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1ère partie Hier, sous les affres de la colonisation, intentionnellement affublé du surnom infamant et humiliant de pirate, corsaire, ruffian, indigène, fellagha... ; aujourd'hui taxé et fiché en non-stop de terroriste1, de fanatique, d'extrémiste..., l'Arabe ne déroge décidément pas de sa posture de coupable perpétuel envers lequel se concentrent, se focalisent et se cristallisent toutes les animosités, tous les bellicismes amèrement tenaces; toutes les noires rancoeurs et sournoises veuleries d'idéologues-bouffons, nourris-logés quotidiennement au fiel de la haine sordide, grabataire et à hauteur de ras-du-sol ; le tout doublé d'un racisme primaire, aveugle autant qu'impénitent. Toute une terminologie spécifiquement/spécialement confectionnée et réservée expressément, explicitement et invariablement à l'Arabe, est périodiquement déployée2, activée (réactivée/suractivée), aux fins plus qu'évidentes d'éloigner les pays arabo-musulmans du centre de gravité décisionnel du monde d'aujourd'hui. Eloigné, marginalisé, celui-ci se trouve confiné dans une position inchangée de spectateur/consommateur et de fait, carrément exclu des grandes manoeuvres qui dessinent, tracent, configurent et formalisent la carte du monde de demain. L'Arabe «bouc émissaire», l'Arabe «indésirable», l'Arabe «bougnoule»..., il l'est et le restera probablement tant que l'Occident boursouflé, lourdement engoncé de son obésité et obséquiosité ostentatoires n'arrivera pas à se défaire de ses peurs exagérées et de sa haine inlassablement exaspérée de l'Autre; et, parallèlement, de sa révulsive suffisance ainsi que sa folle prétention à incarner l'Universel absolu, de son mépris à l'égard des autres cultures et des autres peuples souvent spoliés et iniquement dépossédés de leurs ressources humaines et naturelles tout autant que de leur patrimoine civilisationnel et culturel. L'Arabe fait donc toujours figure de sauvage/barbare/rebelle/hors-la-loi/forban/... que seule la fréquentation assidue et surtout inconditionnelle de la civilisation occidentale est susceptible de rendre conforme et d'élever au rang d'être civilisé, et partant, peu ou prou fréquentable. Quelle bien curieuse et singulière façon de prôner le dialogue, la convivialité, le rapprochement et la tolérance ! Quelle culottée et cavalière manière d'envisager les rapports entre des cultures et civilisations heureusement diverses, prolifiques et plurielles ! Pour un peu, et l'on serait tenté de dire que l'Occident attend de nous autres Arabes, en particulier, que nous lui ressemblions non seulement physiquement et caractériellement (Dieu nous en garde !) mais que, en plus, nous soyons des élèves modèles et, surtout, dociles. Le forcing entretenu atteint les limites de l'intolérable allant même jusqu'à nous mettre en demeure de ne point faire état de nos sensibilités légitimes à l'égard de notre religion et des pratiques subséquentes qui nous y affilient et nous y rattachent pour l'éternité. Du reste, il ne souffle mot à voir certains des nôtres s'encanailler, troquer le turban contre le béret et même s'égarer inexorablement dans ses chausse-trappes vermifuges, ses coupes rosacées ou coupe-rosées. Si cela ne relève pas du totalitarisme et du diktat civilisationnel purement et simplement, alors nous voudrions bien accepter qu'on nous fasse prendre des vessies pour des lanternes ! A bien des égards, l'Occident/pachyderme fait souvent office d'obturateur/obstructeur en empêchant d'autres sociétés de s'aérer, s'émanciper et fonctionner à leur convenance, c'est-à-dire à leurs rythmes propres de progression, d'essor et d'évolution. Et nous revient ici à l'esprit la sage et directe réplique du philosophe grec Diogène, ayant choisi d'élire domicile dans un tonneau, à l'adresse d'un certain Alexandre qui, probablement enivré ou chauffé par ses victoires comptabilisées, lui demandait négligemment s'il avait besoin de quelque chose. « Oui, que tu t'ôtes simplement de mon soleil ! », fut sans détours et sans hésitation la fulgurante, résolue, catégorique réponse du vieux sage... Dans le fourre-tout actuel des excroissances, pédoncules