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L'économie
mondiale présentera cette année un certain nombre de similitudes avec le
contexte qui a prévalu en 2012. Aucune surprise à l'horizon : nous nous
apprêtons à connaître de nouveau une année de croissance mondiale de l'ordre de
3% en moyenne, néanmoins marquée par une reprise à plusieurs vitesses - taux de
croissance annuels toujours en dessous de la normale s'élevant à 1% dans les
économies développées, et taux proches de la tendance, atteignant 5%, sur les
marchés émergents. D'un autre côté, plusieurs différences importantes se
dessinent également.
Les efforts de désendettement douloureux - à savoir moins de dépenses et davantage d'économies afin de réduire la dette et l'effet de levier - demeurent la démarche de la plupart des pays développés, impliquant par définition une croissance économique lente. Mais cette austérité budgétaire ira cette année jusqu'à concerner la plupart des économies développées, et plus seulement la périphérie de la zone euro ou le Royaume-Uni. L'austérité est en effet en train de gagner le cœur de la zone euro, de même que les États-Unis et les autres pays développés (à l'exception du Japon). Compte tenu de la simultanéité des réductions de dépenses dans la plupart des économies avancées, ce que nous prévoyions comme une année de croissance médiocre pourrait bien consister en une période de contraction pure et simple dans certains pays. Étant donné la croissance anémique de la plupart des économies développées, la reprise des actifs risqués ayant débuté au deuxième semestre de l'année 2012 ne saurait avoir été la conséquence d'une amélioration des fondamentaux, mais plutôt de nouvelles vagues de mesures monétaires non conventionnelles. Les banques centrales de la plupart des économies développées - Banque centrale européenne, Réserve fédérale américaine, Banque d'Angleterre, et Banque nationale suisse - se sont livrées à une forme d'assouplissement quantitatif, et il est probable qu'elles soient rejointes par la Banque du Japon, qui est encouragée à prendre davantage de mesures non conventionnelles par le nouveau gouvernement du Premier ministre Shinzo Abe. Par ailleurs, plusieurs risques apparaissent à l'horizon. Tout d'abord, le mini-accord relatif à la fiscalité américaine n'a pas totalement écarté le pays du mur budgétaire. Tôt ou tard, de nouveaux combats sanglants sont voués à se jouer sur les sujets du plafond de la dette, du report des restrictions budgétaires automatiques, ou encore d'une certain " loi de finance provisoire " du Congrès (accord destiné à permettre au gouvernement de continuer de fonctionner en l'absence d'un projet de loi de crédits). Les marchés pourraient bien de plus en plus avoir à craindre une nouvelle falaise budgétaire. Et le mini-accord actuel implique lui-même un certain freinage fiscal - environ 1,4% du PIB - dans une économie dont la croissance a peiné à atteindre les 2% au cours des derniers trimestres. Deuxièmement, bien que les initiatives de la BCE aient permis de réduire les risques de catastrophes pour la zone euro - une sortie de la Grèce et/ou une perte d'accès au marché pour l'Italie et l'Espagne - les difficultés fondamentales de l'union monétaires n'ont toujours pas été résolues. Combinées à l'incertitude politique, elles ne pourront que réapparaître avec force dans la seconde moitié de l'année. Après tout, stagnation ainsi que récession pure et simple - exacerbées par une austérité budgétaire concentrée en début de période, par un euro fort, et par la crise du crédit - restent la norme en Europe. Demeurent pas conséquent des stocks de dette publique et privée considérables - si ce n'est écrasants. De plus, compte tenu du vieillissement des populations et d'une faible croissance de la productivité, les prévisions de production seront certainement érodées à défaut de réformes structurelles plus agressives dans la stimulation de la compétitivité, ne laissant aucune raison au secteur privé de financer des déficits chroniques de compte courant. En troisième lieu, la Chine a dû recourir à une nouvelle vague de stimulation monétaire, budgétaire et financière pour appuyer un modèle de croissance déséquilibré et intenable, basé sur un excès d'exportations et un investissement fixe, une épargne élevée ainsi qu'une faible consommation. D'ici le deuxième trimestre de cette année, l'effondrement des investissements dans l'immobilier, les infrastructures ou encore la capacité industrielle est voué à s'accélérer. Par ailleurs, étant peu probable que le nouveau leadership du pays - conservateur, gradualiste et axé sur le consensus - accélère la mise en œuvre des réformes nécessaires à l'augmentation des revenus des ménages et réduire les économies de précaution, la consommation en tant que part du PIB n'augmentera pas suffisamment pour compenser les choses. Ainsi, le risque d'atterrissage brutal est voué à se manifester d'ici la fin de l'année. Quatrièmement, de nombreux marchés émergents - parmi lesquels les BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine), mais également beaucoup d'autres - connaissent aujourd'hui un ralentissement de leur croissance. La source de leur problème n'est autre que leur " capitalisme d'État " - importance du rôle des compagnies étatiques, rôle encore plus considérable des banques étatiques, ressources nationalisées, industrialisation de substitution des importations, protectionnisme financier, et contrôles sur les investissements directs étrangers. La question de leur propension à adopter des réformes destinées à booster le rôle du secteur privé dans la croissance économique demeure ouverte. Enfin, de sérieux risques géopolitiques sont à prendre en compte. Le Moyen-Orient tout entier - du Maghreb jusqu'à l'Afghanistan et au Pakistan - est socialement, économiquement et politiquement instable. Le Printemps arabe est en effet en train de se changer en hiver arabe. Bien que l'éventualité d'un conflit militaire ouvert opposant Israël et les États-Unis à l'Iran demeure peu probable, il apparaît clair que les négociations et les sanctions ne conduiront pas les dirigeants de l'Iran à abandonner leurs efforts de développement d'armes nucléaires. Israël refusant d'accepter l'existence d'un Iran doté de l'arme atomique, et sa patience ayant des limites, les tambours de la guerre ne peuvent que résonner de plus en plus fort. La prime à la peur sur les marchés pétroliers pourrait se renforcer significativement et augmenter les prix du pétrole jusqu'à 20%, entraînant des effets négatifs pour la croissance aux États-Unis, en Europe, au Japon, en Chine, en Inde, ainsi qu'au sein d'autres économies développées et d'autres marchés émergents importateurs nets de pétrole. Bien que toutes les conditions d'une tempête généralisée - qui verrait tous ces risques se matérialiser sous leur forme la plus virulente - ne soient pas réunies, la manifestation d'un seul de ces risques suffirait à paralyser l'économie mondiale, et à la plonger dans la récession. Et même s'ils ne se manifestent pas tous de la manière la plus extrême, tous ces risques se réaliseront tôt ou tard sous une forme ou une autre. En ce début d'année 2013, il semble que les risques pour l'économie mondiale rassemblent leurs forces. Traduit de l'anglais par Martin Morel * Nouriel Roubini est président de Roubini Global Economics (www.roubini.com), et professeur à la Stern School of Business, de NYU. |
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