|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
Comme nous l'avons développé
dans la cinquième période (2001 - 2008) qui a donné l'époque d'aujourd'hui,
personne ne peut oublier, avons-nous écrit, la plus grave crise financière que
l'Occident a connue en 2008, depuis la crise économique de 1929. Comment cette
crise est-elle survenue ? (1) Il est évident, avons-nous répondu, que cette
crise n'est pas venue ex nihilo, qu'elle tire ses origines de ce qui a prévalu
les décennies passées depuis les crises monétaires et krachs pétroliers des
années 1970.
Ce n'est pas de l'Occident que la crise est venue quand bien même il a été le principal acteur, du moins comme on le constate dans les événements qui ont surgi dans les années 2001 à 2008. En réalité, c'est la force des événements qui ont entraîné l'Occident à devenir l'acteur principal, et la force des événements vient de la nouvelle architecture mondiale avec l'avènement d'une multitude de nations depuis le «vent de la décolonisation» qui comptent toutes dans le commerce mondial, et toutes ont besoin de capitaux que l'Occident émet quotidiennement pour irriguer l'économie mondiale. Plus complexe encore, les délocalisations massives d'entreprises économiques du Japon, d'Europe et des États-Unis qui se sont accélérées vers les grands pays émergents comme la Chine et l'Inde. Pourquoi les délocalisations massives d'entreprises occidentales vers ces nouveaux pays qui allaient devenir grâce à celles-ci des pays émergents ? Les pays occidentaux l'ont-ils voulu ? Ou étaient-ils forcés parce qu'ils n'avaient pas d'alternatives ? Cela va de soi, l'Occident n'aurait jamais accepté de se défaire d'une grande partie de son industrie vers ces pays s'il n'y avait pas eu des impondérables auxquels non seulement il n'y pouvait rien mais, dans un certain sens, c'est lui-même qui les avait provoqués. En clair, l'histoire économique du monde était ainsi tracée. 1. Les années 1970, une inflation inévitable du fait telle qu'a été la structure économique mondiale de l'époque Si on regarde l'histoire du monde comment elle s'est développée, on constate que tout dans son parcours a été rationnel. En effet, partis de la fin de la guerre mondiale en 1945 d'une situation de ruine, l'Europe et le Japon se sont rapidement reconstruits, et rapidement en rendant leurs monnaies convertibles dès 1958, se sont trouvés de redoutables concurrents à la première puissance économique du monde, à la fin des années 1960, jusqu'à remettre en cause la prééminence du dollar US. En 1971, les États-Unis furent obligés de suspendre la convertibilité du dollar en or, une suspension qui est devenue définitive puisque le stock d'or US avait atteint un niveau tel qu'il ne pouvait aller au-dessous. Ensuite sont survenues les crises pétrolières au cours des années 1970, les États-Unis avaient trouvé la parade pour passer les barrages que leur opposaient leurs alliés européens qui ne pouvaient accepter des dollars du seul usage de la «planche à billets» pour monétiser leurs déficits extérieurs qu'ils enregistraient avec l'Europe. Les pays d'Europe refusaient des dollars non adossés à des richesses, ce qui était légitime pour l'Europe, puisque cela se traduisait par une sortie de richesses produites par l'Europe en échange desquelles ils recevaient des dollars créés à partir de rien. Quels pays qui sont émetteurs de monnaies internationales au même titre que les États-Unis accepteraient d'échanger des richesses produites par leurs peuples pour recevoir des papiers monnaies dussent-ils venir de la première puissance du monde ? Il est évident «aucun» de ces pays. En revanche, les pays du reste du monde qui ne sont pas émetteurs de monnaies internationales et qui sont le plus grand nombre des nations sont dépendants de ces monnaies internationales. Par leur situation, les conflits qui opposent les grandes puissances monétaires ne les concernent pas puisque, au contraire, ils ont un besoin crucial de ces