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Suite et fin Après l'indépendance, le cinéma Colisée baptisé «El Djamel» devint un bien de l'Etat (communal) avec comme directeur Kouider avec sa Vespa 400, puis Si Kara (un ancien membre de l'OCFLN détenu, qui habitait dans la légendaire Dar Sbitar de derb Ouled El Imam à Bab El Hdid ). Son voisin Sbaâ (frère du sympathique musicien Koka), un tantinet acariâtre, y exerçait comme placeur et afficheur avec Ayouni de Sidi Saïd. Au guichet, Rahmoun la charmante caissière de derb Sid El Djebbar (une activité rarissime pour une femme à l'époque) et dans la cabine de projection le sympathique Benamar de derb Djamaâ Chorfa (qui couvait toujours un pipeau sous la veste pour briser la routine) assisté d'un deuxième opérateur en la personne de Larbaoui. Ce projectionniste qui travaillait auparavant dans un atelier de dégraissage d'habillement à Bab El Djiad collaborait avec les fidayine en récupérant les munitions oubliées dans les poches des tenues de combat des soldats français. Une musique classique suggestive (une sorte d'indicatif du Colisée) était invariablement diffusée avant chaque projection. Driss, le fougueux placeur avait souvent des démêlés avec les clients surtout lorsque le cinéma affichait complet. Le marché noir des tickets était en l'occurrence monopolisé par l'inénarrable Charlot de Boudghène avec la complaisance du personnel. Des séquences photographiques du film de la semaine ainsi que celui programmé «Prochainement» (sur l'écran) étaient affichées sur deux cadres vitrés dans le hall du cinéma. Quant aux grandes affiches, elles étaient soigneusement collées au niveau de certains sites, comme El Medress (Saqiet Sbaâ), Bab Sidi Boumédiène (porte), Bab El Djiad (murailles), la place du Mechouar, celle du marché couvert... Les bobines des films (35 mm) expédiées par le CNC (Centre national du cinéma) étaient récupérées à la gare par le projectionniste qui les transportait dans un chariot. Il était payé 70 FR la semaine par l'organisme précité. Grand écran et bandes dessinées Proximité du cinéma oblige, Si Boukli, alias De Gaulle, le mercier se reconvertit dans le fast-food (casse-croûte au thon) avec son inséparable aide apprenti sourd-muet Benaouda. Les abords de la salle étaient squattés par les vendeurs à la sauvette de bandes dessinées (Blek le Roc, Zembla, Akim, Mandrake, Capt'ain Swing, Pampa, Rangers, Kassidy, Ombrax, Kiwi, Rodéo (album), Nevada, Les Pieds Nickelés, Pif, Tom et Jerry, Tintin, Popeye, Bugs Bunny, Pepito... ainsi que les romans-photos tels Satanik, San Antonio, Monté Carlo, Riviéra... ou des romans policiers comme SAS, Chase...). Trois noms se partageaient cette passion ou plutôt se disputaient ce créneau de bouquinistes informels passionnant : Brahim, le fils de Bar'ièdj (le pittoresque vendeur de jus de citron), Allal (l'auteur de ces lignes) qui s'approvisionnait en «gros» auprès des émigrés en vacances et Bouziane l'handicapé (cul-de-jatte). Quant aux mordus de la BD, nous citerons Houari de Derb El Qtout (qui aidait Allal dans sa tâche), Bekkar et Ali de Sidi El Djebbar, Negadi de Derb Sensla, Smahi de Derb Moulay Tayeb, Belhadj Amara de Bab El Hdid, Hamzaoui de El Qalaâ, Meziane de Bel Horizon, Kholkhal de Sidi Tahar et d'autres dont nous ne souvenons que du visage en tant que fidèles clients. Ne supportant cette intrusion «iconique» chez lui (le 9e art narguant le 7e), le directeur Kara nous chassait en criant «Qu'est-ce que cette djoudjqa (foire) !» et n'hésitait pas à appeler à la rescousse la police qui nous saisissait les illustrés étalés sur le trottoir ou sur les escaliers du cinéma quand il n'était pas encore ouvert. A l'affiche : «Les canons de Navarone» avec Gregory Peck et Anthony Quinn, «L'Araignée» d'Edgar Wallace, «Fantômas» avec Jean Marais, Louis de Funès et Mylène Demongeot, «Dracula» avec Christopher Lee, «La revanche du Sicilien» avec Henri Sylva, «Le fantôme de Soho», «Frankenstein», «L'Orient Express», «Jack l'éventreur», «Le train postal Glasgow-Londres», «Le jour le plus long», «Le dernier Samouraï»... Il nous arrivait de rentrer au cinéma Colisée contre 5 boîtes d'OMO ou TIDE vides (à la faveur d'une campagne de promotion via cette salle). Au cinéma Rex géré par Ghouti Snous, on projetait surtout les films hindous : «Mangana», «Janitou»... De part et d'autre de la porte d'entrée étaient affichées dans deux vitrines des photos de films. Depuis la fermeture de la salle, Djamel le projectionniste travaille sous la tutelle de l'APC de Tlemcen (tout d'abord à l'hospice de Bab Sidi Boumediène avant