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Une enquête internationale dévoile : Un wikileaks des paradis fiscaux
par Nathalie Auriol De L'afp
Une enquête journalistique mondiale a mis sur la place publique le nom de
personnalités apparemment liées à des sociétés off-shore dans des paradis
fiscaux, des révélations qui relancent la polémique sur l'évasion fiscale et
accentuent la pression sur le président français François Hollande dont un
proche est cité. Cette plongée dans le monde opaque des paradis fiscaux a été
rendue possible par les recherches de longue haleine faites par le Consortium
de journalistes d'investigation américains ICIJ, qui a fait appel à une
quarantaine d'organes de presse internationaux (Le Monde, le Guardian, la BBC,
le Washington Post, la Süddeutsche Zeitung...) pour l'aider à recouper les
informations. Il s'agit «sans doute de la plus grande collaboration
journalistique internationale de l'histoire», selon la petite ONG basée à
Washington. L'ICIJ a réussi à se procurer un disque dur contenant 2,5 millions
d'emails et des informations sur 122.000 sociétés off-shore et quelque 12.000
intermédiaires : mémos internes, copies de passeports, pièces comptables ou encore
documents officiels. Soit «le plus important stock d'informations venues de
l'intérieur sur le système des sociétés off-shore jamais obtenu par des
médias», commente le quotidien britannique Guardian. Ces informations
concernent principalement les Iles Vierges britanniques et représentent un
volume «160 fois supérieur aux informations confidentielles publiées par
WikiLeaks sur le département d'Etat américain en 2010". Elles ont filtré à
partir de deux sociétés offrant des services «offshore» à Singapour et aux Iles
Vierges. On y trouve les noms de «milliers de détenteurs» d'intérêts dans des
paradis fiscaux, dentistes américains, «villageois grecs issus des classes
moyennes», dirigeants étrangers, milliardaires et marchands d'armes, écrit le
Guardian. Parmi eux, le président azerbaïdjanais Ilham Aliyev qui aurait quatre
sociétés off-shore aux Iles Vierges à son nom ou à celui de son épouse et de
ses filles. Y figurent aussi la célèbre collectionneuse d'art espagnole Carmen
Thyssen-Bornemisza, la fille aînée de l'ancien dictateur philippin Ferdinand
Marcos, Maria, et Olga Chouvalova, la femme d'Igor Chouvalov, un homme
d'affaires proche du président russe Vladimir Poutine et titulaire du poste de
vice-Premier ministre.
Selon le journal belge Le Soir, des diamantaires d'Anvers sont également
cités dans l'enquête. Mais l'affaire se révèle particulièrement embarrassante
pour le président français Hollande, déjà aux prises avec le scandale déclenché
par l'inculpation de son ex-ministre du Budget Jérôme Cahuzac pour fraude
fiscale : son trésorier pendant la campagne présidentielle de 2012,
Jean-Jacques Augier, est en effet aussi mentionné par l'ICIJ. Ce dernier a
admis jeudi être actionnaire de deux sociétés offshore dans les îles Caïmans,
tout en niant en avoir tiré un «avantage fiscal». Le Guardian prend aussi le
soin de rappeler que «rien ne suggère que les personnes mentionnées sur ces
listes aient enfreint la loi». Mais ce «Who's Who des paradis fiscaux», comme
le baptise l'ICIJ, «montre comment le secret de la finance off-shore s'étend
dans le monde, permettant aux riches d'éviter de payer des impôts, alimentant
la corruption et les malheurs des pays riches et pauvres», souligne le
consortium. Pour lui, la crise chypriote actuelle «est un des exemples de la façon
dont le système off-shore peut affecter la stabilité financière d'un pays». La
Grèce a d'ailleurs immédiatement annoncé l'ouverture d'une enquête sur les
comptes d'une centaine de sociétés offshore inconnues de ses services fiscaux,
dont l'existence a été révélée par l'ICIJ. Ces dispositifs offshore ont
constitué pendant des années un des vecteurs clés de l'évasion fiscale
endémique dans ce pays. La Commission européenne a profité de l'occasion pour
exhorter les Etats membres de l'UE à «se saisir de la question» de l'évasion
fiscale qui coûte «plus de 1.000 milliards d'euros par an à l'Europe». Et
l'organisation de lutte contre la corruption Global Witness a estimé que les
pays du G8 n'avaient désormais «plus d'excuse pour ne pas agir» contre la fraude.
Le Tax Justice Network, un réseau international de chercheurs et de militants
qui lutte pour la «justice fiscale», évalue de 20.000 à 30.000 milliards de
dollars le montant des sommes dissimulées dans les paradis fiscaux de par le
monde.
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