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LE FESTIVAL OFF DES FILMS ALGéRIENS (5/5)

par Tewfik Hakem

Ce soir s'achève la 69e édition du Festival de Cannes avec le Palmarès du jury présidé par George-Mad Max-Miller. Et si les Algériens raflaient tous les prix ? Chronique festivalière en forme de fièvre passagère avec les vrais pronostics de notre envoyé spécial dilués dans ce délire inédit.

Pour la cérémonie de clôture, le Festival de Cannes s'est payé le luxe de deux présentateurs de choix : Adila Bendimerad et Nabil Asli. La mise en scène de cette soirée retransmise par toutes les télévisions du monde a été confiée au réalisateur franco-algérien qui a électrisé la Croisette avec «Kindil Al Bahr». Un gros chèque aurait été proposé à Damien Ounouri pour le convaincre de cette tâche. Damien a confié qu'il n'a accepté ce cachet faramineux que pour renflouer les caisses de sa maison de production en vue d'attaquer son prochain long métrage, un film d'époque et en costumes qui retrace l'histoire de la dernière princesse d'Alger.

Quand le rideau s'est levé sur une musique de Safy Boutella jouée par la célèbre fanfare de Khemis Miliana, le public découvre, médusé, c'est le cas de le dire, un immense aquarium avec Adila Bendimerad qui nage dedans. Habillé tout simplement en bleu de Shanghai d'Alger, Nabil Asli entonne la chanson «Bahr Ettofane» en japonais sous les applaudissements nourris du public conquis et les yeux enamourés de Kristen Stewart venue en hidjab orange. La veille, la star américaine avait rencontré Nabil Asli à la Fête de la Quinzaine des Réalisateurs sponsorisée par Djezzy et ce fut le coup de foudre. Le lendemain matin, elle déclarait au Hollywood Reporter qu'elle devrait être «bi idn ellah» la 3e épouse de la star algérienne en Shanghai. Dans cette interview, Kristen Stewart a fustigé au passage l'échotière Hind O qui avait osé écrire dans son journal de commères que la star américaine avait exigé pour sa dot une participation conséquente au célèbre night-show du Ramadhan «Kahwet el gosto».

Le prix de l'interprétation masculine a été attribué à Imad Benchenni, pour son rôle dans «Juste la fin du monde» de Xavier Dolan. Imad n'a pas pu recevoir le prix car la veille, il a été arrêté injustement, juste pour avoir tenté de voler le sac d'une vieille dame. C'est donc sa mère qui a plongé dans l'aquarium où Adila lui a remis le prix. Visiblement émue, Mme Benchenni a félicité le jury et a appelé les autorités algériennes à délivrer plus de visas aux Européens, ce qui lui a valu une standing ovation.

Pour le prix d'interprétation féminine, c'est Rym Takoucht, à l'unanimité du jury, précisa George Miller, qui décroche la distinction pour son rôle dans «Aquarius» du Brésilien Kleber Mendonça Filho. La comédienne kabyle est absolument sublime dans le rôle d'une journaliste retraitée de Recife en lutte contre un projet immobilier qui veut raser sa maison et son passé. Une charge contre l'ultralibéralisme qui fait des ravages dans ce pays «pauvre mais ô combien attachant», déclara sobrement et en langue berbère la comédienne. Rym Takoucht en a profité pour dénoncer le coup d'Etat institutionnel contre Hlima Youssef : «La corruption ne devrait pas être une raison pour discriminer les gens», a-t-elle dit en rendant hommage à Chakib Khelil qui faisait partie de la zawiya américaine présente au Marché du Film. Ensuite, il y a eu comme un couac. Au lieu d'embrasser la lauréate, Nabil Asli se déshabilla pour plonger dans l'aquarium et rouler une pelle aquatique à Adila Bendimerad, sans doute une manière de faire la publicité à «Kindil Al Bahr», ce qui a mis en rogne l'actrice Rym Takoucht qui enleva à son tour sa robe kabyle pour rejoindre dans l'eau Adila Bendimrad et régler quelques vieux comptes avec elle, en lui fracassant le crâne avec son trophée pour commencer. Pensant qu'il s'agissait d'un numéro de catch women aquatique orchestré par Damien Ounouri, le public de pingouins a longuement ovationné ce numéro spectaculaire.