monnaies pour les besoins de leurs économies et surtout pour leurs échanges extérieurs. Précisément, les transactions pétrolières des pays arabes libellées en dollars et étendues aux autres pays de l'OPEP permettent aux États-Unis de répercuter leurs déficits commerciaux au reste du monde. Si pour les pays du reste du monde, les déficits américains constituent un moyen de doper leur commerce extérieur et donc d'exporter leurs produits, en particulier les matières premières, et par conséquent d'enregistrer des excédents commerciaux et donc d'accumuler des réserves de change, il en va autrement pour l'Europe qui est émettrice de monnaies internationales. Si l'Europe qui se voit obligée d'accepter des dollars US puisqu'elle doit les rechercher pour financer ses importations de pétrole et de gaz, il demeure qu'elle a le même statut que les États-Unis dans le sens qu'elle peut aussi répercuter ses déficits commerciaux dus à la hausse des prix du pétrole, sur le reste du monde. Au final, nous avons les États-Unis, les pays d'Europe et le Japon, tous trois qui détiennent des monnaies internationales qui répercutent leurs déficits sur le reste du monde. Si, sur le plan économique, les crises monétaires ont pu être dépassées entre les États-Unis et l'Europe, il faut dire que c'est grâce aux deux krachs pétroliers et à l'intrusion du reste du monde. C'est ce reste du monde, à son corps défendant, qui a départagé les grandes puissances dans leurs crises financières. Si le reste du monde était resté encore colonisé, et que ces crises monétaires seraient survenues entre les États-Unis et l'Europe, on aurait eu le même remake que dans les années 1920 avec la fin de la Première Guerre mondiale. Le monde serait parti pour une nouvelle crise du type 1929 et la dépression mondiale des années 1930. Donc le monde est un tout. Tout ce qui arrive n'arrive pas par hasard. Tout est causé par une cause. Les années 1970 ont pu ne pas se terminer par une crise mondiale grâce précisément aux nouveaux pays sortis de la décolonisation. Ce qui a été un jalon positif pour l'ensemble des pays du monde. Un seul inconvénient, c'est la forte inflation qui a été provoquée par les trois tenants de l'ordre économique, financier et monétaire du monde, que sont bien évidemment les États-Unis, l'Europe et le Japon. Une inflation en fin de compte inévitable du fait même de la structure économique mondiale. «Fait-elle partie des phénomènes métahistoriques dans le sens qu'elle était nécessaire par conséquent inévitable ?» Force de l'affirmer puisque le monde ne pouvait l'éviter, et l'inflation même si elle a constitué un mal, elle relevait d'abord de la structure du monde telle que celle-ci était à l'époque. En deuxième lieu, l'inflation a permis la poursuite de la croissance, évitant ce qui s'est passé en 1929, la crise financière historique et la grande dépression des années 1930, ce qui n'est pas du tout négligeable, lorsqu'on se rappelle les dizaines de millions d'emplois détruits, voire des centaines. Pour les seuls pays les États-Unis et l'Allemagne, plus de 15 millions de chômeurs pour le premier et 6 millions de chômeurs pour le second amenant Hitler au pouvoir. Ainsi, on voit bien que l'inflation des années 1970 est bien un très moindre mal, sauf qu'elle ne pouvait aller au-delà de ce qui lui a été permis, à voir la déperdition des avoirs du monde qu'elle avait provoquée, et par conséquent, se devait d'être jugulée. 