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Janvier 2011, Benali s'enfuit et chez nous le régime
vacille. On le sent, il tangue, se retient par les murs et, après trois mois,
il sort parler par la bouche de Bouteflika en avril. Bouteflika, la voix
éteinte, comme son époque, le geste lent et le visage fermé, lit seize pages de
discours dont on retiendra des promesses: plus de démocratie, une ouverture du
champ audiovisuel, du multipartisme réel et pas celui des «services», des
agréments, un rajeunissement des cadres et pas des cimetières, une «ouverture»
et la levée de l'état d'urgence.
On veut éviter le «printemps» en offrant des fleurs. Et surtout beaucoup d'argent. Et cela aura deux conséquences directes sur le cerveau et le ventre: le peuple optera pour la mentalité du coupeur de routes et pas celle du révolutionnaire, ensuite le régime sera conforté dans sa conviction que l'amour s'achète, la paix aussi, les gens, les belles histoires, les pantalons, les femmes, les amitiés. Quelques mois plus tard, arrive le cas de la Libye et du colonel fou: là, le régime commence à se relever, à épousseter sa veste, arranger ses rares cheveux et reprendre confiance. Il sait que la peur fait peur. Toujours. La révolution n'est plus une menace pour lui mais une menace pour le peuple qui va en avoir peur, l'évitera et la condamnera. Là, on passe à la seconde manœuvre: faire agréer l'idée que la stabilité est le contraire de la liberté et que la révolution est synonyme de chaos. Des mois encore, il ne restera du printemps «arabe» que le FIS. Partout. Sauf chez nous. Le régime se relève encore, change de chemise, reprend confiance et commence à manœuvrer comme depuis sa naissance. L'état d'urgence est levé, mais pas dans le réel. Juste sur papier et dans la bouche. Le multipartisme et l'agrément des partis ? Oui, jusqu'à l'inflation, l'excès qui rebute, la folie des sens et des sigles, le discrédit. On n'aura pas un multipartisme, mais du fast-partisme avec plus de 65 formations en quelques semaines. La transition ? Elle se fera dans l'autre sens: on passe de l'âge de 70 ans à celui de 80 pour les ministres, ambassadeurs, président d'APN, etc. La liberté de manifester ? Oui, partout, sauf en Algérie, précise le nota bene au bas de la loi. L'ouverture du champ audiovisuel ? Oui mais dans quelques années, après dix commissions et avec des lois de chasteté moyenâgeuses et sous l'autorité d'un conseil composé par des gens composés par le régime qui ne compose avec personne. A la fin, il ne restera de la promesse d'avril 2011, que l'argent: il est gratuit, partout, donné en vrac et sans calculs. Dans la pure tradition de la tradition politique de l'Algérie: celle des flibustiers et des frères Barberousse. Le peuple est traité comme il l'était par les janissaires et il répond comme répondaient les tribus: dispersé, vénal, cupide, traître à lui-même et sans unité ou solidarité. On se retrouve encore une fois avec le même découpage administratif: il y a le pays profond et il y a le Royaume d'Alger et quelques beys. On aurait pu s'arrêter là, mais il se trouve qu'il y a du neuf, d'où le sujet de cette chronique: vendredi, on apprend donc que la police algérienne va exposer à Paris, en France, l'expérience algérienne dans la gestion des foules et des manifestations. C'est donc le summum si cette info s'avère exacte: non seulement le régime a réussi à éviter une révolution chez lui, mais maintenant il va faire commerce de cette formidable formule dont il a le brevet «politique». C'est donc le troisième produit international de l'Algérie: le pétrole, puis la lutte antiterroriste et, enfin, l'expérience antirévolutionnaire. Que des produits naturels de la préhistoire et pas des iPad. Admirable retournement de situation qui procède de l'essence du miracle. Cela laisse sans voix et vous plonge dans l'abîme de la réflexion astrologique. Concrètement, cette expérience est du vent mais quelqu'un qui vend du vent est toujours un homme de génie. Le régime a dû ressentir un pur moment de délice ces temps-ci. Comme après le 11-Septembre. |
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