d'être affecté au parc communal en face de la gare). A l'instar des autres salles, le cinéma Rex comportait trois compartiments : l'orchestre, la mezzanine et le balcon qu'on occupait suivant le prix du ticket, qui était respectivement de 26 cts et 35 cts. Les strapontins étaient destinés à ceux qui ne trouvaient pas de place lorsque le cinéma affichait complet. Aujourd'hui, on retrouve ce type de siège de «secours» pliable au niveau des bus. Faute de grives, on mange des merles. Un entracte-buvette de 10 mn marquait la séance. A noter qu'à quelque rare exception, les placeurs à l'époque n'avaient pas encore l'habitude de se reconvertir en vendeurs de douceurs et autres cacahuètes à la faveur de cette pause. L'étroite rue communément appelée «Trig Rex» s'encombrait de la foule lorsque l'«affiche» était alléchante (titre accrocheur, image aguichante ou acteur du box-office). La circulation, notamment piétonnière, y devenait tellement difficile que les gens surtout les femmes empruntaient derb Sidi Brahim pour se diriger vers Bab El Hdid. A signaler que la salle «El Kawwakeb» était sous-gérée pendant un certain temps par M. Brixi qui en a fait un petit «centre commercial» (cinéma, fast-food, articles d'habillement, pièces détachées...). Tout proche, le cinéma-théâtre Lux attirait lui aussi la foule. Et pour cause. Les westerns spaghettis de Sergio Leone et Ennio Morricone et péplums italiens occupaient le grand écran : «Le bon, la brute et le truand» avec Clint Eastwood, Lee Van Cleef et Eli Wallach (l'effet «Ringo» et «Django» incarnés par Franco Nero faisait fureur à l'époque), le duo Bud Spencer et Terence Hill, «Les sept mercenaires» avec Charles Bronson», «Barabbas» avec Jack Palance, «Les rois du soleil» avec Yull Brynner, «Les boucaniers de la Jamaïque» avec Jeff Chandler, «Cléopâtre» avec Richard Burton et Elizabeth Taylor, «Les dix commandements» avec Charlton Heston, «Les gladiateurs» avec Victor Mature, «Romulus et Remus» avec Steve Reeves et Gordon Scott, «Aguirre, la colère de Dieu» avec Klaus Kinski, «Alcatraz» avec Robert Redford, «Luck, la main froide» avec Paul Newman (décédé dernièrement), «Maciste», «La vallée des rois», «David et Goliath», «Le colosse de Rhodes», «La guerre de Troie», «La reine de Saba», «Les sarrasins», «La conjuration des Borgia», «Les cavaliers de l'apocalypse», «Furia à Bahia pour OSS 117»... sans oublier la série de James Bond 007 avec Sean Connery, «Goldfinger» avec James Coburn, «Le pont de Cassandra» avec Richard Harris... Deux souvenirs resteront à jamais gravés dans ma mémoire par rapport au cinéma Lux. Primo : le péplum «Spartacus» me valut ma précieuse collection de BD de «Blek le Roc» que je dus brader pour m'acheter un ticket au noir pour voir ce film. Secundo : fuyant «el qatra» (infiltrations de pluie) et le froid qui sévissaient dans notre vieille maison de la rue Benziane, je me trouvai refuge, bien au chaud, au cinéma Lux où était projeté ce jour-là un film de Mustapha Badie «La nuit a peur du soleil». Ce cinéma était géré par le tandem Bouchnak et Grari avec Moussa à l'appareil de projection et «Zorro» la placeuse qui profitait de l'entracte pour vendre ses glaçons «suggérés» par la pub ciné. Dehors, devant le cinéma, c'était le sympathique Abdou (Benzerdjeb) qui proposait ses cornets de «zari'a» (pépites salées) et autres «torraïcos» (pois chiche grillés)... Par ailleurs, la salle de cinéma Lux a vu défiler plusieurs artistes comme Cheikh Abdelkrim Dali (concert), le musicien Ahmed Mellouk (festival des arts populaires), le chanteur marocain Mohamed El Hayani, le jeune talent Douidi Nasro (Alhane oua Chabab), Hdidouène (spectacle récréatif)... Je me souviens aussi qu'on jetait un quolibet «cinima tahet» (le cinéma Lux est tombé) à Tchiali lorsqu'il passait dans la rue (ce récitant non-voyant du Coran au cimetière Sidi Senouci habitait justement à proximité du cinéma Lux dans le quartier dit Dar Daw). Après une éclipse due à des raisons techniques et juridiques, «El Ifriqia» reprit ses activités en juillet 1997 avant de refermer ses portes. Il fonctionnera en vidéo, proposant deux séances la matinée et une le soir. A l'affiche, des films d'action : «Full contact», «La cible», «Le double impact de Van damme», «Helfout» avec Adel Imam. Quant au prix des places : 15 DA à l'orchestre et 20 DA au balcon. Notons que c'est à la suite d'une décision de la commission de restitution des salles et par arrêté du wali en date du 09.09.96 que cette salle fut rétrocédée à son propriétaire, en l'occurrence M. Abdelhamid Grari. «On a été laminé par 35 ans de nationalisation. Je