2. Le quadruple sens historique de la crise d'endettement mondial dans la métahistoire Il est clair qu'une situation d'inflation qui allait progressivement détruire l'économie mondiale ne pouvait perdurer indéfiniment. Tout le monde perdait, la hausse des prix ne cessait de monter avec la spirale des émissions monétaires occidentales. Les États-Unis émettaient des dollars pour financer leurs déficits, à leur tour les pays d'Europe répondaient par des émissions monétaires. Personne ne pouvait arrêter cette spirale inflationniste, cet engrenage d'injections monétaires récurrentes qui s'est instauré entre les trois tenants de l'ordre monétaire mondial. Au point qu'un deuxième choc pétrolier en 1979 était nécessaire pour absorber les liquidités en fort surplus sur les marchés monétaires mondiaux. Et cette situation de déshérence sur le plan financier et monétaire faisait prendre conscience aux banquiers centraux américains et européens que le processus inflationniste dans le monde ne pouvait continuer. La création monétaire à partir de rien, ex nihilo, n'était plus viable, il fallait pour les États-Unis un réajustement de l'économie mondiale à des valeurs réelles, tangible en rapport avec les coûts véritables de la production. En clair, il fallait éliminer la forte inflation qui parasitait les échanges commerciaux internationaux, qui détruisait insidieusement les avoirs nationaux puisque les prix des biens et services en hausse ininterrompue, perdant tout repère sur leur valeur réelle. «Un bien qui coûte tant peut doubler en quatre ou cinq années. Un ménage qui a un avoir donné, par exemple dans une banque, et peut lui permettre d'acheter ou de construire une maison aujourd'hui, demain, avec la hausse des prix immobiliers due précisément à l'inflation, ce ménage ne pourrait plus acheter ou construire ce qu'il pouvait quelques années auparavant, puisque la valeur de son avoir a été divisée par deux ou par trois». Et c'est la raison pour laquelle la décennie 1970 va se terminer avec la hausse drastique des taux d'intérêt court américain. La banque centrale mène une politique monétaire nettement agressive. En augmentant drastiquement son taux directeur court, la banque centrale américaine n'avait pas le choix, il fallait ce qu'on peut dire tuer l'inflation dans l'œuf, c'est-à-dire avant que se produisent des dérapages inflationnistes encore plus grands. En faisant passer de 10% à 20% et en restreignant les émissions monétaires, la Fed provoque un gap du dollar dans le monde. Le dollar rare dans les marchés fait fortement déprécier les monnaies européennes. Les pays d'Europe, n'ayant plus le choix que de continuer à émettre des liquidités ex nihilo pour financer leurs déficits de leurs balances commerciales, dus principalement au triplement du prix du pétrole, à partir de 1979 (2ème choc pétrolier). Conséquence : les monnaies européennes vont fortement se déprécier entre 1979 et 1985. Le franc français passe de 4.037885 Fr pour un dollar en janvier 1980 à 10.111696 Fr/dollar US en mars 1985. Le deutschemark passe de 1.723970 DEM/dollar US en janvier 1980 à 3.308957 DM/USD en mars 1985. Évidemment, les pays du reste du monde qui sont le «maillon faible» de l'économie mondiale et qui sont fortement dépendants des émissions monétaires américaines, européennes et japonaises, vont se trouver gravement pénalisés par la hausse des taux d'intérêt américains et les restrictions des liquidités en dollars US. La hausse des taux d'intérêt qui s'est étendue à l'ensemble des places financières mondiales a provoqué un choc historique dans les économies des pays du reste du monde. Ces pays qui se sont endettés à faible taux d'intérêt, dans les années 1970, pour reconstruire leurs pays après la décolonisation et lancer de grands projets d'industrialisation, ont vu du jour au lendemain leur dette extérieure exploser. L'endettement absorbera pratiquement toutes leurs ressources financières, de nombreux pays se retrouveront en cessation de paiement. Ce sont des continents entiers, l'Afrique, l'Amérique du Sud et une partie de l'Asie qui sont frappés par la crise d'endettement. Leurs économies entrent durablement en récession. Mais ce qu'on pourrait dire est «que l'endettement a néanmoins un quadruple sens dans la métahistoire». Tout d'abord, l'endettement de ces continents sonnent le glas des certitudes de l'avenir de ces nouveaux pays, en particulier ceux qui sont sortis de la colonisation, dans le sens qu'il ne signifie pas seulement d'être