qui lui, à la charge de préserver l'image de son pays dans celui où il est en poste.

Q.O.: Vous avez assisté à Alger à une rencontre internationale sur les défis de la diplomatie parlementaire, qu'en est-il de ce rendez-vous ?

M. E. O.: Effectivement, j'ai été invité par le président de la commission des AE, Nouredine Belmedah, il y avait aussi les représentants de la Tunisie et du Koweit parmi les 17 pays qui y ont été invités d'Afrique, d'Amérique Latine et d'Asie. C'est ma première visite en Algérie. J'attendais cette invitation depuis de longues années. Elle m'a permis d'avoir en marge de la conférence, des contacts personnels en vue de tisser des relations amicales et fraternelles avec mes collègues parlementaires algériens. J'ai rencontré les présidents des deux chambres. J'ai proposé à mes collègues algériens que l'Egypte et l'Algérie prennent assise sur la forte relation historique qui les lie depuis de très longues années pour édifier et consolider des relations d'avenir. Nous avons d'un côté comme d'un autre des symboles historiques qui ont marqué les deux révolutions égyptienne et algérienne mais je regrette que les nouvelles générations ne les aient pas comme repères. J'ai été élevé au temps où l'Egypte évoquait des grands noms d'historiques algériens à l'exemple de Ferhat Abbas, Ahmed Benbella, Ait Ahmed ou Rabah Bitat. Je fais partie de la génération qui a grandi entre les mains de Gamal Abdenasser. Nous, Egyptiens de cette époque avons tous une relation passionnelle avec l'Algérie. D'ailleurs, on se demande comment avec toute cette charge historique qui nous lie, on a pu avoir ces dernières années des problèmes aussi bêtes entre nous? Heureusement, nous les avons dépassés. J'ai proposé à Alger l'idée d'un programme pour faire déplacer nos historiques entre nos deux pays afin qu'ils éclairent et sensibilisent nos jeunes sur la grandeur et l'importance de nos révolutions respectives. L'Algérie et l'Egypte comptent d'ailleurs produire un film ensemble qui retracera une certaine étape de la colonisation. Le projet a eu déjà l'aval d'officiels algériens. J'ai aussi proposé à mes collègues algériens que le groupe parlementaire d'amitié algéro-égyptien soit effectivement mis en place et devienne actif. Les événements qui ont secoué l'Egypte ces dernières années ne nous ont pas permis de le faire bien avant.

Q.O.: Comment qualifiez-vous ces événements, de «printemps arabe» ou de «complot» ?

M. E. O.: Ce qui s'est passé en Egypte a été au début une révolte populaire mais à peine une semaine après, elle a été récupérée par les frères musulmans et l'ont totalement détournée des objectifs qu'elle s'était fixé. J'avoue que je ne suis jamais descendu à la place Tahrir, mais beaucoup se targuent de l'avoir fait pour montrer qu'ils étaient avec la révolution. Si je ne l'ai pas fait, c'est parce que j'avais et je ressentais de grandes peurs. J'ai vu vrai puisque la révolte populaire a été récupérée par les forces du mal.

Aujourd'hui, les choses ont beaucoup changé. L'Egypte avance avec des pas sûrs même si son chemin est truffé d'obstacles. Les forces occultes empêchent l'Etat d'avancer. Je refuse cependant, de m'inscrire dans la thèse du complot pour ne pas passer pour une victime. Si je suis vu comme une victime, je suis forcément vaincu et je refuse de l'être.

Q.O.: Mais qu'est-ce qui risque de se passer si les obstacles sont maintenus pour longtemps ?

M. E. O.: L'équation est très simple. L'Egypte est condamnée à réussir et El Sissi doit gagner. On peut le contredire mais on le fait pour qu'il ne recule pas devant ces obstacles, on le fait pour qu'il réussisse et édifie un véritable Etat de droit, un Etat démocratique.

Q. O.: Un militaire peut-il s'accommoder facilement de la démocratie ?

M. E. O.: John Kerry des Etats-Unis ou Catherine Ashton qui était à la tête de l'Union européenne avaient fait la même remarque et nous avaient dit qu'un président qui porte des galons ne peut pas être démocrate. Mais ils tirent leur idée de la dictature militaire qui a sévi en Amérique Latine. Ils ne comprennent pas que chez nous, c'est différent. Chez nous, il y a une relation affable entre l'armée et le peuple. Notre armée n'a rien à voir avec la dictature. Preuve en est qu'El Sissi a permis aux Egyptiens d'avoir un parlement élu démocratiquement.

Q.O.: Pourtant, de grands analystes ont fait part de fraude et d'absence de transparence dans les dernières élections législatives que l'Egypte a organisées ?

M. E. O.: Faux, les élections ont été libres et transparentes. Elles ont permis à des personnes qui ne font pas plaisir aux gouvernants, de siéger au parlement. El Sissi a respecté le verdict des urnes au nom de la démocratie. Ces dernières législatives ont été les élections les plus crédibles que l'Egypte n'ait jamais connues.

Q.O.: La conférence internationale d'Alger a abordé les défis de la diplomatie parlementaire. Mais la diplomatie arabe en général a-t-elle encore quelque chose à dire ou à faire au milieu de tout ce désastre dans lequel a été plongé le monde arabe ?

M. E. O.: Tout ce qui se passe dans les pays arabes a été récupéré par l'extérieur. Les évènements éclatent ici et là mais n'auront jamais de fin. Ne vous attendez pas à ce qu'il y ait des solutions en Irak, en Syrie ou en Libye? La récupération par l'étranger ne laissera pas faire, du moins pas comme on le pense et pas comme il se doit.

