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« Les employés
avaient entendu l'alarme discontinue, ils avaient compris qu'il y avait danger
et qu'il fallait se cacher», racontait un employé.
Les journalistes avaient rejoint le site gazier loin de près de 3 km de la base de vie. Sur le chemin, on pouvait voir des véhicules tout-terrain, calcinés ou criblés de balles. Notre interlocuteur voulait reprendre depuis le début des événements. «Nous étions dans nos chambres, un copain jouait à la guitare quand nous avons entendu des coups de feu. On regarde par les fenêtres, on voyait arriver au loin des 4x4 phares allumés. On entendait plus tard des tirs. Notre copain regarde encore et nous dit, ce sont les barbus. On s'est cloîtrés dans nos chambres. Les terroristes défonçaient les portes avec des extincteurs. On a été sortis dehors. Les terroristes parlaient avec l'accent tunisien ou égyptien. L'un d'eux avait demandé s'il y avait des étrangers entre nous. Je lui ai dit non. Il nous a dit qu'il n'avait rien contre nous Algériens, mais beaucoup contre les étrangers, le président, le gouvernement et les généraux.» Les terroristes appelaient leur chef «ami Tahar». Smaïl, un technicien en instrumentation, garde le sourire malgré les affres qu'il a vécues durant de longues heures sous l'œil criminel des terroristes. «On était mercredi, il était 5h40 du matin, on prenait notre petit-déjeuner lorsqu'on a entendu des coups de feu, les expatriés voulaient sortir dehors mais on les en a empêchés. Trois étrangers s'étaient cachés sous le faux plafond du restaurant. A 7h30, un terroriste est rentré dans le resto, il était barbu et habillé en tenue militaire libyenne (celle de notre armée est verte mais celle-là était jaunâtre), son arme pointée sur nous, il voulait savoir où étaient les expatriés. Un autre terroriste arrive, il était Algérien et se réclamait du groupe de Belmokhtar. Il nous a dit qu'il n'avait aucun problème avec les Algériens, ce sont des musulmans et nous a laissés sortir en file indienne. Mais il a reconnu un étranger, un Roumain, il nous a demandé alors d'arrêter d'avancer. Ils ont gardé les étrangers et m'avaient permis de partir à bord d'un bus avec une quarantaine d'Algériens, les militaires nous avaient vu de loin avec leurs jumelles, ils nous ont demandé par radio (j'en avais une moi aussi) de descendre du bus et d'avancer vers eux, un par un. Des militaires avaient avancé vers la base de vie et avaient fait des brèches au niveau des issues pour faire échapper les otages par petits groupes.» « RIEN N'EST BIZARRE » Un agent de sécurité rappelle que l'objectif des terroristes était de faire sauter le site gazier avec un véhicule piégé et prendre les étrangers avec eux comme otages. «S'ils avaient fait exploser le site, le gaz se serait propagé sur 40 km² à la ronde, ça aurait été un autre grand désastre. Lorsque le coordonnateur des systèmes de sécurité du site avait déclenché l'alarme, les techniciens avaient tout de suite compris le danger et procédé à l'arrêt des machines, ce qui a diminué du danger de l'explosion. Les terroristes avaient alors tué le coordonnateur, sans hésiter. Yann était Français et avait 52 ans. Avant, quand ils étaient arrivés à l'entrée du site, les terroristes avaient exécuté l'agent de sécurité algérien qui était dans son poste de garde.» «Les terroristes qui s'étaient dirigés vers le JGC, le building où étaient les Japonais, avaient commencé déjà à tuer les otages.» Sur le site, «les otages étaient tués par balles et brûlés.» L'on nous explique que les Japonais étaient plus nombreux que tous les autres étrangers parce qu'ils ont un important projet à réaliser sur le site. A Tiguentourine, on hésite à parler de complicité. «Je n'aime pas le dire mais c'est sûr qu'il y avait une complicité quelque part, le 1er ministre l'a reconnu aussi», avait déclaré Lotfi Benadouda. Un agent du renseignement pense que les terroristes avaient bénéficié d'une grande aide. «Autrement, ils n'auraient jamais pu arriver et se déplacer aussi facilement de la base de vie au complexe gazier», pense-t-il. Personne n'a vraiment précisé le nombre des terroristes qui ont envahi le site. «On ne sait pas trop, peut-être 32 mais ils étaient venus à bord de 5 véhicules, des Toyota gonflées, c'est-à-dire qui passent inaperçues parce qu'elles sont quelconques et une seule Station», fait savoir un agent de la sécurité. Comment ça se fait que tous ces terroristes se sont trouvés sur ce site, c'est bizarre, non ? demande un journaliste à un militaire. «Rien n'est bizarre. En 2013, y aurait-il encore quelque chose de bizarre ?», lui rétorque-t-il en souriant. Vous étiez présent le jour du drame ? lui avons-nous demandé. «On n'était pas ici, les gendarmes étaient là», nous a-t-il répondu avec le même sourire. |
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