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Algérie Télécom
n'a pas de problème d'argent. « C'est une entreprise rentable », affirme son
P-DG. Mais elle peine à mettre en place un service après-vente efficace en
raison, entre autres, de la vétusté des câbles et le vol de leur cuivre. « Ils
vont être remplacés à la fin 2016 sur l'ensemble du territoire national, »
assure Azouaou Mehmel. Dans
cet entretien, il pointe, aussi, du doigt, les difficultés à gérer « un monde
virtuel qui échappe au fisc. »
Le Quotidien d'Oran : Pourriez-vous nous préciser les filiales qui sont dans le portefeuille d'Algérie Télécom ? Azouaou Mehmel : Algérie Télécom est issu de la restructuration du secteur de la Poste et des Télécommunications, à la faveur de la loi 2000-03 (poste et autorité de régulation). L'entreprise s'occupe de tous les segments de la Télécommunication. En 2004, il y a eu la création d'une filiale pour le segment mobile (Mobilis), pour des soucis de séparation de l'activité vis-à-vis de la concurrence. En 2006, il y a eu la création de deux autres filiales, ATS pour l'activité de tout ce qui est services et des activités télécoms par satellite, et Djaweb pour tout ce qui est service Internet. En 2009, la filiale Djaweb a été défilialisée, donc dissoute, et l'activité a été reprise par la maison-mère qui est (Algérie Télécom). En 2012, il y a eu deux autres nouvelles filiales, ATIP (infrastructures passives) et ATB, en perspective du lancement de la 4G. A l'époque, on pensait filialiser des activités, mais on s'est ravisé parce qu'on s'est dit que la tendance mondiale, en termes de services, c'est la convergence. ATB, filiale créée pour commercialiser la 4G, a été dissoute. Nous comptons, aussi, dissoudre ATIP. Algérie télécom est en plus actionnaire dans deux autres secteurs, la SITA (ex AETC), une entreprise qui était filiale de Sonatrach et Sonelgaz, et qui exploitait tous les excédents de leurs fibres optiques. C'est sur décision gouvernementale qu'Algérie Télécom en est devenu l'actionnaire majoritaire et des parts de capital restent détenues par Sonatrach, Sonelgaz et la SNTF. Sa mission principale est de commercialiser auprès des opérateurs de télécoms, les surplus de fibre optique ou de bandes passantes de ces entreprises. Nous avons, par ailleurs, acquis une grosse part du capital de la filiale SATICOM qui appartenait au CDTA (Centre de développement des technologies avancées), sous tutelle du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. L'objectif de cette filiale qui est une sorte de startup, est de valoriser, sur le plan commercial, tous les développements dans les nouvelles technologies. Sur le plan purement pratique, nous disposons de quatre filiales, Mobilis, ATS, SITA et SATICOM. Q.O.: Pourquoi ces dissolutions ? A. Mehmel: Leur viabilité en tant que filiales indépendantes, n'était pas possible à l'époque. Ça été le cas de Djaweb. En 2007-2008, il y a eu, en effet, la décision de réduire les tarifs de l'ADSL de 50%. Ce qui n'était pas rentable pour la filiale. On était obligé de lui facturer des liens. Elle devait être présente sur tout le territoire national, contrairement à tous les ISP (fournisseurs privés d'Internet) qui, eux, vont à la rentabilité. Djaweb ne pouvait avoir de viabilité commerciale. Q.O.: Mais qui décide de telles réductions sans en peser les conséquences ? A. Mehmel : C'est un ministre et les entreprises doivent assumer. Q.O.: Sans aucune étude de marché ? A. Mehmel : Sans aucune étude de marché. Aujourd'hui, il y a des gens qui disent qu'Internet coûte plus cher en Algérie qu'ailleurs. Il faut voir combien coûte la mise à disposition d'Internet en Algérie par rapport à d'autres pays. Q.O.: Elle coûte plus cher qu'ailleurs ? A. Mehmel : Oui, parce