et férules pluriels prenant naissance dans le sillage du laminoir de cette culture dite occidentale, le mercenariat-fanfaron-trublion décliné à tous les tons, tous les modes et toutes les sauces. Ce mercenariat versatile et nomade existe, subsiste et périclite toujours puisque l'on peut voir, ici et là, d'anonymes esbroufes et autres hirsutes hurluberlus, souvent sous couvert de voyages ou de randonnées soit-disant touristiques, s'adonner sans vergogne à des rapines organisées et méthodiquement planifiées de symboles culturels3 des pays visités leur ayant pourtant offert le gîte, le couvert et l'hospitalité, polluant même dans leurs fougueuses et satiriques randonnées motorisées des sites pourtant dûment protégés par des conventions internationales parce qu'appartenant au patrimoine mondial de l'Humanité... Le «braconnage» et le pillage systématiques continuent donc de sévir sous nos cieux, relayés en cela, il est vrai, par des courtiers/smasria locaux étonnamment serviles/débiles et qui, plus est, «adorateurs» de toute monnaie sonnante et trébuchante. Et au bout du compte, l'on découvre que l'esprit aventurier n'est donc formellement reconnu qu'aux seuls Occidentaux. Pour les autres, une seule et unique alternative : l'obligation à tour de bras de bras de visas demeurera une barrière «apartheidesque» infranchissable puisque, en tout état de cause, il est décidé que quoiqu'ils fassent, de toute façon ils n'auront jamais ces foutus visas. Surtout que, en la matière, les prétextes ne manquent pas comme savent si bien les inventer, in fine, nombre de ronds de cuir rondelets. Visiblement donc, les Arabes/Musulmans avancent en terrain miné et en même temps sommés de marcher, où qu'ils soient et quels qu'ils soient, les mains sur la tête4 et de préférence face contre les murs de toutes sortes et de tous gabarits. Avant même d'arriver au monde, l'Arabe est déjà formellement étiqueté, identifié et jugé coupable un nombre incalculable de fois en se trouvant, dès le berceau, destinataire d'un long et interminable acte d'accusation, rédigé comme de bien entendu en son absence par contumace, placardé en sous-mains sur tous les murs et déclamé/vociféré/proféré, sans répit, par ceux qui ambitionnent d'être les nouveaux baillis/matadors du monde. A voir, en effet, certains parader avec une intense fébrilité devant les caméras de télévision, jambes machinalement écartées, type/profil western et presque dans un état second en s'imaginant probablement être pour de bon dans la peau d'un cow-boy/justicier invincible, il est légitime de se demander si la folie de Néron n'aurait pas muté, génétiquement parlant, dans la tête de quelques fêlés surexcités, sur/dopés, courant aujourd'hui le globe en narguant crânement l'ordre et l'équilibre du monde. L'Arabe, proie désignée de toutes les meutes médiatiques, celles habituellement carnassières et cannibales, est donc comme tenu d'exhiber où qu'il aille un CV politique (toujours les mains sur la tête). Un longiligne et interminable CV où ne sont consignés, comme à dessein, que les aspects dévalorisants et déshonorants. Jamais ceux qui font cas de son sens profond et primordial de la liberté, de la noblesse d'état et de coeur, du sens de l'honneur, de la justice, du courage, de la générosité, de l'humanisme5 franc, profond et sincère... Et on oublie trop souvent qu'une autre ethnie germaine, partageant avec l'Arabe la même similitude de faciès (et souvent même de patronyme), ne se gêne aucunement de lui coller, à son insu, à longueur de temps et sans discontinuer, des «poissons d'avril», usant pour cela de tout l'arsenal médiatique mis gracieusement à sa disposition pour la «bonne cause» ! Avec leurs «chevaux de Troie» éparpillés dans chaque pays arabe, ils ont pour ainsi dire les coudées franches pour s'adonner à ce jeu cynique et lâche, parce que usant parfaitement de la dissimulation et du camouflage sous couvert de faux noms et même de fausses conversions à l'endroit de sociétés les ayant pourtant toujours accueillis, sans discrimination et sans exclusion aucunes. Tout comme on feint d'oublier les dégâts incalculables générés par l'odieuse colonisation et sa pleine/totale