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De prime abord,
le titre de cette contribution, tel que proposé, ne suscite l'intérêt que par
la question posée qui revêt l'aspect d'une véritable problématique.
Répondre d'emblée à ce questionnement, participe de la gageure à moins de faire le rapport avec le monde littéraire, pour découvrir le sens à donner à ces trois verbes composant le titre de cette contribution. Tout d'abord, en ce qui concerne le premier infinitif : l « s'indigner » ou l'indignation qui en découle a constitué une thématique importante chez Stéphane Hessel. Il en a fait un livre, intitulé « Indignez-vous » *. Ce livre a connu un succès fulgurant, malgré ses 32 pages. Traduit en 34 langues, il a été vendu à près de 4 millions d'exemplaires. L'auteur encourage la société civile à agir en contre pouvoir, en s'impliquant pleinement dans toutes les questions la concernant. Il consacre dans son ouvrage la primauté de l'intérêt général sur l'intérêt financier, défend le syndicalisme et prône la solidarité intergénérationnelle. Il est pour l'idée « du réveil public du peuple, qui était, jusqu'à présent, très passif ». Bien évidemment, il place son combat dans un esprit démocratique et civilisationnel, loin de toute forme d'anarchie, dont certains veulent l'affubler, car jaloux de l'accueil de son livre par un très large public. Ceci amis lecteurs, pour ce qui concerne le « s'indigner » qui a ouvert le titre de ma présente contribution. Concernant le « partir », je l'ai choisi comme complément de titre, en référence au livre « Barrez-vous » *. Pour ceux qui ne le connaissent pas, cet ouvrage a été co-écrit par Felix Marquardt ( Fondateur des Dînners de l'Atlantique et des Submerging Fines Dînners) Mouloud Achour (journaliste de canal +, d'origine algérienne, tiens-tiens !) et Mokless (rappeur). Du pitch du livre, il ressort, en substance, ceci : « Jeunes, tirez-en votre parti ; votre salut est ailleurs. Non pas dans la fuite, en quittant un pays dont les perspectives économiques sont moroses, mais en vue de vous désaltérer et de vous réinventer pour revenir riches d'expériences, ayant fait les rencontres qui vous changeront avant que vous n'en fassiez profiter votre pays. N'hésitez plus, choisissez une destination où le monde est en train de se faire, là, tout de suite, que ce soit Tbilisi, où la Ministre de l'économie, la patronne de la police nationale et le seul conseiller du président sont tout juste trentenaires, ou Shanghai, Mexico ou Santiago. Barrez-vous, parce que rien ne vaut l'ivresse qui convient avec la conscience du Monde et de l'Autre du Voyageur ; partir, c'est découvrir qu'on ne pense pas, ne travaille pas, ne communique pas de la même manière à Paris, Guang-Zhou ou au Cap et j'ajouterai pour ma part Alger, Tlemcen, Tizi Ouzou, Annaba ou In Aménas. Voilà amis lecteurs, deux petits résumés de deux livres, accessibles sur le net, que vous ne verrez pas au salon du livre des Pins Maritimes. Ces livres ont fait un buzz énorme, partout dans le monde. Ils ont fait « pschitt? » chez nous, non pas du fait de leur contenu mais faute d'espaces de libre expression à même de les faire connaitre du grand public. Ils ont tout de même retenu l'attention des inconditionnels des chaînes satellitaires qui se sont délectés des débats, notamment télévisuels, organisés en présence des auteurs des livres considérés, qui ont défendu leurs thèses, souvent à coups de fleuret moucheté, avec leurs contradicteurs. Des thèses « transfrontalières » dès lors où elles concernent la société et l'interpellent sur son vécu et son devenir. Celles-ci peuvent trouver des espaces d'expression dans notre pays, via les réseaux sociaux, la radio, la télé et les journaux où l'on viendrait débattre entre personnes civilisées, sachant s'écouter et accepter l'avis de l'autre. S'exprimer ainsi et en ces lieux et pourquoi pas s'indigner en conséquence, ne participe ni de l'anarchie, ni du trouble à l'ordre public. Et l'objectif est de faire avancer