que les investissements sont plus importants. Fournir Internet sur un territoire aussi étendu à 1.000 personnes réunies et au même nombre mais éparpillé, ce n'est pas le même investissement. Le tarif ne doit pas être le même. Mais on ne peut pas facturer, différemment, un client qui se trouve à Alger par rapport à un autre à Illizi. Ce n'est pas possible. Q.O.: La connexion à Illizi est-elle assurée tous les jours ? A.Mehmel : Oui. Q.O.: Mais à Alger, les coupures sont quotidiennes ? A. Mehmel : Les coupures, c'est un autre problème. Le volet qualité de service, chez Algérie Télécom, dépend de l'emplacement des équipements. Ceux qui sont actifs se trouvent chez nous, dans nos propres espaces que nous contrôlons. Mais tout ce qui relie le client vers Algérie Télécom, ce sont des supports que nous avons posés sur le domaine public. Un câble est sujet à des agressions. Les coupures résultent de ça. Nous avons des coupures quotidiennes de câbles qu'on rafistole. Il y a, aussi, un vieillissement des câbles existants, ils ne peuvent supporter le haut débit que tout le monde veut avoir. Aujourd'hui, pour l'avoir, il faut changer tous les câbles. Q.O.: Les agressions sont importantes ? A. Mehmel : Les coupures sont en général, volontaires sur la partie cuivre dont le vol est un phénomène mondial. Pour l'atténuer, nous essayons de diminuer la proportion cuivre dans le réseau. On est en train de remplacer, progressivement, les grands supports en cuivre en plaçant des équipements, le plus proche possible des abonnés. Même l'architecture du réseau a changé. Avant, on avait un immense central téléphonique et des abonnés qui se trouvent jusqu'à deux ou trois kilomètres de ce central. Aujourd'hui, on est passé à une architecture distribuée. On a, pratiquement, cassé le grand central et on l'a réparti sur des quartiers où on se rapproche, le plus des abonnés. Le câble en cuivre qui devait réserver deux fils pour chaque abonné, a été changé par des câbles de fibre optique qui arrivent jusqu'au central, à partir duquel on assure la partie abonnés. Aujourd'hui, on est en train d'installer des petits centraux qu'on appelle les MSAN (les nœuds d'accès multiservices) qui arrivent jusqu'à la cité où on a un réseau de distribution de l'Internet et de la téléphonie. Q.O.: Pourquoi ces précautions n'ont-elles pas été prises avant le lancement d'Internet pour éviter les vols, les agressions et les pertes de temps et d'argent ? A. Mehmel : Il y avait le souci des capacités de l'entreprise et aussi celles des ressources humaines qui n'étaient pas formées pour. Il y a aussi, les problèmes de contractualisation. Auparavant, on avait les modes d'acquisition, au niveau de l'entreprise, mais aujourd'hui, c'est une entreprise qui est un peu traumatisée, par rapport aux marchés et aux prises de décisions. Q.O.: Pourquoi est-elle traumatisée ? A. Mehmel : Une entreprise qui a eu trois P-DG successifs qui sont passés par la case prison, ça laisse des traces. Les gestionnaires ont tous peur au niveau du secteur public... Q.O.: « La case prison » pour de mauvais actes de gestion, prouvés, non prouvés ? A.Mehmel : Je ne vais pas commenter des décisions de justice. Aux yeux des gens, quand vous passez sur le poste d'Algérie Télécom, vous pouvez passer dans la case prison. Q.O.: C'est tout le secteur public qui a pâti de la pénalisation de l'acte de gestion, mais il a été dépénalisé, non ? A. Mehmel : Dans Algérie Télécom, c'est différent. On gère une activité qui touche le citoyen, directement. C'est chaque citoyen qui veut Internet, qui se plaint quand sa ligne est coupée, qui réclame? Si on enregistre des retards dans les projets d'investissements ou de mise à niveau du réseau, ça se ressent, tout de suite. Il y a cette