Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Pour la «spécificité» du Maroc et de l'Algérie mais pas pour la Tunisie : Hollande n'aime pas le «printemps arabe» au Maghreb

par Salem Ferdi

Le président français François Hollande a effectué une visite de «soutien» aux autorités marocaines alors que chez lui, en France, il est assailli par des scandales qui le touchent directement? Et qui nuisent encore plus à l'image des socialistes censés être plus «moraux» que la droite.

Un climat de «fin de règne» s'est installé en France avec, à l'évidence, l'usure d'un système qui donne, de plus en plus, d'adeptes au thème du «tous pourris»? et accessoirement pourrait donner des idées de «printemps» à des «indignés» en herbe.

A Rabat, le président français a surtout montré une défiance, de plus en plus affirmée, à l'égard du «printemps arabe». Cela s'est manifesté par une défense de la «spécificité» du Maroc et de l'Algérie et des observations assez clairement circonspects à l'égard de la Tunisie. Le soutien au régime marocain est d'une franchise totale et les objections des organisations de droits de l'homme ont été, au mieux, éludées.

Le président français a évité des questions pièges comme celle d'un journaliste marocain lui demandant s'il confirmait l'existence d'une «connexion» entre le Polisario et la situation au Sahel. « Non. Ce que je dis, c'est que dans l'instabilité du Sahel, il y a un risque que tous les conflits non réglés puissent alimenter la chaîne de l'instabilité et du terrorisme. Pour le reste, l'envoyé spécial du Secrétaire général de l'ONU va venir bientôt, ici même, au Maroc.

Il cherche la voie pour appliquer les résolutions du Conseil de sécurité et trouver une issue négociée. Je pense qu'effectivement, quand il y a ce qui se produit au Sahel, nous devons encore, avec plus d'insistance et d'urgence, régler cette question qui est maintenant ouverte avec les souffrances que nous connaissons pour la population, depuis plus de 30 ans ».

Chaque pays a sa spécificité?

Message donc très prudent et refus de prendre à son compte les tentatives laborieuses des médias du Makhzen de créer un lien entre le Polisario et le terrorisme au Sahel. Interrogé sur l'éloge de la «stabilité» qu'il a fait du Maroc et s'il le considérait comme étant à «l'abri» du phénomène des «printemps arabes», le président français a répondu en affichant une défiance assez prononcée à l'égard de ces mouvements contestataires. « Chaque pays a sa spécificité. Le Maroc, en tant que tel, n'a pas connu de « printemps arabe ». Il l'avait anticipé. Je suis allé, il y a quelques semaines en Algérie. Il n'y a pas eu non plus de « printemps arabe » en Algérie mais il y a une autre évolution». Cette défense de la «spécificité» s'est accompagnée de remontrances, sans doute moins brutales que celle du ministre français de l'Intérieur à l'égard de la Tunisie, mais dans la même tonalité politique. En clair, le président français n'aime pas trop ce «printemps» quand il donne des effets indésirables qui, personne n'en doute, se rapportent à la vague «islamiste».

DES PRINTEMPS PORTEURS DE RISQUES

Du coup, si pour le Maroc et l'Algérie, la spécificité est de mise, pour la Tunisie, ce sont des exigences qui sont formulées. La «spécificité» tunisienne, il n'aime pas trop. «Ce que je souhaite, aujourd'hui, pour les «printemps arabes » ? et notamment pour la Tunisie qui a été le premier pays à se libérer d'une dictature ? c'est que les valeurs que les « printemps arabes » ont porté de liberté, d'émancipation, d'égalité entre femmes et hommes, de démocratie, de pluralisme, puissent être au bout du chemin. Alors que l'on sait qu'il y a des mouvements de repli, parfois de rupture?». Certes, le président français concède que les ?printemps arabes' «sont prometteurs» mais en s'empressant d'ajouter, dans la même phrase, qu'ils «sont porteurs de risques». Et c'est bien cette mise en avant des «risques» qui fait qu'il défend le fait que le «Maroc maîtrise son propre changement», tout en adressant des critiques à peine voilées à la Tunisie. Le discours devant le parlement marocain a été si élogieux que le ministre PJD de l'Enseignement supérieur, Lahcen Daoudi, est pris de doute : «On ne sait pas si c'est le discours du président ou du roi, tellement il y a de convergences».