les choses et le pays avec, en mettant de côté les formulations éculées de type « y'a qu'à » ou « il faut que » ou encore les égoïsmes des uns ou des autres. Et de dire ce qui ne va pas ou ce qui n'a pas été pris correctement en charge selon les desiderata de la population. De se corriger et notre trajectoire avec. Et à ce niveau, l'indignation participe de la salubrité publique, car souvent, beaucoup de questions sont traitées en vase clos. Rappelons à ce sujet, l'intervention remarquée et remarquable de Babess, président du C.N.E.S qui n'a pas hésité à pousser un coup de gueule, lors des dernières assises de la société civile, tenus en 2012 pour dire son sentiment concernant la marginalisation du mouvement associatif en particulier et de la société civile, en général. Quand ce n'est pas les grands bouleversements planétaires qui sont ignorés ou qui ne donnent lieu qu'à des observations superficielles entre experts qui s'échangent quelques avis, sans suite et les dossiers y afférent reposent dans les tiroirs. Comme le scandale de la viande de cheval qui secoue l'Europe où l'indignation est générale. Face à l'ampleur de la situation, la commission européenne envisage désormais de renforcer la réglementation sur l'étiquetage, et la traçabilité des produits agro-alimentaires, dont la viande. Si en Europe, où les règles communautaires de contrôle et de sécurité des produits alimentaires sont les plus draconiennes, on a pu facilement tromper le consommateur, pourtant très regardant sur ce qu'il consomme, que dire des algériens, qui ne savent pratiquement rien sur ce que contiennent leurs assiettes ? * Que peut représenter pour l'algérien de consommer de la viande chevaline quand il a mangé à son insu, de la viande de baudet ? De la viande asine a été retrouvée sur les étals des bouchers à Alger, Oran et récemment Tiaret, sans susciter la moindre réaction chez les responsables concernés. Alors, pour le moins « indignons-nous » ! Après s'être indigné pour le ventre, indignons-nous maintenant pour le cerveau, celui des faussaires du BAC d'Oran et de leur progéniture. Continuons de nous indigner à cause de l'absence d'intérêt porté aux propositions généreuses de NABNI, qui n'a de cesse de se décarcasser, en vain. Poursuivons notre indignation concernant le sort cruel réservé à ces deux réfugiées maliennes et leur mésaventure d'Oran. Poussons notre indignation à son paroxysme suite à tous ces rapts d'enfants suivis de leur assassinat, nous qui croyions que notre société était à l'abri de ce genre de crimes abominables. Indignons-nous davantage aussi pour le parti FLN, qui s'est donné en spectacle lors du retrait de confiance à son secrétaire général? qui lui-même a fait de la résistance?avant de céder son siège aux forceps? pour se précipiter à l'étranger? d'où il a proféré quelques amabilités pour ses pairs du parti? dont certains ont vite fait de déclarer leur candidature comme le mouhafedh de Constantine? battu en brèche aussitôt par un ministre qui, semble-t-il, tiendrait la corde? au motif qu'il serait le plus consensuel ? Et au parti de s'installer dans la crise?qu'il aurait pu éviter s'il avait pensé à organiser? « des primaires ». Tout en m'indignant, je dis pour paraphraser qui vous savez : « Belkhadem si tu reviens? j'arrête tout ». Enfin, nous serons unanimes, peut-être à nous indigner, collectivement, contre le dernier tube de cet opérateur téléphonique dont nous ne ferons pas la publicité ici, qui veut nous transformer en « loosers », si l'on juge par les paroles de sa chanson qui passe en boucle dans toutes nos radios : « Vainqueurs, vaincus nous sommes avec les verts. Et nous irons au mondial et tralalére » A moins d'être le Qatar, je ne vois pas comment on pourrait participer au mondial si on collectionne les défaites et si on n'inculque pas la culture de la gagne à tous nos compétiteurs, footballeurs à fortiori. Plaidons amis lecteurs pour le retrait de cette mascarade musicale et continuons de nous indigner. Ceci étant