réticence dans l'acte de prise de décision. Une décision qu'on peut prendre en une journée, on y met un mois. On tourne en rond pour trouver les mécanismes, convaincre les gens. Il y a cette résistance à signer, à s'engager. Les gens ont peur suite à ce qui s'est passé?C'est vrai, quand on a des responsabilités, il faut les assumer. Q.O.: C'est pour cela qu'Algérie Télécom prend beaucoup de temps pour réagir aux doléances des usagers et «le service après-vente» n'est, pratiquement, pas assuré ? A. Mehmel : Algérie Télécom est une entreprise jeune, elle a commencé à activer en tant qu'entreprise commerciale en 2002- 2003. Elle n'a pas eu, vraiment, un accompagnement. Ce sont les mêmes personnes qui étaient des fonctionnaires qui sont devenues des managers. Ils n'ont pas, nécessairement, les réflexes qu'il faut. Il fallait les former à la culture de l'entreprise. Un fonctionnaire a l'obligation de réalisation, sur la base d'un budget et d'une autorisation de programme. Mais un manager a une obligation de rentabilité. Déjà, au démarrage, on avait ce souci qu'il y allait y avoir quelques actions ratées. A nos débuts, on n'a pas anticipé sur le phénomène Internet. On avait focalisé sur la téléphonie, alors que la tendance, c'était Internet. Stratégiquement, on ne s'est pas positionné pour offrir ce service. On a accusé des retards. L'erreur, aussi, est que tous les opérateurs historiques, à l'origine -et c'est notre défaut- sont des opérateurs techniques, nous sommes des techniciens mais en réalité, on doit réfléchir commercialement. Par exemple, pour ne pas gaspiller de l'argent, on a décidé d'arrêter les factures qu'on envoie aux abonnés et qui arrivent très en retard à cause de la poste. Pour gagner du temps, en plus du SMS qu'on envoie au client, on a mis en place un site électronique. 10.000 clients y ont déjà souscrit. Le service technique doit en principe, suivre le commercial. Q.O.: Mais est-ce que vous cernez les besoins du pays en matière d'Internet, pour pouvoir évaluer les moyens de sa maintenance? A. Mehmel : Aujourd'hui, on l'a fait. Mais avant, c'était la téléphonie mobile qu'il fallait offrir aux citoyens. On n'avait, donc, pas préparé les infrastructures nécessaires pour répondre au besoin de l'ADSL. Il faut, aussi, savoir qu'à la fin de la première décennie 2000, il y avait des dispositions réglementaires qui étaient très contraignantes. De 2010 à 2013, on était soumis aux contraintes du code des marchés publics. On ne pouvait pas rester réactif par rapport à une demande, sachant que nos infrastructures de déploiement, contrairement aux opérateurs privés, sont des accès fil air qui nécessitent de gros investissements. Ce n'est qu'en 2013, qu'on a pu être libéré de cette obligation de marchés publics. On a eu la possibilité d'avoir notre propre réglementation qui respecte, bien sûr, les principes d'équité, de transparence et d'égalité de traitement. Il fallait, encore, laisser les contrats fixes et fermes par rapport à des besoins spécifiques et aller vers des contrats programmes avec des fournisseurs, pour ne pas revenir, chaque année, à l'appel d'offres. C'est grâce à ces changements qu'on arrive, aujourd'hui, à prendre les choses en main pour satisfaire la demande. On enregistre une croissance. En matière d'architecture, les équipements de grandes capacités qui concentraient les raccordements, sont changés, progressivement, par de nouveaux de petites capacités. On commence, même, à déployer des équipements de fibre optique qu'on peut mettre, carrément, dans l'immeuble. Ce qui va éliminer tous les dérangements qui surviennent sur le fil de cuivre, de donner de très grandes bandes passantes et une meilleure qualité de service. Q.O.: Quel est le niveau de réalisations de ces nouveaux