On
sait que c'est un jeu mais on ne sait pas si c'est un jeu de dominos. Une sorte
de régression vraiment féconde: le départ de Ouyahia entraîne celui de
Belkhadem qui impose celui de Soltani, entre les deux. Puis, par entraînement,
c'est Bensalah qui part et se fait remplacer par trois jeunes de 20 ans ou deux
de quarante ans. Puis les généraux les plus vieux dans les grades les plus
élevés et les plus usés. Puis Goudjil ou Bouhara et Hadjar le tatoué,
eux-mêmes. Et ensuite les plus vieux ambassadeurs algériens en poste, face aux
plus jeunes diplomates algériens pris en otage à Gao ou aux AE. Puis le jeu de
dominos continue : il atteint les vieux ministres : Daho, Ghoullam Allah contemporain
du calife Omar, Medelci qui a 23 ans quand il regarde Bouteflika et qui a plus
de 70 ans quand il est seul. Puis Cherif Abbas, puis Guenaïzia puis Ould
Khelifa le président de l'APN. Un à un, cheveu par cheveu, dans une sorte de
vaste lifting de la face du pays, parce que le pays le vaut bien. Une sorte
d'effet domino endogène, printemps algérien sans armes ni violences, juste avec
de petites secousses telluriques, en approches indirectes, par traitement
localisé des rides et de la peau et des idées. A la fin, vers 2014, il ne
restera alors que Bouteflika, encastré dans l'angle de la souveraineté et qui,
par un geste d'une grandeur inattendue, pose une lettre d'adieu sur le rebord
du bord et dit : que jeunesse se fasse et s'en va dans une sorte de magnifique
générique de film qui grimpe, sur fond de musique émouvante, vers un coucher de
soleil comme dans les vieux westerns. Nous laissant enfin un pays vraiment
libre à refaire selon nos âges et celui des âges à venir. Un temps immense qui
ressemble à la première semaine de l'indépendance, cette époque où tout était à
portée de main, où tous avait 23 ans, où la vie était belle parce qu'elle
venait de naître et pendant lequel il suffisait de rire pour dessiner un
drapeau et de courir pour rattraper la liberté. Une sorte de printemps algérien
sans une seule vitre cassée.
Sauf
que ce n'est pas vrai. Le licenciement de Belkhadem n'est pas une révolution,
ni un changement, ni un Printemps. Il sera remplacé par plus vieux encore, de
plus en plus et toujours. Seule quatre voix ont fait la différence entre le
maintien du tamponné et son départ. C'est vous dire que rien n'a changé. Le
pays reste en l'état : il vivra vieux et crèvera jeune. Être jeune est un vieux
rêve algérien.