indépendants, mais d'affronter la dure réalité de ce qui est d'être indépendants. La «crise d'endettement» dans les pays du reste du monde et la cohorte des «émeutes de la faim» qu'elle a provoquée et auxquelles s'ajoutent les graves crises politiques et sociales ne sont qu'un premier aspect de la situation de ces nouveaux depuis la décolonisation. Le deuxième aspect est la situation réelle de ces pays dans le jeu de puissance mondial. En effet, si un pays est indépendant mais ce pays n'arrive pas à s'assumer économiquement, il devient forcément un acteur passif dans le jeu de puissance et passible de tous les déboires possibles. Donc susceptible d'être gravement déstabilisé selon son appartenance géopolitique et quelle que soit celle-ci. La déstabilisation arrive rapidement et peut perdurer soit elle est différée, et ce en regard de leur faiblesse à la fois de leurs régimes politiques, le plus souvent des dictatures, et de leurs performances économiques. Le deuxième sens de la crise d'endettement est l'entrée du monde de l'islam dans le grand jeu géopolitique et géoéconomique. On ne peut pas dire que ce monde de l'islam post-colonisation n'avait pas ses prérequis historiques. D'abord l'avènement de l'Arabie saoudite en 1932, une monarchie islamique absolue. Ensuite, en 1948, la naissance de l'État d'Israël et les guerres israélo-arabes qui ont suivi. Et pour couronner le tout, l'entrée du pétrodollar dans les grands conflits qui allaient rebattre l'ordre bipolaire d'après-guerre. En janvier 1979, l'Iran devenu islamique venait de remplacer l'Égypte qui avait signé les accords de paix avec Israël en 1978. Et tous ces conflits avaient pour cause essentielle les grands gisements de pétrole découverts dans les années 1920-1930 et le pétrole qui va, avec le dollar en tant que libellé monétaire du pétrole-OPEP, devenir une arme redoutable pour les États-Unis et auxquels sont associés indirectement les autres pays occidentaux puisque dotés du droit de seigneuriage sur le monde. Le monde arabe va devenir alors une véritable poudrière tant les conflits du monde vont pratiquement tous se concentrer en son sein. 3. Perspective de la future architecture mondiale inscrite dans les forces métahistoriques ? Le troisième sens métahistorique de cet endettement est le progrès de la gouvernance politique en Amérique du Sud. Avec la crise d'endettement, les dictatures militaires sud-américaines, acculées, faute d'acheter la paix sociale - les caisses étaient vides, et la répression seule ne pouvait venir à bout des peuples touchés par la faim, le chômage de masse, la déperdition économique -, étaient rejetées par les peuples. Ces juntes militaires furent obligées de laisser place aux gouvernements civils, choisis démocratiquement, pour rehausser les économies nationales et répondre aux attentes de leurs peuples. Donc la crise d'endettement mondial des années 1980 a joué ce qu'ont joué les Deux Guerres mondiales pour l'indépendance de plus de 100 pays de la colonisation occidentale. Ce qui nous fait dire que tout événement majeur dans l'histoire joue pour le progrès du monde. Comme on le constate encore avec la chute du Mur de Berlin, en 1989, l'éclatement du bloc Est et la disparition de l'Union soviétique en décembre 1991. Le bloc bipolaire, frappé par l'endettement, n'était plus viable. S'il était nécessaire un temps de l'histoire parce qu'il constituait un contre-pouvoir au bloc occidental dominateur, le monde a ensuite avancé, le rapport des forces a changé. En conséquence, après avoir rempli son rôle historique, l'URSS devait laisser place à une nouvelle configuration mondiale. D'autre part, l'islamisme a joué, dans la guerre URSS - Afghanistan, aussi son rôle historique dans l'affaiblissement du meneur de jeu du bloc Est. Donc tout événement du monde joue pour «avancer» le monde. Souvent, l'homme ne perçoit pas cette avancée parce que simplement qu'en avançant, il ne prend pas conscience qu'il avance, qu'il