équipements ? A. Mehmel : Pratiquement, 50% des anciens équipements ont été modernisés, à travers le territoire national. Tous les équipements qu'on déploie sont des équipements de nouvelles technologies. Tout va être remplacé, dans l'ensemble du pays, à la fin 2016. Q.O.: L'entreprise a-t-elle les moyens financiers pour mettre en œuvre ses stratégies ? A. Mehmel : Jusqu'à présent, on a fonctionné avec nos propres moyens. Mais on a sollicité un prêt à l'Etat qui a consenti à nous le donner à taux bonifiés. On espère le mettre en place cette année. L'entreprise a une activité assez rentable. Elle a une bonne croissance. Q.O.: Vous gagnez beaucoup d'argent ? A. Mehmel : Oui. En plus, on a beaucoup amélioré le recouvrement. On avait beaucoup de créances qu'on détenait sur des institutions et qu'on a assainies. Il nous reste les anciennes créances pour lesquelles il faut reconstituer les dossiers et traiter. A part ça, on est dans un cycle de croissance à deux chiffres. Notre souci aujourd'hui, c'est la réactivité, en offrant des services dans les délais les plus courts, raccorder encore les clients, les nouvelles cités, et améliorer la qualité de service, au niveau du réseau d'accès. Le véritable chantier, c'est donc le service après-vente. Q.O.: Est-ce que l'Etat ne devait pas attendre un peu avant d'ouvrir le secteur au privé, pour vous donner le temps de vous préparer et éviter les ratages ? A. Mehmel.: C'est vrai qu'on a été pénalisé au début. Les autres pays l'ont fait, progressivement. Ils ont créé d'abord un opérateur économique, ils lui ont laissé le temps de se consolider en tant qu'entreprise commerciale et qu'acteur économique. Ce n'est qu'après qu'ils ont ouvert le marché. Chez nous, tout s'est fait à la fois. En plus, il y a certains opérateurs qui sont des prédateurs, ils profitent? Q.O.: Ceux qui ont décidé d'ouvrir le marché, ne savaient pas que c'étaient des prédateurs ? A. Mehmel : Quand le marché est ouvert, c'est de bonne guerre de vouloir gagner le plus d'argent possible. Q.O.: Mais ils sont soumis à un cahier des charges ? A. Mehmel : On ne va pas reprocher à un opérateur de profiter d'une situation. C'est à nous de mettre des garde-fous pour faire en sorte qu'il gagne de l'argent sans fraude, en respectant les règles de concurrence. En plus, les opérateurs étrangers avaient, déjà, de l'avance sur Algérie Télécom où les gens n'étaient pas formés pour ces nouveaux métiers. Ce sont des multinationales qui ont opéré dans plusieurs pays, qui ont des usages de ce domaine? Q.O.: Vous êtes classé combien par rapport à eux ? A. Mehmel : Sur le segment mobile, il y a une reprise avec la 3G. Bien sûr, ils ont pris une avance mais les choses commencent à s'équilibrer. Mais il faut savoir que contrairement aux marchés matures, européens, nord-américains et autres où l'évolution du secteur s'est faite normalement, les clients, chez nous, ont un comportement complètement différent, ils sont volatiles. La majorité des clients que les trois opérateurs revendiquent, sont en général des clients qu'ils partagent entre eux. Q.O.: Mais les clients vont en général, vers l'opérateur qui offre des services de qualité? A. Mehmel : Il y a un équilibre entre les trois opérateurs qui activent en Algérie parce que les clients ne sont pas fidèles à un seul opérateur. Beaucoup ont, au moins, deux puces différentes qu'ils utilisent en fonction des promotions, de la qualité de la couverture, des offres? Q.O.: A propos de couverture, Mobilis ne l'assure pas partout comme sur certains tronçons de l'autoroute Est-Ouest. Est-ce que c'est une question de moyens ? A. Mehmel : Bien sûr. Pour mettre des sites de couverture sur les axes routiers, il faut des équipements reliés à l'énergie et aux transmissions. Dans