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L'économie du
monde entier est, paraît-il, suspendue aux décisions d'un comique italien, Beppe
Grillo. Il est la surprise des dernières élections législatives italiennes, où
les démocrates qui ont passé l'intégralité de la campagne au plus haut des
sondages, étaient donnés largement vainqueurs du scrutin.
Et voilà que ce Beppe Grillo entre en scène, avec ses cheveux gominés, comique blogueur à ses heures, artiste social, aussi provocateur que radical. Personne ne le « calculait » comme on dit chez nous. Son mouvement 5 étoiles avait l'air ridicule, jusqu'à ce qu'il arrive en troisième position dans les urnes. Il a obtenu lors des élections de février 2013, entre 23 et 25% des suffrages pour chaque chambre du parlement. Il est le premier parti d'Italie, en termes de suffrages. En termes de sièges, il arrive 2éme et 3éme, respectivement, à la chambre des députés et au sénat. Il est suivi par près de 1 million de personnes sur twitter. Son programme politique tient du slogan : « tous des voleurs, tous des menteurs ». Ça c'est en Italie. Et quid des autres pays ? Ce genre « d'initiatives » commence à se multiplier et l'apparition de Beppe Grillo n'est en fait, que la dernière en date. En Allemagne tout d'abord ou le « Parti des Pirates » s'appuie sur une plate-forme, mêlant idées de droite et de gauche, et proposant, par exemple, un revenu qui serait garanti à tous les citoyens, sans exigence de contre partie. Après s'être doucement moqués d'eux, les autres partis allemands commencent à se faire de souci. Selon un sondage, 13% des électeurs donneraient leurs voix à ce parti, ce qui ferait de lui la troisième force du pays après la CDU et le SPD, dépassant les Verts qui ne récoltent que 11% des intentions de vote. Les Pirates prennent d'assaut le débat politique avec des sujets qu'ils maîtrisent bien mieux que leurs adversaires. Leur programme, en forme de résolution numérique, prévoit le libre accès à l'information sur internet, la légalisation du partage, la protection des donnés personnelles, la transparence de la vie politique et l'ouverture des données publiques. Les Pirates ont depuis conquis en mars 2012, le parlement de la Sarre avec 7,4% laissant les libéraux (FDP) sur la touche et, en mai de la même année, celui de Rhénanie du Nord-Westphalie, land le plus peuplé d'Allemagne, avec 7,6% des suffrages et 20 sièges à l'assemblée locale. L'autre exemple se situe en Haïti, où le vainqueur des élections présidentielles de 2011-2012, à l'issue d'une suite de crises, fut un chanteur, Michel Martelley, qui passe du statut d'aimable plaisantin, à celui de candidat de tous ceux qui étaient remontés contre le gouvernement. En Grèce, le parti « Aube dorée » s'est lancé dans l'aventure, avec une base électorale de 20.000 personnes. Il totalise actuellement 420.000 voix, équivalent à 18 sièges au parlement. Et la seule constante qui guide tous ces électeurs d'Europe, des Antilles et d'ailleurs, tient de leur écœurement de la politique telle qu'elle leur est proposée, par les partis en place. Et surtout l'incapacité de ces derniers d'apporter des solutions concrètes aux problèmes posés aux citoyens tels que le chômage, l'absence de logement et de loisirs. Est-ce que tout cela, peut arriver « zaama » en Algérie ? Le terrain est-il favorable à l'émergence de ce type de parti ? ou de mouvement spontané? Avons-nous un Beppe Grillo caché quelque part ? et où ? En tous les cas, les ingrédients nécessaires à l'éclosion d'un tel personnage, sont déjà en place: -un décor de morosité politique extrême. -un ras-le-bol des électeurs. -une crise économique et sociale. -un rejet du personnel politique. -un mouvement, plus ou moins, contestataire, le RAJ, par exemple, qui peut constituer le socle idoine, sur lequel pourrait s'appuyer « notre Beppe Grillo national» Il serait ce personnage