dit, intéressons-nous maintenant à l'infinitif « partir ». Il n'est malheureusement perçu qu'à travers un prisme déformant, qui affuble tout jeune quittant le pays de manière clandestine : c'est « Le Harraga ». L'opprobre lui est jeté et à sa famille aussi, désespérée soit-elle. Il est vrai que beaucoup de nos jeunes partent, en désespoir de cause, faute de trouver un emploi décent et pérenne. L'Etat ne peut raisonnablement les retenir en dépit de la loi qui pénalise leur acte. L'Etat ne peut également donner un local commercial à tous ces jeunes en errance, les redéployer dans les marchés ou les recruter en qualité de veilleurs de nuit ou d'agents de sécurité. Ils continueront donc à tenter leur chance en solo, à moins que les pouvoirs publics ne trouvent des destinations d'immigration du style Australie ou Canada, à ces « desperado ». D'autres jeunes, plus sages et souvent porteurs de titres et diplômes supérieurs, pensent qu'après les études, leur salut est ailleurs. Non pas dans la fuite, mais en vue de se désaltérer, de souffler et de se réinventer pour revenir riches d'expériences nouvelles, imprégnées de la créativité et de l'enthousiasme qui fleurissent aujourd'hui aux coins du monde. Monsieur Abdelmalek Sellal a vu juste d'ailleurs, en affirmant lors de l'une de ses premières sorties en tant que Premier Ministre : « Laissez les jeunes souffler, laissez-les vivre ! ». Il l'a dit sur un ton aussi péremptoire qu'émotionnel en regardant droit dans les yeux tous ceux qui bloquent les énergies de ce pays. Il ne s'agit pas ici de faire l'éloge de la fuite de nos jeunes qui condamnerait notre pays à terme, mais les encourager à partir explorer le monde, à faire des rencontres qui changeront leurs vies, et après, d'en faire profiter l'Algérie. « Partez si vous voulez, revenez, repartez encore, revenez de nouveau » C'est ce que préconise les auteurs du livre « Barrez-vous » et qu'on peut encore s'approprier et paraphraser pour dire à nos jeunes, ceux qui piaffent d'envie de partir « l'Algérie ce n'est pas uniquement votre pays de naissance, qui est votre, mais le monde entier ; faites-vous violence si nécessaire, mais emparez-vous en. Il y va de votre avenir et celui de l'Algérie. Quand à « se taire », qui est le troisième infinitif composant mon titre, il signifie, permettez-moi cette lapalissade, garder le silence. C'est aussi, diront d'autres, une manière d'affirmer son appartenance à la majorité silencieuse?celle qui compose le plus grand parti du pays? celui des abstentionnistes ou des « bof?istes », c'est selon. Mais ce même « parti », n'a-t-il pas failli dans les années 1990, nous précipiter dans les « abysses » s'estimant non concerné par les enjeux d'alors ? Continuer à se taire ? c'est vous qui voyez. Partez. Si vous voulez. Mais ne restez pas passifs, au moins dans votre vie de tous les jours. Deux choses pour en finir avec cette Contribution : - Je rends hommage, tout d'abord, à ce jeune d'Illizi qui a donné un sens à cette problématique « s'indigner, partir ou se taire ? », par son attitude aussi téméraire que courageuse : -Il s'est indigné devant un parterre d'officiels et un panel de notables de la région. -Il n'est pas parti de sa région qu'il aime par dessus tout. -Il ne s'est pas tu, il a dit ce qu'il avait à dire ! -Je félicite, ensuite, Ahmed Lahri et les professeurs Berchiche-Mekki-Cherif et Allouache pour le grand moment de télévision et « d'indignation » qu'ils nous ont offert, en cette soirée du 18/02/2013 sur Canal Algérie, à l'occasion de l'émission « Questions d'Actu » qui a traité des partis politiques. Je me suis personnellement régalé en attendant peut être, de réécouter Omar Zelig et sa bande de joyeux drilles sur les ondes de notre radio. Bibliographie : * Les réflexions de cet article ont pris source à partir des livres « Indignez-vous » et « Barrez-vous ». * Les algériens savent-ils ce que contiennent leurs assiettes (Rabah Amir- TSA du 17/02/2013). |
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