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La visite,
dimanche dernier, du Commandant en chef des forces américaines en Afrique
(Africom) à Tamanrasset, semble marquée par le sceau de l'urgence en raison des
évolutions négatives de la situation sécuritaire dans le Sahel et aux
frontières sud de l'Algérie.
De forts échos des commandements des régions militaires du sud du pays font état d'une violation des frontières algériennes par les troupes militaires françaises activant dans le Mali. Les faits remontent, selon nos sources, à une quinzaine de jours. Des soldats français ont, selon des sources crédibles, pénétré le sol algérien sous prétexte qu'ils poursuivaient des terroristes qui s'y seraient faufilés en provenance du Mali. Prétexte que l'Algérie a catégoriquement rejeté puisque, ont rétorqué les responsables militaires des régions du Sud, «il n'y a aucun terroriste qui s'est infiltré sur nos territoires à partir de nos frontières avec le Mali ni celles avec les autres pays.» Et même si l'on nous précise que les troupes militaires françaises ont franchi les frontières algériennes à peine de 25km, il n'en demeure pas moins que le fait est considéré par les autorités algériennes comme une faute. Nos sources parlent alors «d'une véritable crise entre Alger et Paris au cours de laquelle le président Bouteflika a exigé des explications directes du président français.» Crise qui ne laisse aucunement indifférent les Américains qui scrutent tout ce qui se fait ou est entrepris dans ces régions. Une présence militaire française sur le sol algérien aussi infime et aussi brève soit-elle, s'apparenterait à un casus belli. Mais la conjoncture ne s'y prête pas et les gouvernants d'un côté comme d'un autre n'ont pas intérêt à voir les choses dégénérer. Il est souligné avec persistance que les «points ont été mis sur les i par le président Bouteflika à l'adresse de son homologue français, François Hollande.» AU NOM «DE LA RAISON D'ETAT» L'on avance aussi comme autre raison ayant poussé le général Carter Ham à se déplacer à Tamanrasset, l'inspection de la piste militaire d'atterrissage que l'Algérie a, selon nos sources, construit sur la demande des Américains. «Au cas où la lutte antiterroriste exigerait que les choses aillent jusque là,» expliquent nos sources qui refusent «d'aller plus loin» parce que ce sont, nous dit-on, des questions qui prescrivent une discrétion et une discipline absolues tant elles relèvent, affirme-t-on encore, «de la raison d'Etat.» On ne saura rien non plus sur les avions qataris qui, selon des sources sécuritaires, ont survolé tout au début du conflit malien, les territoires algériens pour alimenter, nous dit-on, les islamistes en armes. Ni les responsables politiques, encore moins les militaires n'ont accepté de parler de ces questions abordées néanmoins sur la toile par grand nombre d'internautes. L'on rappelle que l'information relative à l'acceptation par Alger, du survol des territoires algériens par des avions militaires français a été divulguée par le ministre français des affaires étrangères. Ce qui est sûr, c'est que les Américains prêtent à toute intrusion française en Algérie, une profonde attention en ces temps de redistribution des rôles entre les puissants et de définition de frontières et d'entités étatiques en cas de besoins. Les cas de l'Irak, la Libye, la Syrie et même l'Egypte et la Tunisie, les fortes pressions sur l'Iran, la décomposition de l'Afghanistan en font largement foi. L'intérêt est hautement géostratégique. Les Etats-Unis, s'ils ont fermés les yeux sur une intervention militaire française dans le Mali surtout parce qu'ils pensent bien l'encadrer avec leurs précieux moyens de renseignement, ils ne sont pas disposés à le faire quand il s'agit d'un pays comme l'Algérie où leurs intérêts foisonnent. Ils se doivent ainsi d'avoir un œil vigilant sur tout ce qui bouge dans ces endroits. La déstabilisation de l'Algérie ne semble pas figurer pour l'instant, sur les tablettes occidentales. LE POUVOIR FRANCE-AFRIQUE, UN PLAN DANGEREUX Pour ses ressources en hydrocarbures et son positionnement en tant que zone tampon entre l'Afrique et l'Occident, l'Algérie a de fortes chances d'échapper à une décomposition programmée. La vigilance doit cependant être de mise. Le pouvoir France-Afrique que Paris a entretenu et développé tout au long de ses cinq républiques, est considéré par les analystes, comme un plan dangereux. Le Mali en subit grandement