le Nord, c'est moins compliqué quand il y a la fibre optique, que dans le Sud où il faut solliciter le satellite qui a un coût. Les revenus générés ne permettent pas d'amortir ce coût. Dans le cas de l'autoroute, il y a certains endroits où il n'y a pas d'énergie. Il y a des études pour régler ces deux contraintes, dans le Nord, au cas par cas. Le Sud, c'est plus complexe parce qu'il faut assurer les sites en carburants qu'il faut aussi sécuriser. On ne peut laisser un groupe électrogène sans protection. Même les panneaux solaires ont été volés. Tout s'exporte aux frontières? Q.O.: Il y a quelques années, la ligne fixe était rapidement installée mais aujourd'hui, on a des difficultés à l'avoir, pourquoi ? A. Mehmel : Il y a eu une période où la demande a baissé à cause du mobile. Mais aujourd'hui, la demande a augmenté du fait de l'ADSL. Il y a une très forte demande sur les accès Internet fixes malgré l'existence de la 3G. On est dépassé, dans la mesure où il y a des délais de mise à disposition. On y a pallié, un petit peu, avec la 4G. Comme c'est du sans fil, on est en train d'installer des sites. Là où il y a de la couverture, il n'y a pas de problèmes, mais là où c'est saturé, on doit patienter encore. Si on se met à vendre à tout va, la qualité se dégrade. Q.O.: C'est pour ça qu'on n'a pas, facilement le modem, de la 4G au niveau de vos agences ? A. Mehmel : On ne peut pas arnaquer les citoyens. Si on vend à tout le monde, personne n'aura accès à Internet. Il y a des sites qui sont saturés. On est en train de travailler pour faire des extensions. Sur le réseau fil air (ADSL), on est en train d'avancer pour satisfaire la demande. Mais le gros problème, c'est le service après-vente avec l'assainissement du réseau existant, surtout au niveau des grandes villes. Les anciens réseaux dans Alger-centre, Oran, Constantine, doivent, tous, être remplacés. Tant qu'on est avec ces supports, on ne peut en assurer la qualité. On a décidé d'ailleurs, de changer complètement l'organisation du service après-vente pour pouvoir répondre à cette nouvelle forme d'usage du fil air. A Alger, nos équipes vont être disponibles 7 jours sur 7, jusqu'à 23h, pour en assurer la maintenance et réparer les dérangements, une fois qu'ils sont signalés. Q.O.: On peut les appeler sur un numéro vert? A. Mehmel : Il y a le 100, mais on est saturé au niveau du centre d'appels. On compte mettre en place un nouveau centre d'appels au cours du premier trimestre 2016. On pense même externaliser certaines activités, pour les sous-traiter. Aujourd'hui, on a un centre d'appels avec deux annexes, à Oran et à Constantine, et qui gère les réclamations de tout le territoire national. Ce n'est plus possible de rester sur la même organisation. On pense à mettre un centre d'appels par wilaya. Q.O.: Vous allez sous-traiter avec les jeunes de l'ANSEJ ? A. Mehmel : oui, on a déjà des contrats sur la partie réalisations d'infrastructures, pose de câbles, maintenance? On a une convention avec des micro-entreprises de l'ANSEJ. On avait un déficit en entreprises pour l'assainissement de tout le réseau. Le défi pour nous, c'est de réaliser notre plan de développement, dans les plus brefs délais pour satisfaire les nombreuses demandes. Q.O.: Des entreprises aussi jeunes peuvent-elles se charger de telles réalisations ? A. Mehmel : Dans le cadre de la convention, l'ANSEJ les finance pour l'acquisition des équipements, nous, on leur assure une formation technique, et on leur garantit un plan de charges. La première activité qu'on externalise, c'est l'entretien du réseau, suivra celle des centres d'appels pour la prise en charge des réclamations à l'intérieur du pays. Q.O.: Le problème est que même quand on se déplace au centre, vos équipes ne viennent