progresse. Et c'est la raison pour laquelle il est fait appel au concept de «métahistoire». L'homme ne commande pas son histoire. Son histoire n'avance pas seule, son histoire est une histoire dans l'Histoire dont il ne sait rien ni ne sait où elle le mène. S'il est vivant et mouvant dans son histoire, l'Histoire de son histoire est encore plus vivante parce qu'elle le mène de progrès en progrès au fur et à mesure qu'il avance. Tout frein ou échec qu'il traverse, comme les crises économiques ou les guerres, ne sont en fait que des jalons nécessaires pour briser une situation ou des situations qui sont en fait attenantes les unes aux autres mais devenues négatives appellent à de situations nouvelles. Une situation historique qui est dépassée signifie qu'elle a terminé à son rôle historique, c'est-à-dire ce pourquoi elle a existé. Et c'est ainsi que l'histoire du monde va de situation en nouvelle situation, de structure en nouvelle structure, tel que le monde est agencé par le mouvement de la métahistoire. Le quatrième sens métahistorique concerne proprement dit l'Occident. Il est évident que si le reste du monde a été frappé par la crise d'endettement, le monde étant solidaire, une crise qui éclate dans un lieu du monde, par sa gravité ne pourrait qu'affecter d'autres lieux ou toutes les autres parties du monde. En effet, si un grand nombre de pays d'Afrique, d'Amérique du Sud et d'Asie sont insolvables, en cessation de paiement, et sont dépendants du FMI par le soutien financier qu'il leur apporte en échange de l'application de programmes d'ajustements respectifs, la décroissance de leurs économies qui comptent dans la demande mondiale va forcément influer négativement la demande mondiale. Ce qui entraîne une forte chute des exportations occidentales. Et une décélération économique pour l'Occident ne vient pas des seuls pays endettés, il faut prendre encore compte des tigres et dragons asiatiques du Sud-Est et Nord-Est asiatique qui, en redoutables concurrents, activent et gagnent une bonne part des marchés dans le commerce mondial. Par conséquent, en augmentant le taux d'intérêt dans la lutte contre l'inflation, l'Occident a produit ce qu'on peut appeler de «graves dommages collatéraux dans le monde» qui l'affecteront inévitablement. Mais le succès dans ce retournement des économies du reste du monde va donner des ailes aux décideurs occidentaux. Et de nouvelles doctrines, dans les années 1980, vont apparaître tels le thatchérisme et le reaganisme prônant la dérégulation financière. Dans cette phase nouvelle de croissance économique qui est anémique, l'Occident certes s'érigera sur le plan financier et monétaire pratiquement en maître du monde, mais ce statut n'est pas sans mal. En effet, une domination sans partage sur ce plan a aussi un revers de la médaille. Puisqu'il a créé un appauvrissement et une spirale d'endettement dans les pays du reste du monde qui vont se retrouver à exporter uniquement pour survivre avec un niveau de vie extrêmement faible, et qui a des retentissements graves sur la production et la consommation mondiale, c'est que c'était nécessaire puisqu'il fallait absolument juguler l'inflation mondiale à la fin des années 1970. Ceci, sur un plan, mais la crise d'endettement a eu un effet heureux dans les nouveaux développements du monde. Fin du bloc de l'Est, fin de l'Union soviétique, vent de démocratisation de l'Amérique du Sud. Force est de constater des buts dans les événements qui arrivent au monde. Cependant, l'Occident doit aussi subir un revers de la médaille. Puisque lui aussi est affecté par la crise d'endettement du reste du monde. Et il doit chercher des partenaires, or les pays du reste du monde qui continuent à produire lui imposent des joint-ventures. Et ces pays se comptent sur les doigts d'une main. Et la Chine, depuis qu'elle s'est convertie au socialisme de marché, en 1980, est parmi ces pays le premier partenaire de l'Occident. Avec son plus d'un milliard de