responsabilité dans le démoniaque travail de déstructuration, de dislocation et de désagrégation calculées du tissu identitaire des sociétés arabes qui en ont terriblement pâti en continuant d'en payer le prix fort jusqu'à ce jour par ricochets. Une colonisation/vampire qui a toujours privilégié comme «méthodes» : l'humiliation, le mépris, le confinement, le cantonnement, les constantes et interminables menaces pour bafouer, brimer, en continu les sensibilités des peuples opprimés, réduits au silence par tous ce florilège de stratagèmes réunis. Fort de son arrogante puissance (militaire, économique et technologique) et de son ethnocentrisme non moins arrogant, l'Occident/léviathan n'en démord décidément pas de sa vision éculée, totalitaire, faisant de lui, à ses propres yeux, le modèle adulé (unique/absolu/catégorique) à adopter et suivre de préférence sans faire de commentaires. Dans le même temps, on le voit faire la fine bouche sur des dérives/déviations éthiques d'une gravité extrême constatées sur son propre espace «culturel» (cas des enfants-martyrs victimes innocentes d'une criminalité pathogène qui tend à se répéter et proliférer en réseaux à un rythme effarant, unions contre-nature, octroi de «parentalité»6 sous couvert de contrat Pacs («homoparentalité»), traite d'êtres humains, violences conjugales, tourisme sexuel, nuisances extrêmes et autres entorses «transgressatoires» archi-alambiquées...). « L'Occident avec ses chaos, ses contradictions... », selon la formule énoncée de main de maître par J.P. Sartre7, que le confort joufflu, goguenard, pantouflard et lourdement factice/postiche n'avait pas empêché de percevoir assez tôt les potentielles et irrémédiables déviations inscrites dans la genèse même d'un modèle alors pourtant adulé, célébré et porté aux nues par ses lignées d'informes, quelconques, adorateurs. Pas plus qu'il ne s'est guère trompé sur l'encolure incontestablement fasciste/fascisante du colonialisme français en Algérie. N'en déplaise à tous ceux qui, dans un état de délirium politique, lui trouveraient encore quelques «bienfaits» connus d'eux seuls et accessibles à leur seul entendement ! Se prenant même quelque part pour le père-fouettard, l'Occident oublie (ou feint d'oublier) cependant, de prendre lui-même exemple sur une «pédagogie» qu'il n'arrête pourtant pas de prôner/crâner invariablement aux autres. Se préoccupe-t-il pour autant de savoir pourquoi il y a tant de vers dans ses pommiers ? Que non, il préfère de loin aller pique-niquer et gambader dans les fastueux et mirifiques jardins des autres, ne se gênant même plus d'y semer abusivement et outrageusement ses concepts intentionnellement piégés! Pris en tenaille dans un discours volubile et répétitif, jouant invariablement et inlassablement sur les mêmes paramètres, l'Arabe est perpétuellement pris en filature par les «grosses lunettes» de l'Occident (historiens volubiles, ethnologues/anthropologues en décalage horaire, écrivains mollassons, journalistes en pâte modelée et gominée,...). Même dans les romans, tel l'étranger de A. Camus, il n'échappe pas aux mots durs/maudures de plumes, coincées et trempées en biais dans une encre-fiel rouge-sang, distillée en continu dans la démesure alambiquée du sieur Occident (Gamma et/ou Epsilone...), et fait donc souvent les frais d'un meurtre rituel prémédité, fomenté et accompli sur lui après un long scénario-hallali. Même chose au cinéma, où l'Arabe toujours traqué, est pour ainsi dire constamment, systématiquement, dépeint sous les sombres traits d'un drôle de zigoto, et de préférence, «voyou», pour forcer la dose comme il se doit. A suivre * Faculté des Sciences sociales Université d'Oran Note : 1- « Les Arabes ? «Hier pirates, aujourd'hui terroristes», voilà ce que les discours racistes veulent communiquer à un monde en état d'accoutumance aux mythes négatifs ». Cf. Algérie Actualité n°1135, 16-22 juillet 1987, p.28. « Non, il ne s'agit pas d'une gravure antisémite publiée dans la presse d'Extrême droite des années 1930. L'homme au nez crochu, au regard torve, n'a pas la Torah dans la main, mais le Coran. Il est musulman et tourne le dos à la République. Qu'une revue puisse mettre une telle illustration en «une», que des libraires l'affichent, en dit long sur le climat actuel en France. Pourtant, cette couverture de la revue «Cités» (...) est à l'image de l'éditorial et de la présentation des contributions qui relèvent de la propagande ». Cf. Le Monde diplomatique, avril 2004, p.29. 