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Evaluation ou mesure des ressources humaines dans l'entreprise: Qu'en est-il de l'entreprise algérienne ?

par Kamila Berrayah*

Le passage d'une économie traditionnelle où l'entreprise est considérée comme une collection de ressources (matérielles, financières et humaines) à combiner vers une économie basée sur le savoir où l'enjeu capital de réussite économique des entreprises se fonde essentiellement sur l'innovation, la compétence et l'intelligence de l'homme, devient de plus en plus basé sur le facteur humain.

En effet, le facteur humain devient dans les économies modernes, le déterminant principal de performance et donc de la survie de l'entreprise. Par conséquent, la recherche en économie et essentiellement en management s'est focalisée sur la place qu'occupe ce facteur dans la performance de l'entreprise. Globalement, les théories s'accordent pour dire que le facteur humain d'une organisation est lui-même un ensemble de ressources (savoirs, habiletés, compétences, etc.), qui constitue le capital humain dont dépend l'organisation. De ce fait, la performance de l'entreprise est liée à la valeur de son capital humain. L'entreprise ne vaut que par la valeur du capital humain dont elle dispose. Autrement dit, les entreprises se différencient par la valeur de leur capital humain.

Il est clair que nos entreprises souffrent de défaillance dans la gestion, cependant les solutions sont généralement vues dans l'optique d'un agencement physique des facteurs humains, matériels et financiers.       Cette manière de voir que nous considérons comme ingénieriste met sur le même pied d'égalité l'humain, le matériel et le financier.

Rares sont les entreprises algériennes qui se plaignent de la nature du facteur humain. La presse nous rapporte quotidiennement des responsables d'entreprises se plaindre d'un manque de moyens financiers et matériels. Alors qu'en même temps, ailleurs, beaucoup d'entreprises ont émergé et sont devenues mondialement connues (Google, Microsoft,?)

Une bonne gestion du capital humain fait accroître sa valeur et la valeur de l'organisation alors qu'au contraire, une mauvaise gestion, voire une absence de gestion contribue à en décroître la valeur. De ce fait, la première question qui se pose : en quoi consiste cette bonne gestion qui permet d'accroître la valeur du capital humain dans l'entreprise ?

Aujourd'hui, dans un contexte de concurrence accrue et de transformations des organisations et des technologies, l'employeur n'a plus intérêt à verser un salaire fixe en échange du droit de décider du contenu du travail. Il doit mobiliser le travailleur autour des objectifs de l'entreprise en laissant à sa disposition le choix d'une méthode de travail et lui faire partager les risques encourus en indexant sa rémunération sur des indicateurs de performance individuelle ou collective (Patricia et al, 2004). L'autonomie des salariés est formalisée comme une absence de contrôle sur l'usage que le salarié fait de son temps de travail, celui-ci pouvant vaquer à des occupations personnelles sans être pénalisé (Patricia et al, 2004). L'important est de faire du salarié un agent financièrement responsable de sa performance.

Tout cela fait que la fonction ressources humaines n'a pas d'autres choix que de changer, elle a besoin d'adopter des méthodes plus appropriées, afin de permettre aux compétences d'émerger. De ce fait, le capital humain qui paraît un facteur qualitatif est devenu quantifiable.

Quantifier le facteur humain, sans pour autant le déshumaniser. Comme le dit Geneviève Barette (spécialiste dans l'intelligence, la stratégie et la performance RH au Canada) : « On peut très bien être centré sur les gens et utiliser les données pour mieux les comprendre ». Donc l'analytique des ressources humaines permet à l'entreprise de mieux comprendre sa main-d'œuvre et ainsi elle offre un avantage compétitif et accroît la performance de l'entreprise.

Alors, c'est quoi la quantification des ressources humaines ?

A l'inverse des autres fonctions de l'entreprise, la GRH en Algérie reste très peu soumise à la quantification. On y décèle des chiffres relatifs à l'absentéisme, aux retards, mais jamais à la satisfaction des salariés, au climat de travail?etc.

Bref, poser les questions, comprendre les données, créer les indicateurs résumant les données, analyser les indicateurs pour évaluer les tendances, dégager des pistes de solution et enfin passer à l'action.

Pour les employeurs, les principaux aspects qui sont facilement mesurables sont la sélection, le recrutement, la formation, le roulement du personnel, l'absentéisme, les accidents de travail?, etc. La fonction GRH est carrément marginalisée, elle est souvent perçue comme une mission de contrôle et de suivi de la présence des employés. Il s'agit de faire régner l'ordre et la discipline.

La complexité réside dans les aspects moins soumis à la quantification mais qui sont essentiels dans le processus décisionnel. Ici, il s'agit du comportement des employés, de leur satisfaction, de leur degré de mobilisation et de leur développement au sein de l'organisation.