Chinois, au coût très bas de la main-d'œuvre, un vaste marché intérieur et un marché extérieur pour l'export de biens finis, la Chine devient, dans les années 1980-1990, un «eldorado naturel de l'Occident». D'autant plus que les pays occidentaux n'ayant pas d'autres choix vu la contraction du marché mondial, et doivent s'implanter partout où il leur est possible, la Chine devient alors leur «partenaire privilégié». Les Occidentaux n'y voyant en la Chine qu'une nation très pauvre et point susceptible de les concurrencer demain. C'est ainsi que, pensant profiter des bénéfices dans la coentreprise avec la Chine, l'Occident délocalise massivement les entreprises qu'il juge non rentables ou qui sont fermées par manque de débouchés. Des entreprises occidentales sont même achetées et transférées en Chine. Une situation qui va propulser la Chine, en 2010, en deuxième puissance économique du monde. Soit en 30 années. Et la Chine n'est pas le seul pays d'accueil, d'autres pays sont devenus des nations émergentes, la Russie, l'Inde, le Brésil, l'Afrique du Sud, au point que ces pays ont conclu une alliance et créer le BRICS. Et le G20 a aussi été créé surplombant le G7. C'est dans cette nouvelle instance que les grandes puissances tentent de régler leurs différends économiques. 4. La perfectibilité du monde dans l'essence de la pensée, l'exemple du Hirak algérien La crise d'endettement des années 1980 apparaît non seulement un tournant métahistorique de l'économie mondiale et occidentale dans le sens qu'elle a posé les premières pierres dans l'édification de la future architecture géopolitique et géoéconomique mondiale. Ce qui signifie en clair que «ces événements qui relèvent de l'histoire de l'Histoire où l'homme ne peut rien sinon de suivre les forces telles qu'elles s'articulent dans le mouvement de son devenir». Et c'est cela qui est difficile à appréhender, et comme il n'y a pas de réponse, on la taxe de métaphysique sans que l'homme ne se pense qu'il n'est venu à l'existence qu'à partir d'une microscopique cellule germinale qui s'est développée puis est devenu homme. Comme l'écrit Alfred Adler : «Nous autres, psychologues individuels, nous nous sommes toujours préoccupés de transposer en mouvements ce que nous saisissons en tant que formes. Chacun sait que l'homme achevé naît d'une cellule germinale, mais il devrait comprendre aussi que cette cellule contient des fondements nécessaires au développement. Comment la vie a pu paraître sur cette terre est une question obscure, nous n'y trouverons peut-être jamais une réponse définitive». Sur le plan de la sociabilité, l'auteur écrit : «Le sentiment social signifie avant tout la tendance vers une forme de collectivité qu'il faut imaginer éternelle, comme elle pourrait à peu près être imaginée si l'humanité avait atteint le but de la perfection. Il ne s'agit jamais d'une collectivité ou d'une société actuelle, ou d'une forme politique ou religieuse ; le but qui se montrerait le plus apte à réaliser cette perfection, devrait être un but signifiant la collectivité idéale de toute l'humanité, ultime réalisation de l'évolution. On peut évidemment me demander d'où je tiens cela. Certes pas d'une expérience immédiate et je dois avouer qu'ont raison ceux qui trouvent dans la psychologie individuelle une part de métaphysique sujet de louanges pour les uns, de critiques pour les autres. Il y a malheureusement beaucoup de sujets qui ont une conception de la métaphysique et qui voudraient exclure de la vie de l'humanité tout ce qu'ils ne peuvent saisir immédiatement. Ce faisant, nous empêcherions la possibilité de développement de toute nouvelle idée. Car toute nouvelle idée se trouve au-delà de l'expérience immédiate. L'expérience immédiate ne nous donne jamais quelque chose de nouveau, ce nouveau nous étant fourni par l'idée qui résume les données de l'expérience et qui réunit ces faits. Que nous l'appelions spéculative ou transcendantale, il n'y a pas de science qui ne