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Après
la démission de Bouteflika, Abdelkader Bensalah
devient le septième président de l'Algérie indépendante pour une période de transition
qui ne dépasse pas les trois mois.
La cérémonie de cette intronisation a eut lieu au Palais des Pins, au milieu de la semaine écoulée, en application de l'article 102 du code constitutionnel algérien qui prescrit au président du Conseil de la Nation, les vertus de la gérance du pays dans le cas de la vacance du poste de la présidence. Nombreuses personnalités nationales, les membres du gouvernement actuel, des chefs de partis politiques et l'ensemble des élus parlementaires étaient présents à ce couronnement singulier. On remarque, cependant, que les mêmes figures officielles qui soutenaient Bouteflika pour la continuité de son règne, agrémentent, aujourd'hui, l'installation de M. Bensalah à la tête de l'Etat. Certains députés ont quitté l'Assemblée en signe de protestation contre cette nomination présidentielle. D'autres partis de l'opposition au régime étaient carrément absents de l'événement. Effectivement, M. Bensalah, étant le premier homme du pays après la cessation de Bouteflika, opte pour l'application de la Constitution et consent pour remplir les responsabilités du poste à pourvoir. Il déclare dans un court discours qu'il ne peut pas refuser l'appel de la nation et qu'il n'épargnera aucun effort pour conduire le pays pendant cette période ambiguë. Il promet, comme le dicte la Constitution, l'organisation d'élections présidentielles dans un délai de trois mois, en garantissant l'authenticité, la démocratie et la transparence de ce référendum. En effet, vite dit vite fait. Dès sa première investigation de son bureau, le nouveau président discute avec quelques membres du gouvernement et des chefs des institutions constitutionnelles de la préparation d'un suffrage universel pour la désignation d'un chef d'Etat, une opération décidée finalement, pour le 4 juillet prochain. Le peuple, quant à lui, dénie la représentativité de Bensalah pour la caste d'un système condamné à l'effacement. Le peuple sent ces tournures proposées par le gouvernement, ou du moins ceux qui y décident, comme des manigances volontaires visant à gagner plus de temps, à effarer et faiblir la mobilisation populaire, et à se maintenir en place pour quelque temps encore ou pour l'éternité. A vrai dire, les Algériens s'attendaient naïvement à ce que Bensalah se décharge de cette fonction justifiée par un article de loi auquel personne ne croit. Si l'abandon de Bouteflika de ses responsabilités s'est produit dans des conditions régulières, l'apposition de l'article 102 aurait été un cheminement réglementaire déductif. Mais, l'usage de l'article en question survint assez tardivement par rapport au développement rapide des événements. Normalement, la mise en marche de cet article devait être actionnée, depuis quelques années déjà, en regard de la convalescence sérieuse et de l'incapacité de Bouteflika à accomplir ses tâches de président, durant la totalité de son quatrième mandat. Suite à l'annonce de l'assignation du sacre suprême, les Algériens ont envahi les rues du pays pour exprimer leur dénégation et leur rejet de cette attribution malicieuse qu'ils subissent comme un fait accompli indigeste. Mais, le peuple a bien mûri pour analyser et déchiffrer les lois du code constitutionnel, l'aboutissement à cette situation n'est donc pas perçu comme un fait surprenant. Toutefois, pour les Algériens, Bensalah est un président qui n'a pas de peuple. Sa notoriété ne dépasse pas le cercle immédiat de la coterie qu'il représente. Son engagement contraire à la volonté du peuple est un acte complètement inconscient. La population est sortie dans la rue en nombre impressionnant pendant ce huitième vendredi de la révolte. Le volume des manifestations atteint un chiffre record, on dénombre de quelque vingt millions de marcheurs dans toutes les villes et villages d'Algérie. Pour ne pas se perdre entre les décrets académiques et les lois législatives, il est conseillé au peuple de s'en tenir à ses objectifs et de lutter pour que ses ambitions soient un jour vraies. La demande, exigée par tous les citoyens, n'est pas le départ du président seulement, lui, considéré comme parti depuis longtemps déjà. Il s'agit, désormais, de l'éradication de tout le système avec tous ses visages qui symbolisent le calvaire de plusieurs générations d'Algériens. Le peuple ne reconnaît ni Bensalah ni la formation gouvernementale léguée par Bouteflika. Il veut un Etat inspiré par ses propres aspirations, et non pas un lobby dirigeant retapé sur les ruines d'un mauvais régime défait. S'il y a des articles tenables dans la Constitution c'est bien les 7è et 8è, qui garantissent au peuple la totale souveraineté, c'est lui la source de tous les pouvoirs. Autrement, tout le monde renie cette constitution fondée sur la fraude au départ, violée plusieurs fois sous les applaudissements des élus d'un parlement corrompu, façonnée à la mesure des circonstances et des intérêts d'individus au dépend de tout un peuple. Le peuple exige le départ de tous ceux qui ont conduit le pays à cet état de crise, Bensalah compris. Comme Ouyahia, Brahimi ou Lamamra, Bensalah et les éléments du gouvernement finiront par tomber comme un jeu de dominos. Le lien de confiance entre les gouvernants et le peuple est rompu, sans cela il est impossible d'établir un Etat. La position de la neutralité de l'Armée à l'égard de ce bouillonnement conflictuel rend les esprits perplexes. Certains observateurs doutent de la bonne foi des militaires et les accusent d'alliances officieuses avec le pouvoir. D'autres remarquent que c'est un comportement sage et bien réfléchi, du moment où le chef de l'état-major répète, dans chacune de ses interventions, que l'Armée ne se mettra jamais à l'encontre de la volonté du peuple. A ce titre, il faut également saluer la conduite civique et la maturité professionnelle des agents de l'ordre qui encadrent ces rassemblements gigantesques. Les incidents enregistrés sont vraiment dérisoires par rapport à l'ampleur de l'événement. L'hypothèse de réfléchir à une issue à cette crise politique hors du cadre constitutionnel se confirme, chaque jour, de plus en plus, comme l'unique alternative. D'une part, les trois mois énoncés dans la Constitution pour organiser une passation de pouvoir sont insuffisants. Cette procédure concerne les mutations régies dans une situation ordinaire, or le climat politique, en Algérie, ne se prête pas du tout à un tel challenge aussi tôt. D'autre part, l'opinion publique exige unanimement, la dissolution des institutions constitutionnelles pour refonder une nouvelle république sur de nouvelles assises, tirées des besoins réclamés par l'ensemble de la population. Pas de changement dans la continuité. Il faut comprendre que le peuple refuse, catégoriquement, que la période de transition soit pilotée par l'administration résiduelle de Bouteflika. Il revendique, par ailleurs, que les prochaines élections présidentielles soient régentées par une commission composée d'éléments intègres, ce ne sont pas les hommes propres qui manquent en Algérie. *Ecrivain |
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