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Sans vouloir revenir sur du dépassé, l'affaire du
cambriolage du Palais de justice à Alger reste fascinante. Comme l'exige la
tradition, elle a commencé sur la thèse du complot, avant de finir sur le
simple fait divers : ce n'était pas un clan qui a volé des dossiers, mais un
voleur qui a volé un équipement informatique. On aurait pu arrêter l'histoire
ici, mais l'explication du vol a fait rebondir le sens vers le sublime.
On y apprend donc que le bonhomme, voleur présumé, a pu réaliser son exploit par le sommeil. S'étant endormi dans une salle d'attente du Palais de justice, il se réveilla le soir dans le Palais, seul. Personne ne l'ayant remarqué ou vu ou aperçu. Du coup, avec un palais à lui tout seul, le bonhomme aurait décidé d'y faire la fouille, se promena librement dans les étages, les bureaux et se choisi quelques micro-ordinateurs à mettre sous l'aisselle. Cela fait rire bien sûr. Mais c'est destiné surtout à faire pleurer. Tant c'est comique, simple, proche du dessin animé et de l'histoire. Résumant ainsi la débandade, le sous professionnalisme, la caricature et l'incompétence ou l'essence du hasard qui soude encore cette nation à la gravité. On est au cœur d'Alger, cœur de l'Algérie, dans l'une des institutions les plus importantes du pays, où travaillent des juges, surveillée par la police, les caméras, les alarmes et la vigilance républicaine. Et c'est là qu'il a suffi à un Algérien de dormir pour réaliser le cambriolage de la décennie. On peut tirer de ce fait divers des matières pour des contes, du rire collectif, de la moquerie ou de la mythologie post-moderne. S'interroger jusqu'à l'abime sur le troisième âge collectif. Où se poser une question philosophique genre « qui dort dans cette histoire ? Le palais ? Le pays ? Le régime ou le voleur ? ». Qui devait se réveiller en premier ? Car le bonhomme, contrairement à toutes possibilité stratégiques et plans complexes a usé simplement du hasard, dormir dans une salle d'attente, pour prouver que le pays ne tient qu'à un fil et qu'il suffit de rien pour le contourner. Du coup, une affreuse question : et si rien n'existait et que le pays n'est qu'un mirage de veille qui disparait quand tout le monde dort ? Et si le Pouvoir lui-même, ses clans, salons, « Services » et manipulations supposés, et si tout ce qui fait vivre la rumeur et les journaux et alimente la paranoïa et les analyses n'était rien du tout et que le pays n'est qu'une grande tasse vide qui fixe de son œil le cosmos qui ne répond pas ? Qu'a du ressentir B.Y le présumé voleur du Palais de justice d'Alger en se promenant seul au cœur du Palais, libre absolument au cœur du cœur ? A-t-il rit jusqu'à avoir mal au ventre ou s'est-il hâté de « prendre » comme après le départ du colon ? Ce furent surement des moments uniques d'intense liberté. De ces instants que l'on n'oublie pas lorsqu'on soulève le capot du pays et qu'on constate que le moteur n'existe pas et que tout n'est que fiction et que rien n'est fermé à clé et qu'il suffit de dormir dans une salle d'attente pour se réveiller à cette absolue vérité nue : le pays ne tient que par miracle sur deux jambes supposées: l'une appartenant à un martyr et l'autre à un poteau. |
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