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Frontières est, le danger des djihadistes tunisiens

par Moncef Wafi

En mai 2012, le ministre algérien de l'Intérieur, Daho Ould Kablia ne pensait pas si bien dire en affirmant que «ce sont plutôt les groupes terroristes qui se trouvent à l'extérieur de nos frontières qui auraient pu nous inquiéter» même s'il faisait allusion, à l'époque de sa déclaration, aux bandes armées qui activent le long des frontières avec la Libye, le Mali ou encore le Niger, s'appuyant sur les conditions d'insécurité qui caractérisent ces pays et profitant des conflits qui s'y déroulent. Le temps lui a donné raison avec l'attaque du commando islamiste du site gazier de Tiguentourine. Mais un autre péril se profile aux frontières est du pays avec la présence de groupes djihadistes tunisiens, composés d'Algériens et de locaux, qui se sont positionnés dans le djebel Chambi, une région montagneuse au centre-ouest limitrophe de l'Algérie. Officiellement, les forces tunisiennes poursuivent deux groupes «terroristes», d'une dizaine d'individus chacun, à la frontière algérienne, l'un près de Kasserine, à une cinquantaine de kilomètres de la frontière algérienne, l'autre dans les environs de la ville du Kef. Si les informations sécuritaires se veulent rassurantes du côté de Tunis, le colonel Mokhtar Ben Naceur, représentant le ministère tunisien de la Défense, a déclaré que «la situation est sous contrôle», la présence de groupes terroristes à la frontière est a de quoi nourrir les plus vives inquiétudes à Alger. En effet, depuis plusieurs mois déjà, des incidents ont été signalés dans la région où des djihadistes se seraient installés. Le gouvernement tunisien se voulait rassurant, affirmait alors qu'«il n'y a pas de camps d'entraînement en Tunisie, mais quelques individus qui se sont réfugiés dans les montagnes». Le dossier de la sécurité des frontières a été, ces derniers temps, au cœur des discussions sécuritaires entre les pays du Maghreb et la dernière réunion des ministres maghrébins de l'Intérieur, à Rabat, a été dédiée exclusivement à ces questions qui préoccupent la région. Même si un travail est fait avec les Libyens et les Tunisiens pour une meilleure gestion de la sécurité aux frontières, selon Mourad Medelci, notre ministre des Affaires étrangères, il n'en demeure pas moins qu'un doute puisse subsister quant à la capacité opérationnelle des forces sécuritaires tunisiennes de faire face à des organisations salafistes djihadistes locales, telle Ansar Al-Charia dirigée par Abou Ayad, recherché par la police depuis l'attaque de l'ambassade américaine à Tunis en septembre 2012, qui, apparemment, ont décidé de se «sédentariser» alors qu'ils avaient toujours affirmé que la Tunisie n'était pas une «terre de djihad». Ce changement de stratégie guerrière se précise avec la présence de mines pour sécuriser le djebel Chambi. En février 2012, à Bir Ali Ben Khlifa, dans la région de Sfax, des accrochages meurtriers avaient déjà opposé un commando armé à des militaires et l'enquête a confirmé des relations avec des groupes proches d'Al-Qaïda en Libye et soupçonne des liens avec les membres d'Al-Qaïda en Algérie. Une présence accrue des djihadistes tunisiens aux frontières algériennes peut à la longue entraîner une interconnexion entre les nébuleuses terroristes des deux pays si ce n'est déjà fait.



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