Pour le prix du Jury, c'est Bachir Deraïs qui a été couronné. Il n'avait certes aucun film à montrer cette année, mais c'est cela qui a plu justement au jury qui a tenu à féliciter le lauréat dans sa démarche de s'abstenir de faire des navets. Flatté, Bachir Deraïs a eu des mots très durs contre les responsables cinéma du ministère de la Culture : «Je suis aussi incompétent qu'eux, alors pourquoi refusent-ils de me financer les films ?». Après ce moment fort en intensité, l'interlude musical imaginé par Damien Ounouri a détendu l'atmosphère. Accompagné par les musiciens d'Al Bahara reconstitué pour l'occasion, Abdou Deriassa a entonné dans une étrange version techno-progressive l'ancien hit de son père «Al 3ouwama». Mis à part Hind O qui y voyait encore publicité cachée pour «Kindil Al Bahr», tout le monde a apprécié la prestation.

Le prix de la mise en scène est allé à Ahmed Rachedi pour «Ma'Rosa» (voir notre édition d'hier). On a frôlé l'incident diplomatique quand Rachedi a demandé à la France des excuses pour ne pas avoir sélectionné ses autres films à Cannes. Mais le «Soussem» ordonné par Adila Bendimerad a été entendu par Ahmed Rachedi qui a appelé par ailleurs tous les corrompus d'Algérie à faire, comme lui, preuve d'un peu d'humanité à la veille du mois osseux et sacré du Ramadhan.

Soudain, l'eau de l'aquarium devient mauve et le public a tout de suite cru que c'était en hommage à Prince. Mais c'est Mami qui apparaît sur scène pour chanter «Purple raï». L'ex-prince du raï du bagne a fait un court speech pour dénoncer les scélérats qui violent les filles sans utiliser de préservatifs. Mais quand Nabil Asli demanda à Mami d'ôter son masque de monstre des mers pour saluer le public, celui-ci a très mal pris la remarque : «Je n'ai pas de masque connard». Ambiance, ambiance... et tonnerre d'applaudissements du public, épaté par les rebondissements spectaculaires de la mise en scène audacieuse...

Le Grand Prix de la 69e édition de Cannes est allé à Rachid Belhadj pour son film «Sierranevada», une belle radiographie humaine, sociale et politique à travers le prisme d'un huis clos familial. Sur scène, après avoir félicité le jury, Rachid Belhadj a rappelé que son film a fait l'objet d'une tentative de vol de la part d'un réalisateur roumain. «Quand Kamel Daoud dit que tous les Roumains sont des voleurs, il faut savoir l'écouter», a-t-il balancé sous les applaudissements de tout le monde à l'exception notable de Chawki Amari qui faisait la gueule comme d'habitude, persuadé que l'Amérique et l'Otan étaient les vrais orchestrateurs de cette cérémonie vicieuse confiée à un énigmatique réalisateur franco-annabi.

Quand est arrivé le moment clé de la soirée, la remise de la Palme d'or, Nabil Asli exhiba une hache ayant appartenu à Hassan Hattab et fracassa l'aquarium tel un gladiateur en colère, l'eau inonda la salle du Palais du Festival, et le public ravi était invité à nager avec Adila Bendimerad et les membres du jury. Sauf Hind O qui ne savait pas barboter dans l'eau et qui a critiqué une dernière fois avant de se noyer une énième promo déguisée pour «Kindil Al Bahr». Arrivant sur une felouque déglinguée absolument vintage affrétée par le ministère algérien de la Pêche et des Abricots, Djamila Sahraoui est venue prendre sa Palme d'or méritée pour son magnifique «Toni Erdmann», autre charge contre l'ultralibéralisme, réalisée avec brio. Djamila Sahraoui créa un événement inédit en Algérie mais assez fréquent à Cannes en allant rouler une pelle à la très consentante Adila Benimerad. «On est à Cannes, non ?», a-t-elle fait remarquer face à la caméra aquatique de Chourouk TV, avec son accent chaoui de Paris. C'était le final majestueux de la cérémonie de clôture la plus originale jamais réalisée par le Festival de Cannes. A l'issue de cette mémorable fête, le président-sultan algérien, fier des prix obtenus par ses sujets, les a tous invités à venir faire un jogging avec lui dès leur retour au pays. Le même Damien Ounouri a été sélectionné pour réaliser pour le JT de 20h, un compte-rendu du jogging avec le président-sultan et l'ensemble des lauréats. Une fois de plus, Damien Ounouri a exigé un budget faramineux pour disposer d'effets spéciaux colossaux «nécessaires et peut-être pas assez suffisants», dit-il pour rendre «la chose un tant soit peu crédible».

# Alaâ Mentag.



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