De la taille d'un
mouchoir de poche, dont une moitié de la superficie est quand même réservée au
personnel et le reste aux usagers, pas plus d'une cinquantaine de mètres
carrés, l'unique agence de la BNA du chef-lieu de la wilaya ressemble à une
boite à sardines. Une vieille bâtisse aux murs fissurés et à la toiture en
tuiles, lézardée en plusieurs endroits, laissant filtrer les eaux de pluie qui
s'abattent par gouttelettes sur des archives posées à même le sol et il
suffirait d'un simple court-circuit pour que le tout s'embrase et disparaisse
en fumée et à jamais. Un établissement financier qui ne répond nullement aux
mesures de sécurité les plus élémentaires. Véritable capharnaüm où l'on trouve
pêle-mêle des outils d'informatique, des centaines de cartons bourrés de
papier, faisant office de boites d'archives, entassées les unes sur les autres,
et pire encore, un personnel d'encadrement qui ne dispose en tout et pour tout
que d'un mètre cinquante par agent, moins que l'espace réservé, dans sa future
demeure, à tout être humain, passant de vie à trépas, digne de porter ce nom.
Pour ces malheureux agents qui ne savent plus
où donner de la tête ni à quel saint se vouer, ils doivent jouer des coudes et
rester de longues heures dans des positions inconfortables et à la limite du
supportable pour répondre aux exigences d'une clientèle, elle-même agacée par
l'exiguïté des lieux. Une agence à la toiture endommagée qui risque à tout
moment de s'effondrer sur leurs têtes, et ne couvre en tout et pour tout qu'une
cinquantaine de mètres carrés. Demander à l'un de ses infortunés agents de
donner une suite favorable à votre opération financière, dans ses conditions,
est une gageure ;c'est comme lui exiger sans condition aucune de toucher la
lune avec ses doigts. Les clients se sont habitués dès l'heure d'ouverture aux
bousculades pour prendre d'assaut les trois sièges offerts dans le minuscule
hall, sinon ils sont obligés de faire le pied de grue pendant d'interminables
heures devant le solide portail de l'agence quelles que soient les conditions
météorologiques. A cette clientèle désabusée par l'appellation ronflante de
cette structure, il lui faudrait plus qu'une bonne dose de patience. Toute
opération financière de dépôt ou de retrait d'argent se transforme en un long
calvaire pour chacun des usagers et à un chemin de croix pour les agents de
cette structure bancaire. Les nerfs à fleur de peau toute la journée pendant
les heures de travail, stressés et poussés par un rythme de travail infernal
dans une atmosphère digne d'un bain maure, les 18 agents de cette structure, se
donnent à fond. En dépit de ces conditions, cela n'empêche pas le directeur qui
vous gratifie, lors de l'une de ses apparitions, d'un large sourire à l'issue
de chacune des opérations. Il faut également souligner que la gente féminine ne
cesse de croiser dans les étroits couloirs de l'agence une clientèle hors du
commun qui lui donne une peur bleue à la limite de la syncope, il s'agit, comme
vous l'avez facilement deviné, de dizaines de souris grises circulant librement
dans tous les sens et ayant élu domicile dans les cartons d'archives. Il faut
vraiment, nous confie une jeune fille préposée à l'un des minuscules guichets
avec la peur au ventre, avoir du cran et une sacrée dose de courage et de
témérité pour ne pas sursauter à la vue de ces bestioles qui vous dérangent à
longueur de journée. De nombreuses demandes d'acquisition de lots de terrain
pour l'implantation d'une nouvelle agence, répondant aux normes les plus
modernes, au même titre que celles opérationnelles dans le reste du pays, ont
été adressées par la tutelle de Tlemcen aux autorités communales d'el-Bayadh.
Ces dernières se bouchent les oreilles et ne daignent même pas donner une
quelconque suite. Les multiples appels du pied faits dans ce sens par la
direction régionale de Tlemcen n'ont reçu aucun écho de la part de l'APC
d'El-Bayadh mais cela n'explique ni ne justifie en aucun cas les conditions
dégradantes, voire humiliantes dans lesquelles exercent ces 18 agents et être à
la place de chacun d'eux serait la pire des damnations que l'on ne souhaiterait
à son pire ennemi.