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La «ataba», un autre virus pour l'ecole ?

par Saad Moumen

Sommes-nous en train de vivre et subir la fatalité du phénomène «médiocrité» dans tous les domaines : de l'imitation de nos sous habits et vêtements, de tous nos appareils, de notre mode de vie? et jusqu'à notre éducation et notre enseignement ?

En effet, chacun de nous sait que de façon récurrente depuis 2008, nos lycéens téméraires ou (éhontés) s'invitent à la grève en prenant le relais de leurs enseignants pour allonger le nombre des heures de cours perdues. Sans justifier leur comportement, on doit les comprendre. Ils sont à l'âge où ils ont besoin d'être écoutés et surtout d'écouter. Cette soif de communiquer est caractéristique de cet âge. Elle a aussi comme vertu d'évacuer, tout au moins, d'atténuer l'angoisse qui les tenaille face à l'échéance du baccalauréat. Tant que ces manifestations émanent de leur propre-chef, de façon spontanée, leur expression révèle un signe de prise de conscience de la part de notre progéniture. Donc, avec en toile de fond les dégâts occasionnés par la grève de leurs enseignants, ils se sont exprimés et ont lancé leur message. Ils ont été entendus, et la réponse à leurs doléances a été à la hauteur de leurs espoirs. Malgré des dérapages condamnables, ils auront à terminer l'année scolaire dans la sérénité et la concentration nécessaires à une bonne préparation aux examens officiels.

Cependant, en faisant preuve de discernement et en tirant les leçons de ce cycle infernal qui joue, selon une expression si chère aux Indiens à «la danse du scalp» (celui de l'élève évidemment), l'on peut dire que la crédibilité de notre enseignement, à tous les paliers, a été considérablement ébranlée. Effectivement, l'action combinée du couple «grèves et aâtaba (le seuil)» a des conséquences nocives, pas seulement pour l'élève mais aussi pour l'école algérienne car les critiques, positives pour certains et négatives pour d'autres, sur l'encyclopédisme ou enflure des programmes scolaires, tous cycles confondus, sont recevables à plus d'un titre. A-t-on tort ou raison ? Cette question, il faut bien la trancher un jour avec les vrais spécialistes, selon un programme opportun et dans des conditions sereines. Le plus commun des mortels sait que la précipitation est mauvaise conseillère, notamment sous la menace comme c'est le cas dans notre système éducatif atteint de «politisation».

Toutefois, en pédagogie scolaire, il y a un principe incontournable à respecter : celui du pré requis, véritable cahier des charges à assimiler par l'élève pour qu'il puisse accéder sans dommage au cycle supérieur. Il s'agit d'un volume de connaissances ou de compétences préétablies par la tutelle via la commission nationale des programmes. Il est normal que des pré-requis soient instaurés, question de bons sens. Par exemple, un élève qui n'a pas la maîtrise du graphisme de son nom à la fin de la 2ème AP année primaire ne pourra s'adapter que difficilement, ou pas, aux exigences de la 3ème AP. le constat est là : on le fait admettre en classe supérieure pour l'envoyer inévitablement dans les rets impitoyables de l'échec scolaire. Les exemples témoins quant à ce passage sont aussi variés que nombreux à travers tous les cycles de notre écoles et ce jusqu'à la fin du cursus universitaire en graduation, les professeurs actuels dans nos établissements vous l'avoueront: ils ne maîtrisent même pas les règles fondamentales d'une langue ou d'une autre filière. Ceci pour situer l'enjeu stratégique des pré-requis dans la matérialisation de tout contrat didactique ! Étant en fin de scolarité, cet enjeu vital est encore plus visible, plus crucial et décisif pour le candidat au baccalauréat.

C'est avec un baccalauréat amputé d'une grande partie des programmes que les bacheliers de 2008 (date de création de la fameuse «ataba») et des années suivantes ont accédé à l'université. Résultats des courses : l'université algérienne enregistre, depuis, des taux effarants de redoublements en première année. Munis d'un diplôme amoindri, les nouveaux étudiants ont eu les pires difficultés à suivre leur cursus universitaire, et ce dès la première année. La majorité écrasante redouble alors que certains décrochent complètement et quittent l'université pour incapacité à s'adapter aux exigences des études. Concernant les conditions d'encadrement d'une efficace préparation aux examens, et selon les vieilles mais efficaces traditions, rien ne vaut la bonne recette des révisions en groupe, avec ou sans l'aide de l'enseignant. La sagesse pédagogique a toujours prévalu : en cette période, le meilleur enseignant pour l'élève est un autre élève. A cet effet, il est urgent de réhabiliter ces travaux ou ces études en groupes après les heures de cours ou les jours de vacances et les week-end afin d'amener nos élèves à se prendre en charge eux- mêmes et à s'affranchir de cette habitude néfaste des cours payants. Une mauvaise habitude qui les contraint au statut d'éternels assistés, sans esprit de responsabilité, ni d'autonomie. Le business de certains nombreux de ces cours payants constitue une plaie non seulement pour nos enfants (tous cycles confondus) mais aussi pour l'avenir du pays. Des pratiques immorales qui font le lit de la corruption en habituant nos enfants à la toute puissance de l'argent impropre.

Enfin, il y a également les lycées désertés plus de trente jours avant la date de l'examen, sans avoir bouclé le programme. C'est là depuis plus de vingt ans, la triste réalité qui prévaut dans la majorité de nos lycées, et bientôt des collèges et écoles primai res. Inimaginable sous d'autres cieux ! En conclusion, les candidats au bac session 2014 auront eu plus de peur que de mal; cette grève des enseignants est de loin moins longue que celle des années précédentes qui dépassaient largement les 4 semaines, pour atteindre 8 et 10 semaines, mais elle n'est pas la dernière et les séquelles de la «ataba» ne disparaîtront pas aussi facilement comme elles étaient venues.



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