pas. A. Mehmel : C'est lié à l'organisation, on est encore, jusqu'à un certain degré, un opérateur technique. Les Actels (agences commerciales) sont des points de contacts où on peut souscrire à son abonnement et payer sa facture. Mais en cas de réclamation, ce n'est pas sûr qu'elles envoient un technicien parce qu'il ne dépend pas d'elles. Le service technique doit être un outil de production. C'est pour cela qu'on l'a rattaché à la fonction commerciale de ces agences dont les prérogatives ont été élargies. Les équipes techniques sont devenues des entités opérationnelles. C'est un portefeuille de clients qu'elles sont obligées de gérer et convenablement. L'organisation a été changée, au milieu de l'année dernière. On a recruté pour ces agences, 300 techniciens pour Alger qui pourront répondre aux besoins d'intervention 7j/7 et jusqu'à 23h. On constate déjà que dans certaines zones, il y a zéro dérangement. Nous avons l'ambition de passer à un opérateur de services et pas juste de câbles. Q.O.: Est-ce que vous vous sentez concerné par l'article 66 de la loi de finances 2016 ? A. Mehmel : Ce sont des décisions politiques qui dépendent de la conjoncture. Ce sont des choix. C'est au propriétaire de décider parce que derrière toute action, il y a un objectif. Pour Algérie Télécom, on n'est pas dans un besoin d'argent pour lequel l'ouverture de capital pourra nous rapporter quelque chose. Q.O.: En quoi consiste le contrat de Mobilis avec l'opérateur français Orange ? A. Mehmel : C'est un contrat commercial qui permet à Orange, en France, d'offrir des forfaits à notre communauté. Pour 5 euros, les Algériens de France peuvent appeler, en illimité, vers des numéros Mobilis en Algérie. Le but pour Orange est de capter tout le réservoir de la communauté émigrée qui appelle en Algérie. Mobilis a dû faire à Orange, des tarifs préférentiels de terminaison d'appels. Il a une autonomie sur le segment mobile comme tous les autres opérateurs. Q.O.: Mais que gagne Mobilis dans ce contrat ? A. Mehmel : Il se dit qu'il va gagner toute la base client en Algérie qui se déplace en France. Il doit attendre la réaction du marché. Q.O.: Mais Viber ne casse-t-il pas cette prétention ? A. Mehmel : Viber a cassé beaucoup d'autres, bien avant, il est sur tout ce qui est valeur ajoutée. Des opérateurs déploient des réseaux à travers des infrastructures qui coûtent énormément cher et d'autres comme Viber qu'on ne sait même où il est domicilié, développe la téléphonie IP (Protocole Internet) pour capter toutes les connections? Q.O.: On dit que derrière Viber, il y a le Mossad israélien ? A. Mehmel : A l'origine, c'est une startup israélienne qui a développé une application qu'on installe sur le Smartphone. Dès qu'il y a un endroit wifi, on peut se connecter et on peut passer toutes les communications sur Internet à partir du Smartphone. Viber se permet de télécharger tous les répertoires? Q.O.: Pour les mettre sur les tablettes du Mossad ? A. Mehmel : (Rires). Une fois qu'il les ait téléchargés, Viber renvoie à leurs propriétaires la liste de ceux qu'ils connaissent et sont sur son application? Q.O.: Algérie Télécom semble avoir mis en route plusieurs chantiers. Pourra-t-elle s'en sortir à temps ? A. Mehmel : Aujourd'hui, nous insistons beaucoup pour investir dans le fil air, avoir plus de bandes passantes pour répondre aux besoins de connections qui augmentent. On parle, déjà, de maisons intelligentes, on privilégie, donc, les accès fil air par des investissements sur le réseau câblé. Quand à la partie agrégation, à l'échelle nationale, on est à 70.000 km de fibres optiques. Notre objectif, c'est de poser au moins 10.000 km par an. Ceux qui planifient l'urbanisme en général doivent intégrer l'emplacement de la fibre