aussi emblématique que célèbre. Et ses lettres de noblesses, il les aura acquises, non pas dans le militantisme politique classique, mais sur les planches, ou le cinéma où se jouent les mélodrames reproduisant la vraie vie des algériens. Et qui mieux qu'un artiste, peut se targuer d'emballer les foules et d'en faire des fans inconditionnels ! A fortiori, quand il s'agit d'un comique national qui a plusieurs années « au compteur ». Et Hadj Attallah, était de ceux-là. Ce comique de l'émission « el f'hama », respectable par ailleurs, a connu un destin national : N'a-t-il pas été élu député de sa région? Au suffrage universel, alors qu'il n'était même pas prédestiné à embrasser une carrière politique, préoccupé qu'il était par son petit rôle « d'aarroubi », qu'il campait avec plus au moins de bonheur ? Les citoyens de sa région en ont décidé autrement, le portant triomphalement jusqu'à l'APN, signifiant ainsi aux politiciens locaux, leur désaveu et le rejet de leur politique. Donc là, amis lecteurs, on n'est plus dans la politique fiction puisque ce qui a été rappelé, s'est déroulé en Algérie. Et de ce qui précède, l'apparition d'un Beppe Grillo algérien reste du domaine du possible. Résumons-nous, amis lecteurs. On a parlé d'ambiance, le décor est planté. On a parlé de mouvement, et on l'a identifié à travers le RAJ. On a parlé de personnage, j'en propose au moins trois : Le premier d'entre-eux qui pourrait être « notre Beppe à nous », pourrait bien revêtir l'apparence de « Hadj Lakhdar », l'éternel indigné, vindicatif à souhait, très populaire dans l'Algérie « d'en bas », qui peut rallier derrière son chèche blanc, pas mal de monde. Le second pourra prendre les traits de Salah Ougrout, qui revêtira pour la circonstance, le costume du machiavélique conseiller politique, qu'il a merveilleusement campé dans le film de «Carnaval fi Dechra». Il a déjà le vent en poupe et dispose d'un bagout qui plaît aux algériens. Les embarquer dans son aventure, s'il estime avoir une destinée politique, sera pour lui « un simple jeu de rôle ». Le troisième, et ce sera mon préféré, apparaîtra avec le visage, la dégaine et la gouaille de Faouzi Saïchi, l'inénarrable « Rmimez » et le danseur du film « Les folles années du twist ». Il ne sera pas dépaysé à en juger par sa facilité à passer d'un personnage à un autre, fut-il chef de parti. A défaut de remporter un podium en politique, il pourra au moins lui, nous initier déjà aux premiers pas du Harlem-Shake ! C'est toujours ça de pris ! Voilà amis lecteurs, le trio de comiques « nominés » d'où sortira celui qui pourrait être « notre Beppe Grillo national». Il ne lui restera qu'à profiter de l'encéphalogramme plat de notre politique nationale, des scandales à répétition (Sonatrach 1, 2 et 3) et du rififi dans la maison FLN. Il pourra surfer sur tout ce magma, pour se faire une place dans l'hémicycle ou plus, si affinités. Pour sa déclaration de politique générale, il aura le choix d'écrire au directeur général de Sonatrach pour manifester son indignation, à l'instar de son mentor italien, qui a dénoncé les agissements du gouverneur de la banque d'Italie Antonio Fazio, afin qu'il démissionne suite au scandale sur l'Opa Antonveneta. Ou alors, reprendre à son compte, la lettre ouverte de Nicolas Sarkis, expert pétrolier, qui dit en substance « ? les algériens sont en droit de se poser des questions sur le devenir de l'Etat indépendant qu'ils ont durement œuvré à construire, eux qui voulaient un Etat fort et moderne et un pays où les serviteurs de l'Etat sont payés pour servir l'Etat et leurs concitoyens, et non point pour se servir eux-mêmes, ou servir les escrocs de tout acabit? ». Maintenant si notre Beppe Grillo « à nous » se méfie quelque peu de cette lettre de Nicolas Sarkis, il pourra s'inspirer de la démarche de Coluche. Et j'entends déjà notre Beppe national, lire sa première déclaration à