donne pas dans la métaphysique. Je ne vois pas de raison de se méfier de la métaphysique» (2). Ce que dit ici Alfred Adler est très clair, on peut cependant dire une vérité métaphysique sur qui tout être humain normal ne peut que convenir. Reprenons ce que l'auteur a dit : «L'expérience immédiate ne nous donne jamais quelque chose de nouveau, ce nouveau nous étant fourni par l'idée qui résume les données de l'expérience et qui réunit ces faits. Que nous l'appelions spéculative ou transcendantale, il n'y a pas de science qui ne donne pas dans la métaphysique». Donc tout ce que nous concevons de notre existence, «de l'idée qui résume les données de l'expérience et qui réunit les faits» provient de cette «essence en nous» et que nous nommons «pensée». Et qu'est-ce que la «pensée» en l'homme ? Ce pouvoir qui donne à l'homme la puissance d'être, de ce qu'il est dans son monde, dans son existence propre et avec ses semblables, c'est sa pensée sans laquelle il n'est rien, n'a aucune prise de son être et du monde. Précisément, dès lors que sa pensée qu'il pense et qui le fait penser, il n'en sait rien de son essence, et pourtant toute «invisible» qu'elle est, toute «impalpable» qu'elle est parce qu'elle n'est pas corps, elle est l'abstraction de l'abstraction, donc a un seul nom, un seul qualificatif, et cette pensée, que l'on sent en nous, est «métaphysique». Parce que on ne sait rien d'elle ni d'où elle vient, pour ceux qui croient, ils diront qu'elle vient de «Dieu». Et si la pensée est métaphysique, l'homme qu'il l'accepte ou non, et peu importe, est aussi «métaphysique» dans son essence. Sauf qu'il ne peut le concevoir ni se concevoir qu'il est, dans un certain sens, lui-même «métaphysique». Pour son histoire, sa destinée dont il ne sait rien, sa pensée qui est «métaphysique sait», et on peut dire qu'il existe en elle aussi une essence qui n'est pas visible mais «visible» par la pensée, par elle-même, et pour l'homme, elle lui explique après coup sa marche aussi bien dans son individualité que dans son histoire collective quelle que soit cette collectivité. En clair, il y a un sens à saisir dans l'essence de la pensée de l'homme, au sein de laquelle il y a ce «libre-arbitre» qui lui est donné, mais ce libre-arbitre se trouve aussi inséré dans un programme plus grand qui est celui du cosmos. Et tout dans le cosmos est ordonné, et la vie humaine et son évolution ne peuvent être qu'ordonnées. Le chaos fait aussi partie de l'ordre du monde, et tout a un sens dans l'univers. Prenons deux exemples très simples qui montrent l'inattendu historique apparaissant comme évènement anhistorique. Comme appréhender dans l'histoire d'Emmanuel Macron devenant à 39 ans président de la France ? Difficile de se représenter historiquement parlant d'un homme, qui était inconnu du public français trois années auparavant avant de devenir ministre de l'Economie en 2014, et s'est porté candidat à l'élection présidentielle française en 2017 et l'a remportée. Il est devenu président de la France en 2017. Même son parti «La République en marche» a été lancé une année auparavant. Cela tient du prodige ? Du miracle ? Emmanuel Macron savait-il qu'il allait devenir président à 39 ans et en brûlant tous les étapes imaginables ? Non, il ne savait pas à moins qu'il ait vu quelque chose dans ses rêves. Et les rêves prémonitoires existent et presque tout le monde en atteste de ce qu'ils peuvent signifier pour l'homme. Parce qu'en fait, qu'est-ce que le rêve si ce n'est cette pensée métaphysique qui peut parler à l'homme et lui «dire» ce qu'elle juge «nécessaire». Pour l'homme, c'est un prodige, c'est un miracle, pour l'Essence, c'est ce qui est contenu dans la pensée «métaphysique». Donc il y a un sens métahistorique dans l'avènement d'Emmanuel Macron en France. La France devait se régénérer, et c'est là le sens du choix de l'histoire dans l'histoire de la France. Un autre exemple, le «Hirak algérien». On peut dire que c'est un miracle, un