optique. Chez les promoteurs privés, c'est fait. Ils réalisent déjà des pré-câblages. A Oran, il y a certaines cités qui l'ont eu, avec un très haut débit, les habitants sont très contents de la qualité de service. Notre vision est que, dès qu'un client habite un nouveau logement, il peut déjà brancher son ordinateur à Internet. C'est peut-être futuriste, mais c'est faisable. Il y a une cité pilote à El Harrach qu'on est en train d'aménager, avant que les gens ne l'habitent. Q.O.: Où en est « l'affaire » du câble coupé à Annaba ? A. Mehmel : Je rappelle que le câble s'était accroché à l'ancre d'un navire étranger qui était, dans une zone de mouillage interdite. La solution de facilité pour l'armateur était de le couper. Le navire a été saisi, l'armateur a déposé une caution pour pouvoir le libérer mais on a refusé. Il avait lancé une action en référé. On négocie avec lui pour dédommager Algérie Télécom. Ce n'est pas, encore tranché. Le navire est toujours à Annaba. Je pense qu'on pourra arriver à un arrangement. Q.O.: Comment l'autorité de régulation gère-t-elle les choses dans un marché qui s'est imposé en peu de temps ? A. Mehmel : Les opérateurs mobiles et les fameux ISP (fournisseurs de services Internet) ont profité d'une certaine conjoncture où il y avait un vide sur le plan réglementaire pour s'installer comme acteurs économiques. L'Autorité de régulation essaie de réguler le marché, ce n'est pas facile. Sur le segment mobile, c'est un marché émergent à prédominance prépayé. Ce sont des clients volatiles. Le mode prépayé existe par les ventes de crédits (flexy?). C'est du virtuel. C'est de l'immatériel. On a attiré l'attention, sur ce manque de transparence. Ce sont des pratiques qui échappent, complètement, au fisc. Aujourd'hui, il n'y a plus de recharge, donc plus de traçabilité. Il faudrait avoir la compétence et les moyens techniques pour s'interconnecter au réseau des opérateurs. Et c'est là où c'est complexe. L'Autorité de régulation doit avoir les moyens pour pouvoir contrôler ce commerce. Le fisc doit, aussi, le faire mais il faudrait qu'il ait les expertises nécessaires. Q.O.: Ce monde virtuel peut-il poser des problèmes de sécurité ? A. Mehmel : C'est à l'Etat de contrôler par la fiscalité, les activités des opérateurs. Il faut qu'il ait les moyens de connaître les volumes d'échanges avec l'étranger parce ce que ce sont en réalité et d'abord, des volumes de monnaies. Q.O.: Est-ce qu'on contrôle Internet en Algérie après que « les printemps arabes » sont passés par les réseaux sociaux? A. Mehmel : On voit, aujourd'hui, qu'Internet et les réseaux sociaux ont un impact d'une puissance énorme. Google et Facebook, à eux deux combinés, ont fait peut-être beaucoup plus qu'ont fait tous les services de renseignement du monde réunis et ce, depuis que le renseignement existe. Ils ont accumulé une masse énorme de renseignements sur les gens. Ils savent tout. Le contrôle d'Internet ne relève pas de nos prérogatives. C'est à l'Etat de le décider ou pas. Pour les pays occidentaux, tant que c'étaient des printemps arabes, ils n'étaient pas dérangés. Mais depuis que le terrorisme les a touché, il y a, aujourd'hui, des pays qui chantaient la liberté d'expression qui sont en train de voter des lois contre l'utilisation libre d'Internet. Ce sont des outils qui sont utiles. Mais c'est comme un couteau, on coupe du pain avec mais on peut, aussi, tuer avec. La où c'est dangereux, il n'y a pas une limite d'âge pour l'utilisation de ces outils. Tout le monde est sur les réseaux sociaux, il n'y a presque plus de vie de famille. La cellule familiale et l'école doivent en expliquer les dangers. Il y a un travail d'éducation à mener auprès des jeunes. |
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