la presse nationale. Sa déclaration qui ne manque pas de saveur du reste. Et étrangement elle ressemble, à peu de mots près, à celle de Coluche : « j'appelle les fainéants, les crasseux, les drogués, les alcooliques, les femmes, les parasites, les jeunes, les vieux, les artistes, les taulards, les apprentis, les noirs, les piétons, les chevelus, les fous, les anciens communistes, les abstentionnistes convaincus, tous ceux qui ne comptent pas pour les hommes politiques, à voter pour moi, à s'inscrire dans leurs mairies et à colporter les nouvelles ». Rappelons pour mémoire, que lors des élections présidentielles Françaises de 1981 plusieurs sondages ont placé Coluche en troisième position avec 10 à 12% d'intentions de vote et qu'il a recueilli 632 promesses de signatures d'élus (pour se présenter, il lui fallait en recueillir 500). Jusqu'à ce que « l'établissement politique » s'en mêle, pour le faire abandonner, lui qui a bâti sa stratégie politique, sur son fameux slogan de campagne: «jusqu'à présent la France est coupée en deux, avec moi elle sera pliée en quatre ! ». Revenons si vous voulez bien, amis lecteurs, à « notre Beppe à nous ». Sa déclaration faite, son blog ouvert, et son parti tout trouvé, rappelez-vous le RAJ, il n'aura qu'à patienter pour récolter les voix qui vont porter sa candidature. Celles des grévistes, des déçus du logement, des chômeurs et de tous les laisser pour compte qui viendront s'ajouter aux militants désappointés des autres partis, où se pratiquent l'exclusion, le népotisme et le clientélisme. Celles des électeurs « qui en veulent ». Ils peuvent être riches ou à l'aise, modestes ou pauvres, agriculteurs ou ouvriers, techniciens ou cadres ou encore chômeurs. On les appellera les « rejetionnistes » qui viendront ainsi compléter la sémantique des abstentionnistes, « bof?istes » et autres « refuzniks ». En tout les cas, une chose est sûre, notre « Beppe à nous » ne doit pas se faire du souci ou se décourager suite à l'abandon de Coluche, dès lors ou Beppe Grillo, le vrai, l'italien, a réussi lui dans le même registre. Pour cela, il a adopté un discours véhément, fait de protestation et d'invective. C'est ce qu'il faut pour enflammer le peuple, dégouté de voir les mêmes figures l'entretenir de politique et les mêmes personnages se transmettant les maroquins, dans une ambiance « de long fleuve tranquille ». Notre « Beppe à nous » pourra alors tout promettre, l'essentiel et qu'il affirme sa volonté « de tout faire péter » ! Voilà ce qui va emballer les masses convaincues, paradoxalement, que le changement viendrait peut-être des fous, des illuminés et non plus des politiciens de carrière. Beppe Grillo, le vrai, ne proposerait-il pas lors de sa campagne électorale un revenu pour tous, sans contre partie ? Tout comme les Pirates d'Allemagne qui font le même engagement à leurs électeurs, en plus de la garantie du choix du sol, l'ouverture des marchés, la garantie des transports publics et la légalisation des drogues, qu'ils s'engagent à mettre en œuvre quant ils seront au gouvernement. Ce type d'engagements que vous trouvez, peut-être, farfelus, irréalisables et un tantinet démago,ne nous sont pas étrangers. Souvenez-vous des campagnes électorales où certains de nos chefs de partis, bien agréés ceux-là ,s'engageaient, qui à marier nos jeunes, qui à multiplier par quatre le SMIG s'ils étaient élus, ou plus encore, pour faire mieux que Moïse, créer une mer intérieure pour nous permettre de pêcher le thon à la main. Rien que ça ! Tout ceci pour dire amis lecteurs, que notre Beppe Grillo n'a pas besoin de faire l'effort en matière de programme. Il n'a qu'à puiser à pleins mains dans les archives pour faire son marché. Et au besoin, imiter son modèle italien pour s'élever contre tous les « sachants» et leur savoir, qui serait imposé par les élites. Reprendre en somme, l'éternel combat de société, entre