prodige. Comment est-ce possible lorsque tout un peuple se réveille un jour, un 22 février historique 2019, contre l'oligarchie, contre le pouvoir financier, contre la dérive économique ? Peut-on expliquer cela par la psychologie ? Par la philosophie ? Par la science ? Le Hirak algérien est inexplicable par la science. Il est certes un miracle, un prodige mais ce miracle et ce prodige sont à attribuer à la pensée collective, à la pensée d'un peuple en qui l'essence aspirant à la perfectibilité de la nation est la même. Comme cela revient aussi au concours de circonstances et à la maturité de ce peuple. Comment expliquer que 10 vendredis consécutifs, ce peuple a battu le pavé et revendiqué ses acquis, ce pourquoi il est, sa nation, c'est de lui qu'émane tout le pouvoir national, c'est lui l'Algérie, c'est lui qui personnifie la nation. Et tout cela est inscrit dans l'essence de sa pensée. Un homme malade est touché dans son corps, et il veut guérir et doit tout faire pour guérir, parce que c'est inscrit à la fois dans les capacités de son corps pour guérir mais aussi dans les capacités de sa pensée pour qu'il trouve le moyen de se guérir puisque c'est une loi de l'existence et de l'espoir de survivre. De même un peuple, une nation qui est malade doit tout faire pour guérir. Si une nation est malade, elle ne l'est qu'un temps. Il viendra le réveil de lui-même et toutes les forces vives vont se réveiller. Et le tout est dans ce qui est programmé dans l'essence de la pensée de cette nation. Dès lors tout se simplifie, si ce peuple est prêt, sans se rendre compte, il se lève par des forces métahistoriques et, d'une même voix, il revendique ses droits et sa dignité. Même le pouvoir se retrouve devant une telle force à « remettre en question » ce qu'il croyait avoir de droit, alors qu'il n'avait de droit que ce qui était dans ce qui existait dans la pensée collective métahistorique, et celle-ci relève d'une essence pour qui toute chose qui vient n'est jamais pérenne, et la pérennité ne peut se trouver que dans la perfectibilité qui n'est jamais arrêtée. Et ce sont les forces métahistoriques dans l'histoire qui font évoluer les peuples. Rien ne vient de rien, tout a une cause, tout a un sens. Donc ce qui se passe en Algérie, c'est une naissance en gestation d'une nouvelle forme d'existence qui cherche à rompre avec les formes éculées du passé. Donc démocratie, ouverture d'esprit d'un peuple pour le progrès, l'instauration d'un Etat de droit, aspirer à un véritable développement ne sont en fait que ce que tout peuple aspire et espère sur terre. Donc on comprend que ce qui arrive à l'Algérie relève simplement d'un développement naturel de la nation, mais néanmoins inscrit dans la pensée «métaphysique» de tout un peuple. Et ce «Hirak algérien» aujourd'hui est en train de séduire le monde entier, par son pacifisme, par son civisme et surtout par cet aura «métaphysique» de cette même pensée qui unit les rangs du peuple algérien. Évidemment, le «Hirak algérien» est suivi par les puissances, et surtout par les autres peuples arabes. Il est très possible que, dans un futur proche, il se transmettra aux autres peuples, bien entendu, il faudra encore attendre les fruits auxquels arrivera cette pensée «métaphysique» qui ne peut qu'être porteuse pour la simple raison que les peuples arabes ont besoin de se réveiller. Jusqu'à quand continueront-ils à se déchirer ? Le chemin est encore long, mais le réveil a commencé. Et il a commencé par l'Algérie. *Chercheur spécialisé en Economie mondiale, Relations internationales et Prospective. Notes : 1. «Comment l'Occident en est arrivé à son «déclin économique naturel» ? Le piège de l'argent gratuit des Quantitative easing pour le monde», par Medjdoub Hamed. Le 18 avril 2019 https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/comment-l-occident-en-est-arrive-a-214406 2. «Le sens de la vie», par Alfred Adler (1933) Traduction de l'allemand par le Dr. H. Schaffer en 1950 |
|