2- « L'Arabe est un éternel barbare. Le regard porté sur les Arabes reste toujours travaillé par une histoire trop controversée et marquée par le discours religieux latent et explicite ». Cf. Le Quotidien d'Oran, 24 juin 2004, p.11. « Le Harrag et le Kamikaze sont les enfants méconnus de l'Indigène, lui-même fils historique du Barbare. (Ils) sont aujourd'hui les seuls êtres vivants que l'Occident perçoit hors de son épiderme parce que, justement, ils rendent visibles l'Occident et sa façon de voir le monde. L'Occident a peur des deux, mais il a peur d'un seul et unique étranger : le barbare absolu, celui d'autrefois et de toutes les fois ». Cf. Le Quotidien d'Oran, 10 octobre 2005, p.3. 3- « Un Britannique qui tentait de faire passer frauduleusement 66 vieux manuscrits islamiques a été arrêté à l'aéroport du Caire ». Cf. Le Quotidien d'Oran, 24 août 2005, p.15. Tout récemment, la ministre de la Culture vient de dévoiler une affaire (dite Frobenius) où il est question d'un « détournement du patrimoine archéologique (...) plus grave que l'affaire Khalifa » avec un aller sans retour de 23 caisses d'ossements préhistoriques et ce, avec la complicité manifeste de nationaux. Cf. Le Quotidien d'Oran, 21 janvier 2006, p .2. 4- Selon les résultats d'une étude réalisée en France par le Cesdip (Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales), « les procédures pour outrage, rébellion et violence sur des policiers aboutissent à une «discrimination irréfutable et systématique» des jeunes d'origine maghrébine ». Cf. Le Quotidien d'Oran, 24 avril 2005, p.15. 5- Il convient pour la circonstance de saluer le courage politique du Premier ministre espagnol José Luis Rodriguez Zapatero pour avoir affirmé, lors du Sommet arabe d'Alger, « que la vision réductionniste qui identifie principalement le terrorisme à une vision radicale et fanatique de l'Islam est une grave erreur » et pour sa proposition faisant état d'une Alliance des civilisations. Cf. Le Quotidien d'Oran, 23 mars 2005, p.4. En posant la question cruciale du sens de l'arabisme pour les peuples s'en revendiquant, J. Berque souligne que « Est arabe, à leurs yeux, tout ce qui apparaît comme antique, comme authentique, comme survivant à toutes les déformations, à toutes les adaptations : bref un trésor soustrait à l'histoire, et que celle-ci n'a pu que dilapider ou aliéner, qu'il faut donc reconstituer, dès que faire se pourra, et rendre à sa première splendeur. Est arabe, en second lieu, ce qui correspond ou s'appelle d'un bout à l'autre d'une sorte d'échange planétaire. Cette unité n'est pas un constat. C'est un voeu, un postulat ». Cité par Mona Chollet in La voix de l'Oranie, 29 juin 2005, p.13. 6- Les doctes, loquaces et érudites plumes, pourtant si promptes en général à enfourcher leurs étalons pour s'adonner à de maints exercices de styles, se montrent fort peu loquaces en la circonstance pour parler du triste et pénible sort qui attend immanquablement ces enfants piégés avant l'heure, confiés à des couples-photocopies paradoxalement dénigrant les voies naturelles de la procréation mais revendiquant néanmoins vouloir en posséder les fruits alors qu'ils persistent à en refuser obstinément les conditions requises pour en jouir «normalement». Et ces enfants-marchandises, chosifiés et troqués à leur insu dans de sordides et immorales transactions, qui donc les dédommagera un jour de leur enfance aussi cyniquement volée, martyrisée et défenestrée ? C'est là où l'on mesure à quel point les louvoiements sont légion dans la rive d'en face et donnent lieu à d'invraisemblables pirouettes pour ne pas se retrouver, par inadvertance, les «quatre fers» en l'air pour cause d'impair médiatique, signifiant pour certains la mise à la trappe assurée. 7- Cf. TV5, 13 juillet 2005. |
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