les conséquences. L'œil américain sur la présence française dans la région conforte quelque part l'Algérie qui depuis son indépendance subit les nombreuses influences des lobbies français dans ses affaires, des plus banales aux plus secrètes. Le pays gagnerait à s'extirper des griffes d'une France qui n'arrive pas à se débarrasser de ses pulsions colonisatrices même s'il sait d'ores et déjà que les accolades de Washington n'ont rien d'amical. Les intérêts que représente l'Algérie sont trop importants pour qu'elle ne soit qu'une simple amie de circonstance. Le général Carter Ham n'est même pas passé, pour cette fois ci, par Alger, pour atterrir dans un commandement militaire d'une région des plus sensibles du pays. Il n'a pas eu d'entretiens avec les gouvernants politiques centraux. Son atterrissage direct à Tamanrasset met en évidence, une attitude américaine inquiète et en même temps très intéressée par ce qui se passe dans le Mali mais aussi par l'état des frontières sud où la scabreuse affaire de la prise d'otages à Tiguentourine a laissé une atmosphère âcre. Le responsable militaire américain s'est rendu pour la première fois au siège du Comité d'état-major opérationnel conjoint (CEMOC) qu'abrite la 6è région militaire à Tamanrasset. C'est donc l'inspection d'un terrain opérationnel qu'il a effectué avec tout ce que cela suppose comme questionnements sur les capacités humaines et matérielles d'intervention d'un Comité qui regroupe quatre pays (Algérie, Mali, Mauritanie, Niger) mais dont les activités ont été étouffées par la dégradation de la situation sécuritaire dans la région du Sahel. Quatre pays qu'on appelle «pays du champ», une appellation chère à Abdelkader Messahel qui, au nom de l'Algérie, n'a eu de cesse d'en défendre l'indépendance, et de rejeter toute immixtion étrangère dans la gestion de ses activités et tout élargissement de ses rangs à d'autres pays sous prétexte que les quatre sont les seuls concernés par la sécurité dans ces immensités désertiques qui les caractérisent. L'EFFET COLLATERAL DE TIGUENTOURINE Washington a déjà demandé à Alger d'intégrer le Maroc dans cet espace. «Pourquoi pas la Lybie et la Tunisie dans ce cas ?» interrogent des responsables algériens qui restent accrochés à ce rejet. L'on rappelle qu'en septembre 2011, lors de la tenue à Alger de la conférence sur le terrorisme et le crime transnational qui avait regroupé les pays du champ et leurs partenaires extra-régionaux, Messahel avait déclaré que «nous sommes le premier cercle, nous ne sommes pas figés, ça peut s'élargir à d'autres pays.» A l'époque de leur installation en 2009, le CEMOC et son pendant du renseignement, l'UFL (Union Fusion et liaison), n'avaient pas vraiment suscité une attention particulière des Américains ou des autres pays occidentaux. L'Algérie avait pourtant fait savoir que le Comité manquait affreusement de moyens logistiques qui lui permettent d'être efficace. Les pays du champ demandaient un partenariat avec les pays extra-régionaux leur garantissant la formation, la fourniture d'équipements, le renforcement de leurs capacités d'intervention, l'échange de renseignements et le développement. Face à cela, ils mettaient en avant le principe de leur appropriation des questions de sécurité soutenu par le rejet de toute ingérence étrangère dans leurs activités sur le terrain. «Tous les pays ont des intérêts dans la région mais nous sommes dans une logique de partenariat et non d'ingérence,» a-t-il soutenu. Le ministre des affaires maghrébines et africaines a tenu ses propos en 2011. A la même date, Carter Ham présent à la conférence d'Alger, avait déclaré qu'«une Afrique sécurisée, stable et sans danger, c'est tout l'intérêt des Etats-Unis.» Le général américain avait aussi fait l'éloge de la coopération en matière de formation militaire entre l'Algérie et son pays. Mais, avait-il déclaré «j'estime qu'il y a encore du chemin à faire.» A propos de la sécurité dans la région, le Commandant en chef de l'Africom avait affirmé que «la résolution de ce problème nécessitera des efforts de la région et du monde entier.» Il avait demandé aux pays de la région de «chercher les moyens pour aider le CNT libyen à assumer la responsabilité de contrôler les armes en circulation.» Sa présence dimanche dernier auprès du CEMOC dans la 6è région militaire à Tamanrasset, est-elle aussi forcément un effet collatéral de l'affaire Tiguentourine ? |
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