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Ouargla: qui manipule qui ?

par Kharroubi Habib

Des émeutes avec pour mobile déclencheur la protestation contre une liste de logements sociaux affichée par les autorités locales ont embrasé la ville de Ouargla et se sont soldées par des saccages d'édifices publics et des incendies de véhicules et autres biens publics et privés. Cette même ville a pourtant été le théâtre récemment d'imposantes manifestations elles aussi de protestation sur la tout aussi chaude question du chômage mais qui n'ont pas donné lieu à la violence et au vandalisme auxquels se sont adonnés les protestataires de la liste de logements.

La façon dont ils ont exprimé leur mécontentement n'est pas justifiable même si la cause de celui-ci est légitime. Par les actes répréhensibles qu'ils ont commis, les protestataires redonnent l'occasion aux pouvoirs publics de stigmatiser la protestation sociale en tous ses aspects comme étant l'œuvre de « forces et milieux » occultes acharnés à faire provoquer la déstabilisation du pays. Il faut être naïvement stupide pour ne pas comprendre que l'émeute violente et les dégâts matériels qu'elle occasionne sont pain bénit pour le pouvoir. Sachant que l'immense majorité de la population est contre de tels débordements, sa propagande a beau jeu de les présenter comme visant effectivement à la déstabilisation du pays et leurs auteurs « manipulés » pour cet objectif.

L'on ne peut exclure que dans les événements provoqués à Ouargla par l'affichage de la liste de logements, il y a eu opération de manipulation du mécontentement populaire. Mais en l'occurrence plus raisonnablement imputable à la sphère officielle qu'à des milieux d'opposition occultes. L'autorité publique qui a procédé à l'affichage de la liste contestée alors même que le front social dans la ville était déjà en ébullition entretenue par le mouvement des chômeurs avec à sa direction le CNDDC, ne pouvait ignorer que sa décision entraînerait colère et réactions de désespoir parmi les milliers de citoyens en attente de bénéficier d'un logement social et dont les noms n'ont pas figuré sur cette liste.

Le pouvoir n'a pas digéré que le mouvement des chômeurs à Ouargla et dans tout le sud du pays lui a infligé une leçon de civisme et de patriotisme alors qu'il avait bâti toute sa stratégie de dénigrement contre lui sur l'absence de ces deux vertus chez ceux qui en sont les animateurs. De là à ce que les officines manipulatrices du pouvoir s'avisent à exploiter la très sensible revendication du logement comme moyen de relance de l'agitation sociale mais pas dans les formes employées par le CNDDC, il est un pas absolument infranchissable. Des événements survenus à Ouargla en fera l'exploitation par laquelle le pouvoir tentera à nouveau de créditer que ce qui se passe dans le sud du pays procède d'un « complot » contre l'Algérie et le prétexte pour revenir à sa politique du « tout répressif » contre des protestations sociales à la légitimité desquelles il oppose le prétendu bilan hautement positif qu'il s'attribue dans le domaine social et sur les dossiers de l'emploi et du logement en particulier.