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69E FESTIVAL DE CANNES : Les Arabesques de la Croisette

par Notre Envoyé Spécial À Cannes : Tewfik Hakem

Tous les Arabes du monde se retrouvent à Cannes. Excellente occasion pour se poser la question qui turlupine : qu'est-ce qu'être Arabe aujourd'hui ?

On peut imaginer à Cannes cette scène : Un Emir du Golfe quitte son Yacht pour aller diner dans un Palace de la Croisette, le Marti nez par exemple. Son secrétaire libanais l'accompagne, ainsi que son garde du corps palestinien et son chauffeur beur. Ensuite, si son factotum égyptien a bien fait son travail, l'Emir devrait rentrer en compagnie d'une grosse tunisienne ou d'un jeune marocain. Sinon il ira flamber son argent au casino où il rencontrera à coup sûr quelques amis saoudiens. En sortant du Casino, comme d'habitude il donnera un bon pourboire au vigile algérien. On peut voir ce genre de scène et rencontrer toute sorte d'Arabes à Cannes. Autant dire qu'on a l'embarras choix. Mais les plus embarrassés doivent être les forces de sécurité qui ont déployé des " mesures draconiennes " pour assurer, sous Etat d'urgence, le bon déroulement du Festival de Cannes. Bon courage à eux (voir encadré). En plus des Arabes habituels de la Croisette, il ne faut pas oublier, les occasionnels, les festivaliers... Journalistes, producteurs, réalisateurs, comédiens arabes venus du monde entier pour voir et se faire voir à Cannes.

Sur les écrans, c'est la même chose, on peut voir des Arabes de toutes les couleurs si on n'a que ça à faire. Justement cette année c'est la mission principale de l'envoyé spécial du Quotidien d'Oran à Cannes. Il n'a que ça à faire, regarder ces films-là précisément, rencontrer ceux qui les produisent, les réalisent ou les portent, pour tenter de répondre à la question socio-politico-philosophique du 69 ème Festival de Cannes: qu'est-ce qu'être Arabe aujourd'hui. Rien que ça.

Mais est-ce qu'il y a des films arabes à Cannes cette année ? Pas tant que ça, presque rien. Deux nouveaux courts, et un long métrage sur des centaines de nouveaux films qui vont être projetés, toutes sélections confondues, pendant 12 jours.

Houda Ibrahim, l'influente critique de cinéma libanaise qui travaille pour les médias arabophones de France (AFP, RMC Dawalia) et le site arabophone de référence " Cinématographe ", a titré triomphalement " Dix films Arabes à Cannes " pour annoncer le programme de cette 69ème édition. Comment a-t-elle fait pour arriver à ce chiffre rond ? C'est simple, elle considère que tous les réalisateurs avec un nom à consonance arabe sont des Arabes. Qu'ils soient nés ou pas dans un pays arabe, qu'ils y vivent ou pas, qu'ils parlent la langue ou pas. L'Egyptien musulman du Caire comme le beur athée de Marseille, la palestinienne chrétienne de Nazareth comme la berbère mauresque de Tlemcen. Par ailleurs, long-métrage, court-métrage, pour elle c'est kif kif. Et si Houda Ibrahim avait doublement raison ?

Quelles images arabes nous réserve ce Cannes 69, diasporas et fils d'immigrés compris ? A feuilleter le programme on peut de se faire une petite idée.... à affiner ensuite au fil des 11 jours restants de Festival...

Ce soir " Un Certain Regard " s'ouvre avec un film égyptien, en fait le seul long-métrage arabe tourné dans un pays arabe avec un financement arabe. Il s'agit de " Ishtibak " de Mohamed Diab. Ce cairote s'était déjà fait remarquer avec son premier film " Les Femmes du bus 678 ". Il reprend presque la même recette dans son nouveau film, cette fois au lieu du bus, on sera dans un panier à salade ou un fourgon de flic : l'histoire se déroule au Caire en 2013, deux après la révolution de la place Tahrir et au lendemain de la destitution du président islamiste Mohamed Morsi, un jour de violentes émeutes. Des dizaines de manifestatnts aux convictions politiques et religieuses différentes sont embarqués dans un fourgon de police. Sauront-ils surmonter leurs différences pour s'en sortir. Le synopsis donne envie et pas à la fois. Certes, il est bon de se poser la question de savoir pourquoi face à un pouvoir dictatorial, la société civile Arabe n'arrive pas à trouver un moyen de s'organiser pour faire émerger une alternative démocratique qui accepte et respecte les différences idéologiques et autres. Mais ce huit-clos mobile qui s'annonce risque de nous étouffer comme lorsqu'on était dans le bus avec les femmes égyptiennes du précédent film. Verdict samedi.

Les enfants des Quartiers Nord de Marseille sont-ils des Arabes ? Oui répondent la plupart des leurs compatriotes français, certains en se bouchant le nez, surtout pas répondent leurs lointain cousins des pays Maghrébins. Le franco-tunisien Karim Dridi nous propose dans dernier opus " Chouf " de regarder cette population autrement. De même Rachid Djaïdani embarque son héros rappeur et kabyle de banlieue dans un " Tour de France " en compagnie du gros Gérard Depardieu campant le rôle d'un autre exclu de la société contemporaine française, le prolo qui vote Front National. La version féminine, moderne et française de " Do the Right Thing " de Spike Lee est annoncée par un buzz fait de " Wesh-Wesh, c'est de la balle ". Intitulé " Divines ", le premier long-métrage de Houda Benyamina évoque lui aussi les pauvres français d'origine arabe ou africaine.

Dans " Oumour Shakhsiya " de la palestinienne avec passeport israélien Maha Haj, on suit une famille palestinienne éclatée entre l'intérieur et l'extérieur. Un vieux couple vit à Nazareth et se fait des soucis sur le fils toujours pas marié qui vit à Ramallah de l'autre côté de la frontière, alors que son aîné exilé en Suède rêve de faire venir toute famille.

Il y a par ailleurs trois films libanais, trois cinéastes à découvrir : " TRAMONTANE " de Vatche Boulghourjian à la Semaine de la Critique, " SUBMARINE " Mounia Akl à la Cinéfondation, et " TOMBÉ DU CIEL " Wissam Charaf à l'ACID. On ne loupera pas le court-métrage tunisien " La Laine sur le dos " de Lotfi Achour en compétition officielle, et le pas si court algérien, " Kindil Al Bahr " de Damien Ounouri et avec Adila Bendimerad et Nabil Asli sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs. Enfin, même mort Youssef Chahine n'a pas fini de nous guider pour savoir qui nous sommes et où nous allons. Son film " Adieu Bonaparte " que projettera Cannes Classics en version restaurée est l'un des phares qui vont éclairer notre programme de recherche à Cannes . Etre Arabe aujourd'hui, d'Alger à Cologne et de Nazareth à Marseille. La question est essentielle, la réponse ne peut-être essentialiste.



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