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Après deux ans de guerre et de puissantes entraves externes à la solution
politique, la Syrie entame sa troisième année de malheur par un accroissement
des risques avec la volonté de la France et de la Grande-Bretagne d'armer les
rebelles. C'est une accentuation, par l'escalade, de l'internationalisation
d'une guerre civile qui risque de s'étendre aux pays voisins.
Dans les faits, les rebelles recevant déjà des armes du Qatar et de l'Arabie Saoudite, cette volonté de Paris et de Londres de ne plus s'en tenir aux résolutions de l'ONU sur l'embargo est en fait une escalade de plus? Les deux capitales jouent aux apprentis sorciers. Et cela ne passera pas sans réplique des Russes, bien décidés à contrer un remake de l'affaire libyenne où les Occidentaux, outrepassant les termes des résolutions de l'ONU, ont utilisé l'Otan pour abattre le régime de Kadhafi. Mercredi, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a souligné à Londres que toute livraison d'armes à l'opposition syrienne constituerait une violation du droit international. «La loi internationale n'autorise pas, ne permet pas de fournir des armes à des acteurs non gouvernementaux et, selon nous, il s'agit d'une violation de la loi internationale». La guerre civile syrienne a clos ses deux ans avec un bilan terrible de plus de 70.000 morts, un pays pratiquement détruit, des centaines de milliers de réfugiés, une montée en puissance des djihadistes dans le camp de l'opposition et des débordements sur les pays de la région, principalement le Liban. Plus d'armes en provenance de France et de Grande-Bretagne ne va pas permettre, contrairement aux assertions des Occidentaux, de hâter la chute du régime Al Assad. Il ne fera qu'accentuer l'aspect «international» - source de blocage à la solution politique ? du conflit. La volonté de Paris et de Londres d'armer les opposants pourrait fermer définitivement toute possibilité de solution politique avec la participation des Russes. Dans ce conflit où aucune des deux parties n'arrive à trancher militairement en sa faveur, si le geste de Paris et Londres est avalisé par l'Europe, cela ne pourra que provoquer une réaction symétrique de Moscou. Les deux ans de guerre ont été entretenus par un blocage de la solution politique par le préalable posé par les Occidentaux et l'opposition syrienne d'une démission de Bachar Al Assad. Pour des raisons qui dépassent très largement la petite personne de Bachar Al Assad mais qui recouvrent le sentiment de menace existentielle des communautés non-sunnites de Syrie, cette exigence n'a pas été acceptée. Et le choix d'armer l'opposition syrienne, comme le font déjà les monarchies du Golfe, est une option dangereuse, porteuse d'une extension du conflit au Liban, à la Jordanie et à l'Irak. UN «REEL RISQUE D'EXPLOSION» Le Haut-Commissaire de l'ONU aux réfugiés, Antonio Guterres, a souligné que la poursuite du conflit est porteuse d'un «réel risque d'explosion au Moyen-Orient et il sera impossible de répondre à ce défi tant sur les plans humanitaire, politique ou sécuritaire». Le Liban, dont la politique de «distanciation» à l'égard du conflit syrien est soumise à rude épreuve et alimente les divisions internes, se retrouve en première ligne. Damas a haussé le ton, jeudi, par le biais d'une lettre adressée au ministère libanais des Affaires étrangères, en indiquant que l'armée syrienne pourrait frapper en territoire libanais les groupes armés qui s'infiltrent en Syrie. «Les forces syriennes font preuve de retenue en ne frappant pas ces bandes à l'intérieur du territoire libanais (...) mais cela ne durera pas indéfiniment», a averti Damas. Message reçu par le président libanais Michel Sleimane qui a souligné que le Liban doit empêcher les éléments armés de franchir la frontière pour entrer en Syrie. La stabilité du Liban est «notre affaire à tous», a-t-il déclaré lors d'une rencontre avec la communauté libanaise de Côte d'Ivoire. «Il ne faut pas envoyer des militants en Syrie et ne pas en recevoir (...) Nous devons maintenir notre neutralité» a-t-il indiqué en soulignant qu'il avait donné l'ordre à l'armée libanaise «d'arrêter tout homme armé ayant l'intention (d'aller) combattre (en Syrie), qu'il appartienne à l'opposition ou pas». Damas a également accusé la Jordanie de laisser entrer des djihadistes et des armes en Syrie. «Nous déplorons le changement d'attitude de la Jordanie, qui laisse depuis une dizaine de jours passer par sa frontière des djihadistes et des armes croates achetées par l'Arabie Saoudite», a indiqué une source sécuritaire syrienne. LE FRONT DE LA NOSRA ET LES DRONES US Et de fait, la prééminence prise sur le terrain par les djihadistes de Jabhate Al-Nosra, qui est de fait le principal groupe armé de l'opposition, suscite des inquiétudes, non seulement en Syrie, mais également à l'étranger. Aux Etats-Unis qui ont classé ce groupe dans la liste des organisations terroristes, la CIA, selon le Los Angeles Times, est en train de collecter des renseignements sur les radicaux islamistes qu'elle pourrait cibler par des attaques aux drones? après autorisation du président Barack Obama. D'un autre côté, et allant dans le sens de Paris et de Londres mais sans le clamer publiquement, Washington aurait entrepris d'entraîner des éléments de l'opposition syrienne au maniement des missiles sol-air. Les Etats-Unis envisageraient également d'intervenir en Syrie pour saisir et détruire les stocks d'armes chimiques. La Syrie entame sa troisième année de descente aux enfers avec beaucoup d'huile jetée sur le feu de la guerre civile? par des apprentis sorciers qui alimentent la guerre tout en faisant mine de pleurer sur le sort du pauvre peuple syrien. |
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