n'ai pas les moyens pour rénover la salle. Le cinéma algérien est dans une situation critique», se plaindra à nous ce dernier. La fièvre de la télévision en noir et blanc La télévision (en noir et blanc) à l'époque (les années 60) n'était pas «adoptée» dans tous les foyers, c'était un objet de luxe, un mobilier rarissime. Une fois, le fils d'un voisin, Ali de Sidi El Djebbar (qui habitait avec Ali Bahmane, l'ancien entraîneur du WAT), nous «invita» moi et d'autres amis «démunis» (moyennant une somme symbolique, soit un douro) chez lui pour regarder... la télévision. Nous étions épatés par cette découverte, fascinés devant cette merveille : le jingle du générique du journal résonne toujours dans mes oreilles (une musique des frères libanais Rahbani) et l'image de la speakerine Amina restera à jamais gravée dans ma mémoire qui «sauvegarda» ce soir-là une séquence d'un film probablement italien titré «Borg» où une figurine poussait des ricanements effrayants. Intérieurement «désemparés», entendez jaloux, nous nous demandions pourquoi la famille Merzougui (dont le père était pourtant simple agent hospitalier) possédait un téléviseur et pas nous. Problématique sociologique en filigrane. «Je faisais l'école buissonnière pour aller regarder la télé à travers la vitrine du magasin de Karadja à côté de la mosquée de Sidi Brahim, aujourd'hui transformé en café du WAT. Une fois, mon père me surprit le nez collé contre la baie vitrée du magasin, il me gifla. Remarquant l'incident, le propriétaire lui lança : qu'attendez-vous pour lui acheter un téléviseur ! Un «défi» qui n'était pas tombé dans l'oreille d'un sourd», se souvient Ali, un ancien employé de la SNTV. En matière de jeux, on confectionnait notre «cinématographe», une sorte de kaléidoscope, au moyen d'un carton (cadre) sur lequel on pratiquait un gros trou qui tenait lieu de «foyer» à travers lequel on déroulait à deux une sorte de bobine alimentée par un «film» de bande dessinée (une sorte de pellicule formée d'images d'illustrés collées avec de la glu les unes aux autres) et le tour est joué à l'instar du téléphone qu'on fabriquait avec un fil relié à deux boîtes de conserves vides. Le petit «cinéphile» avait droit au spectacle moyennant deux ou trois «a'douma» (noyaux d'abricot) selon qu'on regardait un extrait ou tout le film. A l'époque, les pèlerins (hadj) de retour chez la famille offraient comme cadeau aux enfants des gadgets diapositives (jumelles). Dalida, Aznavour... Revenons au cinéma. Le Colisée, véritable bijou architectural, abrita dans les années 60 de célèbres troupes théâtrales et des stars de renommée mondiale telles que Dalida, Aznavour et bien d'autres sont passés par là. Un incendie avait ravagé cette prestigieuse salle il y a quelques années, dont la façade recouverte de marbre fait l'objet d'actes de déprédation (vol des plaques). Quant à son «perron», il est squatté par les vendeurs informels de CD, bibelots et autres articles féminins (une «excroissance» de Sidi Hamed et Blass El Khadem)... «Nous envisageons la réhabilitation de cette salle de cinéma», nous apprendra un élu de l'APC de Tlemcen, interrogé sur le sort du Colisée, sans toutefois être en mesure de nous préciser sa destination future, autrement dit si sa vocation initiale sera préservée. Signalons dans ce contexte que les quatre salles de cinéma d'Oran, à savoir Marhaba (ex-Escurial), El Feth (ex-Pigalle), Es-Saada (ex-Colisée) et El Maghreb (ex-Régent), vont être réhabilitées pour un coût de 30 milliards de centimes (une opération initiée à la suite de la dernière visite du chef de l'Etat dans cette wilaya et motivée par la tenue annuelle à El Bahia du festival international du film arabe (3e édition en juin 2009)... Les festivités de la célébration de l'indépendance (juillet 1962) furent marquées par des projections de films d'archives à l'initiative du commissariat politique du FLN sur la place de la mairie (en plein air). A ce propos, pourquoi ne pas introduire la formule de cinéma en plein air (mode de spectacle avec mobilier fixe ou réversible) au sein des espaces existants comme le Grand Bassin, le parc d'attractions de Lalla Setti, le site du Mechouar, le théâtre de verdure de Abou Tachfine (en voie de réalisation) ? Au fait, a-t-on prévu des espaces spécialisés (salles obscures) pour le volet cinéma en perspective de la méga-manifestation «Tlemcen : capitale de la culture islamique 2011» ? (En tout cas, ce point n'a pas été abordé par la ministre de la Culture lors de sa dernière visite de travail). |
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