Q. O.: N'y a-t-il vraiment rien à faire pour sauver ce qu'il y a à sauver ? Est-ce que parce que les gouvernants arabes sont faibles que les choses sont aussi compliquées ?

M. E. O.: Bien sûr, c'est parce qu'on est faible que les choses se sont détériorées à ce point. Mais on reconnaît que les Etats arabes ont franchi un pas positif en créant une coalition militaire pour sortir le Yémen de son conflit.

Q.O.: Mais pourquoi ne le font-il pas pour la Syrie ?

M. E. O.: Toute intervention militaire doit être menée sur la base de calculs minutieux. Au Yémen, les choses sont claires, les antagonistes sont connus. Mais en Syrie, contre qui faut-il se battre et pour le compte de qui ? C'est un marécage. Il ne faut pas oublier qu'en Syrie, il y a l'Iran et le Hezbollah. Les Américains et les Russes s'entendent entre eux sur cette question, mais les Etats arabes sont en dehors.

Q.O.: Est-ce que tous ces conflits ne seraient-ils pas les conséquences directes du non règlement de la question palestinienne et du conflit israélo-arabe dans sa globalité ?

M. E. O.: Il est vrai que tous les problèmes que le monde arabe vit aujourd'hui se sont accumulés à partir de la défaite de juin 1967, s'en est suivi la guerre Irak-Koweït puis la déflagration de l'Irak par les Etats-Unis. Aujourd'hui, on est confronté à ce qui est appelé le terrorisme transnational. Ce terrorisme a été crée pour lénifier les valeurs des Etats arabes et de leurs armées. Il a fallu mettre quelques enfants dans des 4x4 pour semer le désastre et la désolation. Ceux qui pensent que le monde arabe revient à l'époque des accords de Sykes-Picot ont tort parce qu'aujourd'hui, nous sommes dans une phase pire que celle qui a été façonnée par ces accords.

Q. O.: Quel rôle peut jouer l'Egypte d'aujourd'hui pour le rétablissement de l'ordre dans la région ?

M. E. O.: L'Egypte comme pays a certes des problèmes mais l'Etat égyptien n'est pas tombé, il a son poids dans la région. Néanmoins, l'Etat se fixe en premier un objectif précis, lutter contre le terrorisme interne jusqu'à son éradication totale. Le Sinaï doit être nettoyé et sécurisé. Il faut que l'Egypte se remette d'aplomb parce que tout ce qui se produit chez elle entraîne inévitablement des conséquences sur l'ensemble du monde arabe.

Q. O.: Etes-vous sûr que l'Egypte puisse vaincre le terrorisme et serait ainsi l'exception qui confirmerait la règle puisque vous avez déclaré un peu avant qu'il n'y aura pas de solutions dans les pays qui ont été déstabilisés ?

M. E. O.: L'Egypte n'est pas la Syrie ni la Libye. Dans ce dernier pays par exemple, l'Etat n'existe pas, il a été vaincu. Il faut une stratégie pour lutter contre le terrorisme qui sévit en Libye à grande échelle mais personne n'est en mesure de le faire.

Q. O.: L'Egypte a demandé que le gouvernement libyen «légitime» soit armé par la communauté internationale pour qu'il puisse combattre les terroristes. Partagez-vous cet avis ?

M. E. O.: Je ne suis pas d'accord avec cette approche parce qu'on ne sait pas qui fait quoi en Libye. Les choses sont très compliquées.

Si je vous ai dit de ne pas vous attendre à ce qu'il y ait des solutions dans ces pays c'est parce que toute force qui a été créée ne disparaîtra pas. Elle restera là où elle a été créée. C'est le cas des Kurdes, de Daech. Remarquez que les Occidentaux changent de ton depuis quelques temps. Certains politiques européens parlent en effet du gouvernement libyen reconnu par la communauté internationale mais évoquent aussi d'autres forces ou entités en faction dans ce pays, ils veulent qu'ils discutent entre eux. Vous remarquez aussi que Daech a quelque peu diminué de sa violence pour montrer qu'il peut créer un Etat. Donc, les choses évoluent vers le maintien du paysage tel qu'il a été constitué ces dernières années.

Q. O.: Où placerez-vous l'Iran sur cet échiquier ?

M. E. O.: L'Iran se tient actuellement sur ses meilleures positions après qu'il ait bénéficié de la conclusion d'un bon accord sur le nucléaire. Tout l'Occident court après ce pays pour profiter de la manne d'argent qu'il va mettre sur la place pour reconstruire son économie. On peut remarquer aujourd'hui que dans toute la région, seuls l'Iran et Israël sont préservés contre le terrorisme. Les deux ont profité de cette situation de désastre qui sévit dans le monde arabe. Dans peu de temps, on va voir que l'Iran va concurrencer la Turquie qui, elle, va être fragilisée par les Kurdes et les migrants. Il va y avoir un conflit entre les deux pays.

Q.O.: Quel avenir alors pour le monde arabe ?

M. E. O.: Il faut qu'on construise un nouvel ordre arabe. Il se doit de le faire pour pouvoir exister.

Q.O.: En a-t-il les moyens et les capacités et que lui reste-il comme fondements pour pouvoir le faire ?

M. E. O.: Il faut absolument qu'il y ait une solidarité entre les Etats arabes. Je pense que le terrorisme pourra pousser le monde arabe à s'unir. Mais il faut que les Etats arabes, tout en luttant contre le terrorisme, reconstruisent leurs économies. Il faut qu'ils éliminent le gap qui les sépare économiquement et coopèrent entre eux. Il faut que les échanges entre eux soient fructifiés. Si on doit s'en sortir, on ne peut le faire qu'ensemble, unis et solidaires.



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