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A l'appel du CNDDC: Des milliers de chômeurs manifestent à Ouargla

par Salem Ferdi



La manifestation des chômeurs organisée jeudi à Ouargla, à l'appel du Comité national pour la défense des droits des chômeurs (CNDDC) a rassemblé des milliers de personnes. Plus de dix mille personnes, selon certaines estimations se sont rassemblées pour réclamer le droit au travail et l'arrêt des harcèlements judiciaires contre les militants du mouvement. Précédée par une montée du discours alarmiste chez le pouvoir et les partis qui lui sont proches avec des accusations gravissimes mais sans preuves de servir des «agendas extérieurs», la manifestation est un vrai succès. Certes, cela n'a rien d'une «Milyounia» (marche d'un million), formulation très exagérée, mais la campagne de dénigrement lancée contre le mouvement de défense des chômeurs faisait craindre une défection par la peur. Cette défection n'a pas eu lieu. Les milliers de personnes qui se sont rassemblées sur l'esplanade jouxtant le siège de la mairie d'Ouargla ont bravé ce climat menaçant et anxiogène. C'est clairement une victoire sur les excès de manipulation du thème du patriotisme et de la menace à l'unité nationale. «Nous ne sommes pas des séparatistes» ont tenu d'ailleurs à dire nombre de manifestants dont la présence était clairement un défi au discours accusateur qui s'est déversé sur les contestataires de la part des partis du pouvoir.

CE N'EST PAS UNE «CHARDHIMA», C'EST UN MOUVEMENT

 Les revendications, dont la légitimité a été clairement reconnue par les autorités qui ont lancé un dispositif d'urgence en matière d'emploi au sud et multiplié les annonces, n'ont rien d'exorbitant ni de menaçant pour «l'unité nationale». Et, in fine, les milliers de personnes présentes ont montré que la grogne sociale qui s'exprime dans le sud pétro-gazier n'est pas le fait d'un «groupuscule» (Chardhima !) comme Abdelmalek Sellal a pu le dire, en suscitant une défiance forte chez les concernés. C'était autant une marche anti-fitna qu'une expression de revendications sociales. Le drapeau national et les chants patriotiques étaient présents aussi comme pour répondre aux accusations, d'une terrifiante légèreté, de servir des agendas extérieurs. Et sur ce registre, les manifestants avaient de quoi rétorquer en promettant de «lutter jusqu'à la chute de la corruption» et le très populaire «ya lel'ar, (quelle honte) ils ont vendu le Sahara pour le dollar». Place de la Mairie reconvertie, histoire de narguer les accusateurs en Place Tahrir, était parée de l'emblème national et d'une grande banderole énonçant très clairement la couleur du mouvement : «L'Algérie pour tous». Les accusations de «politisation» venues également d'Alger n'avaient guère de sens. Demander une «Algérie pour tous » n'est pas apolitique. Le coordinateur national du CNDDC Tahar Belabès, devenu une «bête-noire» a souligné le « caractère national et pacifique». Et les intervenants qui se sont succédés à la tribune ont rendu la monnaie de la pièce aux accusateurs? A Ouargla, hormis le FFS qui a envoyé plusieurs de ses députés et des responsables, les partis étaient aux abonnés absents. Ali Benhadj aurait essayé de rejoindre la manifestation mais il aurait été empêché par les forces de l'ordre.

LA DRAMATISATION DU POUVOIR A EU UN EFFET CONTRAIRE

Finalement, les organisateurs - même s'ils ne croyaient pas eux-mêmes à l'idée du «million» de manifestants ? ne doutaient pas du succès de la manifestation. La dramatisation de l'évènement par le gouvernement et les partis proches du pouvoir a eu un effet contraire dans un contexte marqué par les révélations sur les affaires de corruption. La seule incertitude était l'attitude du pouvoir. Allait-il faire actionner la police ou choisira-t-il de laisser les jeunes s'exprimer pacifiquement ? Il a raisonnablement choisi la seconde option. Et de ce point de vue, les jeunes chômeurs d'Ouargla ont imposé un droit à l'expression et à la manifestation qui ne peut qu'être contagieux. Le gouvernement a choisi une voie de raison en évitant d'aller vers la répression. Mais il devra aussi admettre que les gens puissent s'organiser librement et défendre des droits et des points de vue sans être accusés de traitrise ou de félonie. Le message d'Ouargla n'a rien d'apolitique même si les organisateurs de la manifestation ne veulent pas de «récupération».

 Le combat des chômeurs fait partie d'une aspiration générale à la démocratie et à une vraie représentation sociale qui n'est plus prise en charge par un système fonctionnant largement sur une base clientéliste.