Les dirigeants vont alors comprendre et utiliser l'analyse détaillée de ces processus qui permettra non seulement d'améliorer leurs façons de faire, mais de collecter une multitude d'informations pour devenir « orientée donnée ».C'est-à-dire prendre les décisions adéquates en fonction de l'ensemble des données analysées.

Malgré la lenteur de la mise en place de ce processus, nous pensons que l'expérience des entreprises canadiennes peut être pédagogique.

Même si au Canada, ce n'est pas toutes les entreprises qui ont adopté cette pratique, beaucoup d'entre elles sont en progression dans ce sens.        Les observateurs de l'expérience canadienne remarquent que celles qui ont utilisé ces méthodes de quantification réussissent mieux que les autres. Un rapport récent de l'entreprise IBM nous fait savoir que le nombre de dirigeants qui utilisent cette analyse pour prendre les décisions avait augmenté de près de 40 % sur deux ans.

Cette analyse qui se solde par une mesure ne doit pas servir qu'aux responsables des ressources humaines, elle doit être démocratisée à tous les niveaux de l'organisation.

La gestion des ressources humaines, aujourd'hui, apparaît comme une réponse aux exigences de notre période qui succède aux Trente Glorieuses (période qui s'est étalée de la 2ème Guerre mondiale jusqu'à la fin des années 70). Le modèle taylorien de cette période, sur lequel est bâti le management, ne permet plus d'assurer qualité, innovation et variété. L'ouvrier d'aujourd'hui est considéré comme porteur de compétences qui lui permettent de contrôler des processus de production largement automatisés et ainsi de s'adapter aux événements, qui peuvent être imprévisibles, c'est-à-dire réagir à des aléas (pannes, défauts?, etc.).

La manière de travailler n'est plus la même.

En Algérie, le retrait de l'Etat avec une volonté affirmée de privatisation de pans entiers du secteur public économique, s'est soldé par une large compression d'effectifs. La gestion des ressources humaines doit accorder un intérêt particulier à la détermination d'effectifs normatifs et à un suivi pointilleux de la gestion maîtrisée des salaires. L'ouverture de l'économie algérienne au marché, exige de l'entreprise qu'elle soit compétitive tant sur le plan interne que sur les marchés mondiaux.

La focalisation sur ces deux éléments, impose une nouvelle posture de la gestion des ressources humaines : productivité, flexibilité et rentabilité deviennent les mots-clés de cette nouvelle posture.

Cependant, il faut souligner que les bonnes pratiques de l'approche universaliste agissent significativement sur la performance de l'entreprise indépendamment du contexte (Frimouse). Cette vision est contestée. Vouloir exporter des pratiques dites universelles sans tenir comptes des spécificités culturelles est source d'échec. L'entreprise est aussi le lieu de conjonctions culturelles qui peuvent être hétérogènes. La GRH doit construire des convergences par les consensus (Duport et Janicot, 2010).

La société algérienne caractérisée par des liens archaïques (famille, clan, tribu?) met en œuvre un management de type autoritaire.           Dans les pays en développement (Shamba et Livian, 2014) où la distance hiérarchique est grande, les subordonnés tendent à privilégier l'autoritarisme. La technique de commandement la plus efficace en serait une technique inconnue des manuels de management qui consiste, pour le chef, à se comporter tel un « autocrate éclairé ».

Il réinstalle au sein de l'entreprise des rapports hiérarchiques fondés sur le respect des personnes âgées, l'esprit de solidarité?etc. Le comportement au travail qui en découle serait enclin vers un manque d'initiative qui favorise l'autoritarisme.

La fonction ressources humaines en Algérie s'attelle à un management du changement. Cette fonction reste en continuelle adaptation aux sollicitations nouvelles que le marché exige.

*Université de Tlemcen

Notes

Crifo P. et al., « Pourquoi les entreprises évaluent-elles individuellement leurs salariés ? », Economie & prévision, 2004/3 n° 164-165, p. 27-55.

Duport M. et Janicot L., « Diversité culturelle et Idéologie managériale

Le cas des entreprises multinationales en Chine », Humanisme et Entreprise 2010/5, n° 300)

Frimousse S., « Evolution de la fonction Ressources Humaines, apprentissage stratégique et internationalisation des firmes ».

Mezian M., « Evolution de la fonction ressources humaines en Algérie», (ALGRH-Algérie), 2005.

Shamba P.B., Livian Y.F., « Le management africain introuvable : pour une approche de l'hybridité segmentée ». 4ème Conférence ATLAS AFMI, Mai 2014, Marseille, France.



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