traditionnalistes et modernistes. Il pourra tout comme lui, afficher des positions « alter scientifiques » consistant à nier les résultats de la science au nom d'une idéologie ou d'une philosophie, qui a failli, soit-dit en passant, nous mener à la ruine et qui continue, paradoxalement, à parler à beaucoup de nos concitoyens. Ceux qui sont adeptes des thérapies parallèles, les mêmes qui ont été floué par le coup du laser au 5 juillet. Bref, le terreau est là, il existe. Au Beppe algérien de forger son personnage de « messie », ou de « mehdi », et de tenter de conquérir le pouvoir. La route lui est d'ailleurs balisée avec le retrait d'Aït Ahmed, Saïd Saadi, Soltani, Ouyahia, Bounedjma, et Belkhadem, lequel Belkhadem voulait bien faire un tour de manège supplémentaire, mais bon. Oui mais me diriez-vous, et l'électorat ? Ces gens là ont des habitudes de vote ancrées ; ils ne peuvent pas comme ça d'un simple claquement de doigt, changer d'option ? Et puis il y a le vote imprimé par les zaouïas et les tribus qui votent, en masse, pour le parti ayant les faveurs de leurs mentors. Des certitudes, encore des certitudes ! Tout comme en Italie ou en Allemagne, jusqu'à l'avènement de Beppe Grillo et du parti des Pirates, qui étaient traités de bouffons et d'aimables plaisantins. Et les résultats viennent rappeler aux sceptiques et autres spécialistes « de la chose électorale », la réalité. Il en est ainsi aussi, de l'abstention que les experts de chez-nous s'entêtent, scrutin après scrutin, à la domicilier à Alger, Oran, Annaba et en Kabylie quand les partis représentant cette région sont en lice. Et l'exemple qui démontre le contraire nous est venu de Souk- Ahrras lors des dernières législatives où un membre d'un bureau de vote a été filmé, bourrant les urnes et apposant son empreinte sur les listes électorales, aux lieux et places d'électeurs absents? donc abstentionnistes ! Autre exemple, celui de la France. Il a été démontré à la faveur des élections présidentielles de 2012, que les grandes régions électoralement homogènes s'effacent, comme certaines certitudes : terminé la France de l'Ouest qui vote à droite, celles du Nord et du Sud-Ouest qui votent à gauche, le Midi rouge, la Vendée blanche et la Bretagne rose. Même si un héritage ou une trace de cette géographie électorale demeure comme le vote F.N, localisé principalement dans les zones périurbaines, abritant 15% des français. Tout ceci pour dire qu'il n'existe plus de bastion électoral figé ou acquis d'avance. Il en est de même chez nous, pour peu qu'on organise des élections propres et honnêtes? où un Beppe Grillo national pourra tenter sa chance et, pourquoi pas, bousculer pas mal de monde. C'est ça la démocratie. Et dans ce cas là, l'électorat national, n'aura d'autre choix que de se reposer, une fois encore sur deux repoussoirs : -Celui du parti majoritaire depuis l'indépendance. -Ou celui du populisme, d'où qu'il vienne. Le premier, lui proposera un vote-refuge, avec en prime de poursuivre son programme « dans la continuité ». Le second lui proposera de « tout faire péter », de sortir les sortants et d'éjecter les personnels en place, sans plus. Ça nous changera un petit peu du deal, « la peste et le choléra » mais le choix reste très limité, n'est-ce pas, amis lecteurs ? Et les élections italiennes de février 2013, dans ce qu'elles comportent comme résultats, sont révélatrices d'un malaise politique profond d'où découlerait un double discrédit : -Celui de la politique menée par les partis de droite, de gauche et du centre qui ne proposent ni sortie de crise ni perspectives. -Celui de Beppe Grillo, adepte de la politique spectacle, qui ne s'appuie que sur la protestation et l'incantation, en guise de programme. Et toutes les deux sont en décalage complet avec la réalité vécue par les gens, sur tous les plans. |
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